vendredi 14 novembre 2014

Alain Fournier,


le képi porte le n°88 devenu 288è
La fosse terrible de Saint-Rémy de Calonne


Vous suivez la série télévisée américaine : Bones ? c’est une série créée par Hart Hanson d'après les romans de Kathy Reichs (anthropologue judiciaire et écrivain à succès). Les archives départementales nous convient à leur conférence mensuelle, et ont invité Bones (en quelque sorte).

Soirée terrible !

Frédéric Adam se présente à nous comme Normand (de bonne lignée) habitant la Meuse, il nous montre où sur la carte des combats de Verdun. Quand il fait 4° chez nous, il fait -20° chez lui, et il préfère creuser au midi naturellement, même si son métier est d’être une sorte de Bones ! Il a inventé « l’archéologie-récente », en fouillant les fosses où restent ensevelis des milliers de soldats Français, allemands ou étrangers. On devine que c’est une spécialité délicate, pour des tas de raisons éthiques et morales bien compréhensibles, et qu’il opère en toute légalité en application de la loi de 1920 qui stipule que l’Etat in fine se doit de rendre les Honneurs militaires aux combattants morts pour la France, en toute transparence avec les familles.


C’est à lui que l’on doit la fouille anthropologique de la fosse, découverte par Michel Algrain : au milieu de 21 corps tête-bêche, étaient ensevelis trois officiers, dont le lieutenant Alain Fournier. La plupart ont été identifiés, effets civils remis aux familles, corps maintenant ensevelis dans la nécropole de Saint-Rémy la Calonne.

La vie d’Henri-Alban Fournier mérite d’être racontée en détails tant je retrouve (merci Wikipedia) (à cinquante cinq ans  de différence) de points communs : il naît à La Chapelle-d'Angillon, chef-lieu de canton du département du Cher, à 32 km au nord de Bourges. Son père, Augustin Fournier (1861-1933), habituellement appelé Auguste, jeune instituteur, vient d'être nommé à Marçais, où le petit Henri vit ses cinq premières années. Sa mère, Marie-Albanie Barthe (1864-1928) est également institutrice. L'essentiel de son enfance se passe à Épineuil-le-Fleuriel, tout au sud du département. Il y sera, sept ans durant, l'élève de son père et aura pour compagne de jeux et de lectures sa sœur Isabelle (1889-1971). Dans une lettre à ses parents du 20 mars 1905, évoquant « la classe où entraient […] tout le soleil doux et tiède de cinq heures, toute la bonne odeur de la terre bêchée », il ajoute : «Tout cela, voyez-vous, pour moi c’est le monde entier». Les trois quarts des chapitres de son futur roman auront pour cadre « Sainte-Agathe » et ses environs qui ressemblent à s’y méprendre au petit village de son enfance heureuse.


À douze ans, Henri part pour Paris, où il commence ses études secondaires au lycée Voltaire, récoltant presque tous les prix. Rêvant d’«être marin pour faire des voyages», il convainc ses parents, en septembre 1901, d’aller à Brest préparer le concours d’entrée à l’École navale : l’expérience sera trop rude et il y renonce quinze mois plus tard. C’est au lycée de Bourges qu’il prépare le baccalauréat ; il l’obtient, sans mention, en juillet 1903. Comme beaucoup de jeunes provinciaux, comme Péguy et Giraudoux avant lui, il va poursuivre des études supérieures de lettres au lycée Lakanal, à Sceaux – « l’internat des champs » –, puis au lycée Louis-le-Grand de Paris, où il prépare le concours d'entrée à l'École normale supérieure. C'est au lycée Lakanal qu'il rencontre Jacques Rivière avec lequel il se lie d'une amitié profonde. Celui-ci étant reparti à Bordeaux en 1905, il entretient avec lui une correspondance presque quotidienne qui sera publiée en 1928. Jacques Rivière épousera sa jeune sœur, Isabelle, en 1909.

Le 1er juin 1905, jour de l'Ascension – il a dix-huit ans –, il croise, à la sortie d'une exposition de peinture au Grand Palais, une grande et belle jeune fille, qui lui dira son nom dix jours plus tard : Yvonne de Quiévrecourt (1885-1964). Mais cet amour est impossible : Yvonne épousera, l'année suivante, un médecin de marine, Amédée Brochet. Bouleversé par cette brève rencontre, Fournier ne cessera, huit années durant, de penser à la jeune femme et de l’évoquer dans sa correspondance. Il s'en inspirera pour le personnage d’Yvonne de Galais dans Le Grand Meaulnes.


Après son échec à l'oral de Normale en juillet 1907, il effectue son service militaire d'octobre 1907 à septembre 1909, d'abord à Vincennes et dans diverses casernes de Paris, de Vanves et de Laval, puis comme sous-lieutenant de réserve au 88e Régiment d'Infanterie à Mirande (Gers). Le voilà lui aussi dans le Gers ! Libéré à l'automne de 1909, il ne reprend pas ses études, mais est engagé comme chroniqueur littéraire à Paris-Journal en 1910. Il commence à publier quelques poèmes, essais, ou contes, qui connaissent quelque succès. Il rencontre alors plusieurs grands peintres et écrivains de son temps : Maurice Denis, André Gide, Paul Claudel, André Suarès et Jacques Copeau, et se lie d'une grande amitié avec Charles Péguy et Marguerite Audoux. Mais surtout il élabore lentement l'œuvre qui le rendra célèbre : Le Grand Meaulnes, paru en novembre 1913 chez Émile-Paul. Ce roman manquera de peu le prix Goncourt, mais sera salué presque unanimement par la critique de l'époque.

