La Villa Majorelle, emblème de
l’Art nouveau à Nancy, classée Monument Historique, oeuvre de l’architecte
Henri Sauvage, et Louis Majorelle bien connu pour les meubles, a rouvert ses portes les 15
et 16 février dernier après des mois de restauration, et avant de sombrer dans
le déconfinement... provisoirement on l'espère !
voyage dans l'art Nouveau de l'école de Nancy …
Le visiteur qui découvre pour la
première fois la Villa Majorelle en franchissant le portail sera sans doute
surpris par l’absence de recul et d’espace autour de la maison qui ressort si bien des photos de googlemap. Le lotissement
du quartier et le percement de la rue Majorelle dans les années 1930 ont en
effet fait disparaître presque entièrement le parc. À l’origine, le portail
s’ouvrait sur la rue du Viel-Aître et un grand jardin arboré servait de décor
naturel à la maison, à l’abri des regards… Depuis la terrasse, on jouissait
même d’une agréable vue sur la côte. À l’arrière du parc, se trouvaient les
ateliers de la fabrique Majorelle, d'où la résidence juste à côté.
Œuvre d’un jeune architecte parisien, Henri Sauvage, pour l’artiste Louis Majorelle, et classée Monument Historique, la Villa Majorelle – construite en 1901-1902 – occupe une place toute particulière dans l’histoire de l’architecture nancéienne, en tant qu’exemple emblématique de l’architecture Art nouveau, bien sûr, mais aussi, en tant que maison d’artiste, gardant le souvenir de Louis Majorelle. C’est à ce titre que le ministère de la Culture lui a décerné en 2011 le label national de « Maison des Illustres ».
Première maison entièrement Art
nouveau de la ville, La villa Majorelle est conçue comme un ensemble dont
chaque élément qui compose sa structure et son décor est imaginé en étroite
interdépendance avec le reste de l’édifice. La fluidité des formes et des
motifs décoratifs et le jeu continu de l’articulation entre extérieur et
intérieur font de cet édifice un exemple d’application de la notion d’unité de
l’art prônée par de nombreux artistes de l’époque.
Âgé d’à peine 26 ans, Henri
Sauvage n’a pas encore mené de projet similaire et ne peut justifier que d’une
expérience de quelques mois auprès de l’architecte bruxellois Paul Saintenoy.
Majorelle qui l’a rencontré chez leur ami commun le sculpteur Alexandre
Charpentier, le préfère néanmoins à l’architecte nancéien, Lucien
Weissenburger, qui vient de construire ses ateliers et à qui sera confié le
suivi du chantier. Ce choix tient sans doute d’une part à l’audace créative de
l’architecte parisien et d’autre part au réseau d’artistes qui seront appelés à
collaborer au projet. C’est aussi pour Majorelle, l’occasion de révéler à Nancy
des pistes conceptuelles inédites. En 1898, Louis Majorelle lui confie donc
l’élaboration des plans de sa maison personnelle à Nancy, plus connue comme la
« villa Jika » (d’après l’acronyme du nom de jeune fille de la femme de
Majorelle, Marie Léonie Jane Kretz).
La maison voulue par Louis
Majorelle devait refléter l’esprit qui régnait dans son travail : modernité,
dynamisme et simplicité non ostentatoire. De dimensions raisonnables, elle est
d’abord pensée pour ses habitants et leur confort quotidien. Sauvage pense
espace à vivre avant élévation, distribution intérieure avant canons
académiques, pour un résultat qualifié par Franz Jourdain de « fantaisie
savoureuse et spirituelle » dans le long article qu’il consacre à l’édifice
dans Art et Décoration en 1902.
