jeudi 29 avril 2021

Monique Canto Sperber veut sauver la liberté d'expression


Beau programme ! J'écoute Monique Canto-Sperber dans l'émission "La Grande Librairie", interviewée avec Paul Audi (qui parle de "l'empire de la compassion") et le belge David van Reybrouck (Odes chez Acte-Sud) par François Busnel

brillantissime

il faut réécouter en streaming (dommage qu'il manque une expression française, (sauf re-diffusion ?) 

... ou bien retrouver le fil conducteur dans cet article :

21 Avril 2021 | par Yaël Hirsch

La philosophe et ancienne directrice de l’Ecole Normale supérieure propose dans "Sauver la liberté d’expression" un diagnostic sur un malaise crucial de nos démocraties. Elle propose également des pistes intéressantes, enrichie par la tradition philosophique libérale pour penser cette liberté indispensable à la démocratie sur de nouvelles bases.

j'en retiens :

le débat est indispensable à l'expression des idées. Rien ne vaut la controverse objective pour réfuter toute théorie. C'est ainsi que les êtres humains respectant la tolérance peuvent échanger librement. Ce devrait être la règle à l'Université, lieu justement d'échanges où doivent primer les arguments, et non pas s'imposer les dogmes.

Monique Canto Sperber explique tout cela avec aisance, 

c'est un plaisir de l'entendre

Recul historique et philosophique

Sauver la liberté d’expression est le fruit d’un séminaire dirigé par l’auteure et le regretté Ruwen Ogien qui a duré de 2015 à 2018 à l’Ecole Normale supérieure. C’est le fruit d’une réflexion et d’échanges avec de nombreux spécialistes de la liberté d’expression parmi lesquelles Denis Ramond. Menée juste après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan et qui élargit le prisme jusqu’à John Stuart Mill vers le passé des modernes (19e siècle) et jusqu’à l’affaire Samuel Paty pour notre présent. Le recul proposé par Monique Canto Sperber est salutaire : elle reprend les principes de Stuart-Mill, les fondamentaux de la Loi sur la liberté d’expression de la IIe république (1881), aussi bien que les enjeux de l’Affaire Dreyfus avant de passer à Charlie Hebdo ou à la question de l’appel à la haine sur les réseaux sociaux aujourd’hui. 

Le diagnostic d’un double malaise

Alors qu’il rappelle très puissamment l’importance de la liberté d’expression pour nos démocraties, toute la force de l’essai provient de son diagnostic juste et mesuré : « Ce livre fut inspiré par un constat, l’existence de deux tendances apparemment contraires: d’un côté, la multiplication de propos qui se veulent affranchis de tout tabou, souvent à la limite du racisme,

voilà pour les réseaux sociaux, où la parole est anonyme

... de l’autre, la prolifération de formes nouvelles de censure, émanant de groupes, communautés, individus qui veulent imposer leur loi à la parole publique. Ces deux tendances ruinent pareillement la liberté d’expression ». Et la philosophe analyse finement les nouvelles censures et les nouveaux affranchissements, proposant de nombreuses illustrations riches et convaincantes, volontiers dans un contexte français, mais pas uniquement. Présente sur les réseaux sociaux, elle voit ce qui s’y passe mais n’arrive pas très bien à prouver qu’il y a de l’inouï lorsqu’elle met en cause « la capacité des algorithmes d’accentuer la visibilité de quelques opinions en affaiblissant la présence de celles qui s’y opposent » : n’est-ce pas exactement la même chose que Pierre Bourdieu critiquait dans L’opinion publique n’existe pas, quand il montrait que les positions à prendre préexistent à l’opinion et son dessinées par des élites ?

 Une proposition qui ne rompt pas avec la tradition libérale

Le livre est donc résolument ancré dans la tradition philosophique libérale, avec un brin d’accent sur la social-démocratie : les propositions faites ne sont pas révolutionnaires mais n’hésitent pas à trancher : plutôt que de légiférer, il faut dans l’ensemble faire confiance à l’espace public et à la parole qui vient contredire la parole de haine, de ségrégation, de violence ou raciste.

Mais après avoir saisi toute la mesure de l’acuité de la situation de crise de la liberté de parole et ses paradoxes, Monique Canto-Sperber propose de manière originale de la penser autrement. Elle propose de construire des garde-fous venus carrément de la théorie de la guerre juste. L’idée est très séduisante et les premières grandes lignes avec « trois justes moyens de lutte »: « refuser la censure », « s’en tenir à la littéralité des propos » et « jamais d’interdiction préventive » sont plus que séduisantes. 

 


Monique Canto-Sperber, Sauver la liberté d’expression, Albin Michel, 336 p., 21,90 euros, Sortie le 21 avril 2021. 

l’interview dure 42mn27s (de bonheur aurait chanté Sylvie Vartan)

https://www.youtube.com/watch?v=DKx19w_yOdM&ab_channel=FranceCulture

"Comme toute crise majeure, cette année de pandémie a joué le rôle de révélateur. Elle a jeté une lumière crue sur les inégalités de notre société ainsi que sur la vulnérabilité des étudiants, des personnes âgées et démunies, des enfants pauvres, de même que de tous ceux vivant de l'économie informelle ou dépendant des aides sociales. Elle a aussi concrètement démontré la désindustrialisation de la France : nous nous sommes rendu compte que les masques, les tests, les réactifs, les équipements médicaux, et même les médicaments de base n'étaient presque plus produits chez nous. Pareil pour les équipements informatiques des voitures créés à partir des terres rares. Pareil pour ce qui concerne l’industrie nucléaire, que nous démantelons difficilement alors que les usines fonctionnent encore ! Pareil pour le bois, les matériaux de construction, j’ajoute tous les produits de modélisme…même si l’on s’en moque !

Enfin, elle a prouvé que l'Etat pouvait jouer un rôle majeur en temps de crise, en compensant financièrement la perte d'activité de nombreux salariés.

 Le libéralisme condamné ? Dans les moments de crise majeure, les valeurs et les pratiques libérales sont toujours mises à mal. Le rêve des années 1990 d'une démocratie libérale perpétuelle s'était déjà fracassé contre l'irruption du terrorisme islamique et la montée des populismes européens. Aujourd'hui, la pandémie, associée à la menace du changement climatique, est l'une de ces circonstances où les idéaux libéraux de société ouverte et de confiance, de délibération et de contre-pouvoirs semblent des rêves creux face au danger. Quand les ressources sont rares et qu'il y a urgence, un pouvoir aux décisions discrétionnaires paraît toujours plus efficace. Mais je voudrais m'élever contre cette conclusion. 

 "Les pays qui ont impliqué très tôt les pouvoirs locaux ont mieux contrôlé la situation sanitaire"

Lorsqu'on regarde de plus près la séquence qui vient de s'écouler, on parvient au contraire à la leçon opposée. Hormis les aides économiques que j'ai rappelées, nous avons constaté qu'au printemps dernier, l'Etat a multiplié les mesures de réquisition et de répartition centralisées, avec parfois une opacité dans les prises de décision et des…

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j'écoute les polémiques ce matin sur l'alerte lancée par quelques Généraux-à-la-retraite ("en charentaises" précise la Ministre de l'Industrie)

normalement, ils sont interdits de parole, appartenant à la Grande Muette

ils s'inquiéteraient du déclin de la France ? ? 

...et 58% des Français penseraient comme eux ! ! 

alors ? ... la sauver, 

... la liberté d'expression ?