Le 5 mai 1912, présenté par Charles Péguy, il devient secrétaire de Claude Casimir-Perier, fils de l'ancien président de la République et l'aide à mettre au point un gros ouvrage : Brest, port transatlantique qui sera publié en avril 1914 chez Hachette. Il fréquente dès lors l'épouse de celui-ci, Pauline Benda, célèbre au théâtre sous le nom de Madame Simone et lui rend de multiples services. Simone révèlera en 1957 la liaison passionnée, souvent orageuse, qu'elle a eue, à partir de juin 1913, avec le jeune écrivain, de neuf ans son cadet, dans son livre "Sous de nouveaux soleils" (Gallimard). Alain-Fournier est fréquemment reçu dans leur propriété de Trie-la-Ville, où sont également accueillis Charles Péguy ou Jean Cocteau. C'est sous les arbres du parc du château de Trie que Fournier écrira, en 1914, plusieurs chapitres de son second roman qu’il appelle alors «Colombe Blanchet», mais qu'il ne pourra achever avant la déclaration de guerre. La correspondance des deux amants a été publiée en 1992, présentée et annotée par Claude Sicard.


Durant cette même année 1913, qui voit, en juin, le début de sa liaison avec Pauline Benda-Perier - Madame Simone -, Fournier rencontre pour la seconde fois Yvonne de Quiévrecourt. Les chastes retrouvailles ont lieu au cours de l’été, sans doute du 1er au 4 août 1913, à Rochefort-sur-Mer, où la jeune femme, mère de deux enfants, est de passage chez ses parents. Le jeune homme est bouleversé — des notes sur un petit carnet noir en témoignent — mais sa vie sentimentale a pris désormais irrévocablement une direction nouvelle. Il échangera encore quelques lettres avec Yvonne de Quiévrecourt, mais ne la reverra pas.

Lieutenant de réserve, mobilisé le 2 août 1914, Alain-Fournier part de Cambo dans le Pays basque, où il était en vacances avec Simone, pour rejoindre son régiment, le 288e régiment d'infanterie à Mirande. On sait que les régiments de réserve étaient repérables par le numéro 2, qui précède le numéro d’origine, le 88è devient le 288è ; comme le 83è devient le 283è etc…Il est affecté à la 23e compagnie. Partis d'Auch en train jusqu'au camp de Suippes, ses hommes et lui rejoignent le front après une semaine de marche jusqu'aux environs d'Étain. On  comprend dès lors que son corps soit entouré de soldats gersois, j’en trouve même un qui provient de Masseube, le «balcon des Pyrénées» ! Avec sa compagnie, il participe ensuite à plusieurs combats meurtriers autour de Verdun.

le JMO : les 3 officiers. Tous les soldats sont du Gers !

Le 22 septembre, un détachement de deux compagnies, la 22e, commandée par le lieutenant Paul Marien et la 23e, commandée par le lieutenant Fournier reçoit l'ordre d'effectuer une reconnaissance offensive sur les Hauts de Meuse, en direction de Dommartin-la-Montagne, à vingt-cinq kilomètres au sud-est de Verdun. Si l'on doit en croire les témoignages postérieurs, assez divergents, du sergent Zacharie Baqué et du soldat Laurent Angla, Fournier et ses hommes parviennent jusqu'à la Tranchée de Calonne où ils sont rejoints par le capitaine de Savinien Boubée de Gramont qui prend la direction des opérations et décide d'attaquer l'ennemi. Ce capitaine est, lui, d'active, nettement plus âgé. Entendant des coups de feu, ils veulent rejoindre la 22e compagnie de Marien qui s'est trouvée face à un poste de secours allemand et a ouvert le feu. Après avoir fait quelques prisonniers, ils sont pris à revers par une compagnie prussienne à la lisière du bois de Saint-Remy et décimés par la mitraille. Trois officiers (dont Alain-Fournier) et dix-huit de leurs hommes sont tués ou grièvement blessés, tandis que Marien et le reste du détachement parviennent à se replier. Sur le Journal de marche et d'opérations du 288e R.I., (on dit JMO, et tous ces journaux sont consultables sur internet) trois officiers, un sergent et dix-huit soldats des 22e et 23e compagnies sont portés « disparus » au « combat de Saint-Remy, du 21 au 30 septembre ».

les Allemands ont occupé les lieux trois ans, et creusé cette fosse de 50cm, recouverte de terre à l'époque

la fosse peu profonde (sur une plaque de calcaire) a été recouverte par le Souvenir Français

S'il faut croire certaines sources, la patrouille dont Alain-Fournier avait reçu l'ordre de « tirer sur des soldats allemands rencontrés inopinément et qui étaient des brancardiers », et avait obéi, ce que les Allemands auraient considéré comme un crime de guerre. Selon Gerd Krumeich, professeur à l’Université de Düsseldorf, il est exact que la patrouille d'Alain-Fournier attaqua une ambulance allemande, mais il est difficile d'établir les faits précis.

Ceci jusqu’à l’intervention de notre Bones-conférencier, Frédéric Adam !

Il analyse ce qu’il appelle « les fracas », les origines de la mort des 21 corps : tous sont criblés de balles, encore visibles, venant de tout autour, confirmant qu’ils ont été encerclés dans une embuscade mortelle. Et non pas fusillés (de face), ni abattus de coups de crosse.

Alain Fournier  a plus tard été décoré de la Croix de guerre avec palme

et nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Son nom figure sur les murs du Panthéon, à Paris,

dans la liste des écrivains morts au champ d'honneur pendant la Première Guerre mondiale.


Ses compagnons, agriculteurs gersois, l’entourent pour toujours !


St Ayes figure sur la liste des 21 ci-dessus, 4è ligne après Fournier