« Le regard suit la montée de l’escalier, pénètre dans l’atelier par sa vaste verrière, devine l’intimité des chambres à coucher, s’arrête aux petites baies des cabinets de toilette, s’attarde aux dimensions étoffées d’une hospitalière salle à manger, inspecte à l’aise le vestibule […] sans prétention. […] De hautes souches afin d’activer le tirage des cheminées […], de robustes tuyaux de descente […] des auvents protecteurs, des balcons saillants, des consoles en bois rompant la rigidité de la pierre, […]; des grès émaillés aux fulgurances fastueuses […]; des menuiseries harmonieusement teintées ; des fers forgés sobrement étudiés […] ; tout a sa place, tout avec sa raison d’être, rien à ajouter et rien à retrancher ».
L’ensemble de l’élévation joue des oppositions répétées : la nudité austère de la pierre d’Euville face à la polychromie des briques, grès, menuiseries et ferronneries ; la verticalité affirmée de la tour de l’escalier face à l’arc elliptique de la terrasse; l’inspiration médiévale de l’arc-boutant (disparu) face à la menuiserie japonisante d’un balcon… À l’intérieur, les espaces dévolus au service, à la réception et au quotidien se répartissent avec fluidité et rationalité. Le décor, souligné par l’omniprésence du bois, sert de fil conducteur à la distribution intérieure et de lien avec l’extérieur.
L’architecte Henri Sauvage se charge
de la décoration fixe, dont la quincaillerie et fait appel à d’autres artistes
pour les interventions spécifiques. Ses amis parisiens, le céramiste Alexandre
Bigot et le peintre Francis Jourdain réalisent respectivement les grès flammés
extérieurs et intérieurs et les peintures décoratives de la salle à manger.
le jardin d'hiver au rez-de-chaussée et la balustrade dehors |
le céramiste Alexandre Bigot apporte une touche décisive dans les décors comme la rambarde de la terrasse et la cheminée monumentale du salon |
Louis Majorelle conçoit sans
surprise le mobilier, dont une partie existe déjà dans ses catalogues de vente.
Il revient à mon Maitre-verrier nancéien, Jacques Gruber, le soin de concevoir
les vitraux des pièces principales (cage d’escalier, salle à manger et salon,
chambre des Majorelle). Le gros œuvre, une structure en béton, est réalisé par
l’entreprise France-Lanord et Bichaton. et ainsi, la Villa Majorelle s’impose comme une œuvre
expérimentale unique.
« J’y travaillai deux ans,
remaniant cent fois mon ouvrage… Que ce premier client, que ce bel artiste
reçoive ici (…) l’expression de ma plus vive gratitude pour la liberté
inespérée qu’il me laissa – ne m’imposant, malgré mon jeune âge, ni les limites
d’un crédit, ni ses idées personnelles », dira plus tard Henri Sauvage.
Vendue à l’État en 1926 par le
fils unique de Louis Majorelle, le peintre Jacques Majorelle (qui réside au
Maroc), la villa accueille différents services administratifs jusqu’en 2017. Si
le terrain qui l’entoure est loti, la maison elle-même traverse cette période
en subissant assez peu de transformations, la plus visible étant la
construction d’un bunker semi-enterré côté sud. Aucun décor existant lors du
rachat n’a heureusement disparu. La redécouverte progressive du patrimoine Art
nouveau a permis à la Villa Majorelle d’obtenir l’inscription Monument
Historique en 1975 puis pour le classement en 1996. La Ville de Nancy en est
propriétaire depuis 2003. Depuis 2007, des visites guidées étaient proposées
les week-ends et leurs succès reflétaient bien l’intérêt du public pour cet
édifice hors du commun… Seulement, la vieille dame, âgée, avait besoin d’une
réhabilitation.
Et la ville de Nacy nourrissait
aussi un autre objectif : offrir aux visiteurs une immersion dans le Nancy
1900, avec la sensation d’entrer dans l’intimité d’une famille, les Majorelle.
La Ville de Nancy a confié au musée de l’École de Nancy la charge de définir le
projet scientifique et culturel de la maison, avec l’idée d’en faire un lieu
patrimonial ouvert au public.
