vendredi 8 août 2014

Aïe, de l’ail !



C’est la saison de l’ail nouveau : quand l’ail est vieux, les gousses contiennent un germe, qui doit absolument être ôté avant consommation. Quand l’ail est nouveau, le germe est quasi inexistant, impossible à repérer, on le mange donc, sans conséquences (trop) fâcheuses pour la digestion.

Nous avons ici une recette très particulière : « le rail d’ail ». Je vous explique :

Dans un mortier, vous coupez puis pilez un certain nombre d’anchois au sel. Je précise bien « au sel », car les anchois dévertébrés et à l’huile sont un peu trop soft pour la préparation (sauvage) que je vous propose. On nous annonce la disparition des anchois de Collioure, tout fout le camp, je vous engage cependant à en stocker les dernières productions, avant la grande extinction finale. Donc vous sortez un par un les anchois au sel de leur bocal, et les passez sous le jet d’eau pour enlever le sel excédentaire. Puis vous les coupez en petits morceaux, pour faciliter le broyage au pilon qui va suivre. Et vous broyez, en ajoutant de l’huile d’olive de Bellon (de Fontvieille), c’est la meilleure du monde avec celle de la Vallée des Baux (de Provence). L’astuce : le broyage est facilité par la présence de l’arête centrale. Celle-ci ôtée, l’anchois se colle au pilon, pas terrible ! Un peu de poivre ensuite, c’est tout.


Ayant pelé une gousse d’ail nouveau, vous en découpez la chair en fines et longues lamelles.

Ces lamelles sont disposées sur une planche, en forme de ligne : « le rail » ! Vous avez constitué en quelque sorte de petites cuillers, que vous allez prendre avec les doigts, puis tremper dans l’anchoïade, avant de vous fourrer le tout, farci, dans la bouche. Evidemment, un petit dégât collatéral est que vos doigts vont être mouillés de sauce, donc d’huile d’olive. Vous sucez le doigt ou les doigts en question, (car il est rare que le pouce ne soit pas huilé aussi). Cette huile forme, ingérée, un « fond d’estomac », qui comme l’huile de baleine autrefois répandue sur les vagues de la mer déchaînée, apaise les brûlures d’estomac.

Il arrive que la brûlure d’ail soit tellement violente qu’elle va provoquer un feu (de forêt) dans les gencives : difficile à apaiser, sauf à noyer l'incendie sous les flots d’un verre glacé de rosé (de Provence). En pratique, n’importe quel breuvage glacé convient, et du Cordon Rosado de la marque Freixell produit par nos voisins espagnols constitue un excellent antidote.


Il est possible qu’ultérieurement (pendant la nuit qui suit) l’haleine de tout un chacun exhale des senteurs d’ail nouveau fort explicites : cela implique que chacun goûte l’ail, pour que personne ne puisse prétendre que le voisin sent plus mauvais que lui. Le rail d’ail requiert ainsi une consommation solidaire, préparant au vivre ensemble. C’est un tapas sociétal, si l’on s’exprime dans le jargon (majoritaire) de notre Premier-Ministre-catalan. Plus tard, vous observerez que les insectes domestiques se raréfient, fuyant ce qui pour nous est un arôme. Mieux encore, vous connaissez l’histoire de Bigart, avec sa chauve-souris. Sachez que depuis Dracula, on pratique ce genre de remèdes, qui a la réputation de faire fuir les vampires.

                                                            un rail d’ail : que c’est bon !

plus de vampires à la maison !