dimanche 26 janvier 2014

Fausse route



Nous avons déjà chanté la chanson : « J’irai revoir ma Normandie » (1)  : c’est fait : maison bouclée. Cap au nord. Dix heures de route, le dimanche c’est plus commode, seuls les camions étrangers filent vers Paris. Partis à 7 heures pile, huit heures d’autoroute plus tard, la capitale est contournée sans trop de circulation, profitant des agapes des parisiens qui ne reprennent la voiture qu’à quinze heures pour digérer. Cap au nord toujours et encore : la Seine, la « Forêt Verte » (on ne voit pas les feuilles agressées par les pluies acides puisque les feuilles sont tombées à l’automne dernier). Banlieue noire. Banlieue grise. On arrive à Rouen. Pont Mathilde toujours fermé, on ne se presse pas ici pour terminer les travaux. Détour par le pont Corneille. Arrivée Place Saint-Marc. Entrée dans le parking souterrain. Ouf ! Arrivés sans encombre !

Cela fait déjà huit jours, et le rythme s’est de suite mis en place : matin, tournée (à pied) dans le quartier Saint-Maclou : il faut  bien faire les courses, facile dans ce quartier encore plein de commerçants en tous genres. Après-midi trajet au Nord, toujours le Nord, on escalade les collines au-dessus de la Ville, vers Boisguillaume. C.H.U. Ces initiales qui marquent pour tous les incidents du grand âge. Nous, nous en sommes au second stade : après l’opération à Charles Nicole, notre CHU est destiné à la rééducation : Ouf ! seconde et dernière étape avant le retour à la maison.


Pour les médecins, en cas de maladie, la formation initiale sert à s’approprier moult protocoles pour faire face, et délivrer les gestes et médications appropriées. Pour le malade, il a été brusquement transplanté depuis son univers (où il était entouré de tous les appareils et appuis matériels permettant les gestes de la vie courante. Permettant de s’alimenter. De participer à la vie extérieure par la radio et la télévision) … dans un lieu étranger. L’environnement réduit à une armoire et un lit, tout est d’un coup anéanti : il se retrouve en pyjama pour tout vêtement, et assis dans un fauteuil la plus gande partie de la journée. Proche d’un voisin inconnu. Soumis aux horaires fixes des repas et prises de médicaments. Soumis aux interventions inopinées mais continuelles des professionnels de santé. Pas facile de s'isoler pour méditer !

Pour la famille, l’objectif est de créer une atmosphère pseudo-familiale. Comprendre les soins et les traduire au patient soucieux de comprendre ce qui lui est administré de l’extérieur. Créer la motivation à vivre, à sortir du lit. A sortir du fauteuil. Pour reprendre les gestes automatiques de la vie : se lever. Marcher. « Déambuler » dans le couloir. Demi-tour. Rentrer. Bouger quoi. S’alimenter. La physiologie de base. Le préalable à retrouver le goût de vivre.

« C’est vous la personne de confiance ? » Terrible question à sens-multiples. YES I’m. Voici le téléphone où nous joindre 24H/24. YES we are here. Personne de « confiance ». Personne « ressource ». C’est complémentaire.

Assez vite, on rentre dans le vif du sujet. Parmi tous les risques que l’on court quand on est dans son lit, hospitalisé, il y a la fausse route. J’adore cette expression, qui me rappelle pour les anciens latinistes, la différence qu’adorait le prof de latin, entre le faux sens. A ne pas confondre avec le contre-sens. Quand on fait une traduction d’une langue étrangère, voilà les deux pièges à éviter : le faux-sens. Le faux-sens, c’est se tromper d’interprétation. Le contre-sens, c’est faire dire à la langue d’origine le contraire de ce qu’elle dit. Ce qui est très emmerdant, imaginez pour les relations diplomatiques ! Je pense à François le Saint-Père, discutant (à fleurets mouchetés) en italien, avec François, notre Saint-Père-Laïc, qui lui répond en français. C’était hier ou avant-hier. Pas intérêt à dire le contraire de ce qu’on pense ! En 15 minutes hors traduction, pas beaucoup de temps pour faire connaissance ! Je repense évidemment à l’audience accordée par François à François en présence du Ministre de l’Intérieur et de Nicolas Hulot (venu pour réclamer au Pape de veiller écologiquement à la durabilité de la Création, au motif qu’elle a été conçue par Dieu, et que le Vatican doit en assurer l’après-vente (ce qui ne manque pas d’humour puisque Nicolas est censé être bon laïque, et qu’il ne croit plus à toutes ces fadaises depuis la théorie du Big-Bang et de l’évolution… !).