Les importants travaux de rénovation, qui s’achèvent en
février 2020, ont donc permis la réhabilitation d’une grande partie de ses
espaces intérieurs (Rénovation de l’ensemble du rez-de-chaussée (vestibule, cage
d’escalier, salle à manger, salon, terrasse et dégagements) et de la chambre à
coucher au premier étage). La restitution minutieuse des décors d’origine
connus et de l’ameublement des pièces de réception et de la chambre à coucher
invite aujourd’hui les visiteurs à un voyage dans le temps et dans l’intimité
familiale de l’artiste.
Enrichie d’espaces d’accueil et
d’outils de médiation dédiés à tous les publics, la Villa Majorelle veut
devenir une porte d’entrée incontournable pour explorer le Nancy Art nouveau.
Un système de signalétique et de médiation bien intégré est déployé aux abords
immédiats mais également dans la maison, pour permettre de décrypter ce courant
de l’histoire de l’art, raconter l’histoire des Majorelle et offrir une
découverte adaptée à chacun. La terrasse de la maison propose une accessibilité
renforcée, grâce à une visite virtuelle de la villa et une maquette tactile
pour une découverte sensorielle de l’architecture Art nouveau. Une application
de visite a été développée afin d’accompagner le visiteur dans sa découverte.
Avec au cœur du projet sa qualité
de maison particulière, conçue et habitée par un artiste actif pendant l’une
des périodes les plus dynamiques de l’histoire de Nancy, la réhabilitation de
la Villa Majorelle ne pouvait être entreprise de manière comparable à la
création ou à la rénovation d’un musée traditionnel.
L’état présent de la maison
résulte d’interventions successives qui ont modifié son aspect à des degrés
divers. Les modifications réalisées du vivant de Louis Majorelle résultent de
choix opérés par l’artiste, notamment à la suite des dégâts subis lors du
bombardement de 1916. La suppression de la terrasse sud du second niveau, la
décision de ne pas remplacer à l’identique le vitrail à décor de pin du salon,
la fermeture de la terrasse nord constituaient des stades clés, au-delà
desquels il était hasardeux de revenir. Dans la mesure du possible, le stade
défini a donc été l’état connu avant 1926, à condition que l’intervention n’ait
pas d’incidence sur l’état structurel de la villa.
Louis Majorelle, naît à Toul en 1859. Son père, Auguste Majorelle (1825–1879), connaît un certain succès dans le domaine de la décoration de mobilier dans le style japonais (vernis Martin) et la copie de style. Alors qu’il envisage une carrière de peintre et étudie à l’École des Beaux-Arts de Paris, Louis doit revenir à Nancy à la mort de son père pour épauler sa mère dans la direction de l’entreprise familiale. Celle-ci emploie déjà plus de vingt ouvriers et profite de conditions économiques favorables, au lendemain de l’annexion de l’Alsace Moselle. Sous l’impulsion de Louis, la manufacture se lance dans une production de mobilier moderne, influencé par la nature et les recherches d’Émile Gallé, dont le succès est immédiat. Dans le même temps, il poursuit une production industrielle de copies de style.
Majorelle au musée de l'école de Nancy, avec le célèbre piano |
Avec l’aide de son frère, Jules
Majorelle, l’entreprise amorce la conquête des marchés parisiens et
internationaux. Dès 1904, elle dispose d’un magasin de vente à Paris rue de
Provence (l’ancien magasin de Samuel Bing), tandis que des succursales sont
implantées à Londres, Berlin, Lyon, Lille ou même Oran. Des catalogues de vente
présentent une production variée et attestent de la pérennité de certains
modèles au fil des décennies. Les commandes de maisons de haute couture, cafés
parisiens, riches industriels, grands magasins ou ambassades assurent à
l’entreprise un succès et une reconnaissance durable.
je parie que c'est une suspension Daum ? |
je vous montrerai un jour prochain sur la côte normande la villa Bluette
et la villa Louis
oeuvres de Guimard, avec les céramiques de Bigot
imaginons que vous trouviez cette signature dans un vieux meuble du grenier : téléphonez-moi ? |