La Fausse-route alimentaire est l’accident dû à l'inhalation dans les voies aériennes de liquide ou de particules alimentaires normalement destinés à l'œsophage. Quand on est alité dans la position inconfortable mi-allongée mi-assise de son lit médicalisé, le risque est que les aliments que le malade absorbe (par devoir car il n’a pas faim), fassent fausse route.

La Docteur (la théorie du genre veut que bien que son sexe soit féminin, on l'appelle "Docteur" au masculin) nous explique de suite après notre arrivée la manoeuvre de Heimlich : le poing de la main (de la personne de confiance) au contact du ventre (du patient) doit être fermé au niveau de l'estomac pour former une boule qui va servir à appuyer. Ensuite il faut « très brutalement, sans délicatesse », serrer le thorax entre les bras en enfonçant vers le haut le poing dans l'estomac de la personne en détresse, comme si l'on voulait la décoller du sol.

Roger ayant du mal à avaler, je m’essaie (doucement) au geste en question. Ouf, il avale, et rote, soulagé. J’apprends, je suis là pour ça. Ici comme en économie, la confiance fait tout !

J’aime beaucoup l’expression : « il faut très brutalement, sans délicatesse, serrer le thorax entre les bras en enfonçant vers le haut le poing dans l'estomac de la personne en détresse, comme si l'on voulait la décoller du sol ». En médecine la brutalité, dans certains cas, peut être vivement recommandée !

Nous sommes dimanche 26 janvier, une semaine déjà.

Je m’intéresse comme nous tous au sort de Valérie : hier François (le personnage privé) a dit-on personnellement téléphoné à l’AFP pour l’informer du fait qu’il (le Président) avait définitivement viré Valérie. L'expression utilisée amuse d'ailleurs les journaux : "j'ai décidé de mettre fin à la mission ...de Valoche...". A titre et privé, et public. Il avait fait, a-t-il avoué, « une fausse route ». Il devait appliquer la manœuvre d’Heimlich. « Un coup de poing sans délicatesse, pour la décoller du sol ». Je suis rassuré : lui et moi connaissons le geste professionnel, on sait quoi faire en cas de fausse route : un bon coup de poing en dessous du sternum.


Je ne suis pas très inquiet pour Valérie : sortie de la Salpétrière sans fausse route. Sortie de la Lanterne relookée. Elle part en mission officielle en Inde, pour une mission humanitaire d’ex first lady, avec un garde du corps ; et des compensations financières qui vont l’aider à retourner à une vie parisienne enviable pour le commun des mortels, sans compter son poste protégé à Paris-Match (qu’elle n’a jamais quitté nous raconte son Patron).

François repart maintenant pour une juste route, avec Julie, j’attends avec impatience (comme toute la France) la décision (privée) de François de la nommer (publiquement) first lady. De lui recréer le cabinet dissout hier. On va voir s’il emmène Julie rencontrer Michèle Obama aux States, le feuilleton n’est pas terminé ! Julie après tout pourrait jouer le rôle de traductrice. Elle est forcément bilingue ? Et puis, elle est accoutumée aux rôles...de composition !


Ici, nous sommes dans la vie ordinaire. Des gens ordinaires. Roger est un patient ordinaire.

On fait tout ce qu’on peut (avec l’aide de Dieu) pour le faire rentrer chez lui, dans son univers cosy et familier, rempli de livres rares et de meubles d’antiquaires. De musique et de films sur Chartres et l’Art Roman. Dans son quartier charmant, plein de traiteurs chics. Aussi bien qu’à Paris 15ème. Le quartier de Valérie. La vie des gens heureux des Centre-Villes chics. Vous voyez ? Il n’y a pas que les Bobos pour y être à l'aise !

Gare aux fausses routes !

mieux vaut réfléchir avant d’agir

sinon…

                                                                    gare à Heimlich !



(1) c’était il y a presque deux ans :
il y a des billets avant, il y aura des  billets après… !