mercredi 3 mars 2021

Mystères romains à Borde Garonne

Avec le printemps revenu, nous reprenons l'exploration de Saint-Bertrand de Comminges interrompue par l'hiver et le covid : au moins, nous avons le droit d'explorer librement la nature environnante, en rentrant chez nous avant dix-huit heures bien entendu ! Je me suis laissé dire autrefois que, comme Rome en tout petit, Lugdunum convenarum était entourée de sept collines. La difficulté est que ces collines ne sont pas toujours nommées sur les cartes, et comme le disait mon Maitre Linné, ce qui n'a pas de nom n'existe pas !

Il se trouve que Jean-Luc L. est un grand observateur, dont les contributions à la re-découverte de l'aqueduc romain retrouvé intact et dument photographié pendant les explorations de l'été 2020, sont déterminantes. Il me convie ce dimanche, le dernier de février, à sortir mon drone de l'hivernage auquel je l'ai contraint : il tient à nous emmener au bord de la Garonne, au lieu-dit qui dit bien son nom "Borde-Garonne", que je vous ai montré autrefois en vous faisant découvrir le jardin si joli de Denis Meliet, sublimé par la présence physique de Stéphane Bern venu-en-personne-personnellement à la fête "the village" organisée chaque été par les Personnalités locales...

http://babone5go2.blogspot.com/2020/08/le-jardin-denis-meliet.html

...ce qui nous amuse, nous amateurs éclairés, est que personne n'a informé Stéphane à l'époque qu'il se trouvait en plein site romain, qui contrairement à Pompéi n'est pas du tout exploré, ce qui explique que les vestiges antiques restent à découvrir, opportunité rarissime pour les amateurs, susceptibles ici de découvrir des choses inconnues... qui sait !

...vous n'oubliez pas que personne n'a encore trouvé le tombeau d'Hérode, ou ce qui serait aussi formidable celui d'Hérodiade, la mère en personne de Salomé, dont la légende dit qu'elle est morte en faisant du patin à glace sur le lac de Barbazan voisin. Où ces meufs niveau impératrice ont-elles été enterrées ? That's the question !

Jusqu'alors, j'avais garé la voiture le long de la ferme dite Bord-de-Garonne, qui est située en réalité en haut d'une forte pente, dominant la rive gauche de la Garonne. Le portail de cette ferme est agrémenté de cette pierre roulée à l'époque glaciaire, qui a été sculptée plus tard pour creuser une niche, dans laquelle j'ai glissé une nymphe des eaux... car à proximité existe Aygue bero, qui pour moi est la citerne romaine alimentant les thermes Nord... personne ne me croit, car comme les prophètes (pourtant) célèbres d'autrefois, je prêche dans le désert ! 

Dessous, des prés, et des taillis, rien à voir a priori. Sauf que Jean-Luc a découvert un gué, ou une ancienne chaussée, à ras de l'eau de la Garonne toute proche qui coule fortement en ce moment à cause de la fonte des neiges. Cet endroit n'est d'ailleurs pas ordinaire, puisque le fleuve butant sur la roche de marbre, a du la contourner en obliquant brutalement à 90°. Jean-Luc veut  me mettre à l'épreuve en me faisant sortir le drone, pour examiner un barrage dont il soupçonne l'existence depuis le ciel. Comme la Garonne est bordée de taillis très serrés, je sais que pour survoler le fleuve il faut monter à 50 mètres, sauter la ligne de peupliers, redescendre de l'autre côté en restant au-dessus de l'eau, et faire la manoeuvre inverse pour revenir sain et sauf (je parle du drone). J'avoue hésiter, inquiet de mes capacités de pilote au sol à réussir un tel exploit, apeuré par les branches multiples qui tentent de barrer la route à l'engin. Du coup, je ne vois rien, désolé, il faut revenir à l'étiage cet été, se mettre à l'eau devenue basse, traverser, et s'envoler depuis un endroit où le ciel sera dégagé ... au moins je sais où revenir pique-niquer dans un endroit décidément totalement désert !



l'amorce du barrage immergé se trouve rive gauche dans le prolongement du peuplier tombé
rive droite le barrage est submergé par les cailloux roulés et est invisible

Nous revenons ainsi à Borde-Basse désappointés de n'avoir quasi rien vu en vol, alors qu'à pied on distingue bien le remous, mais il est également invisible pour un simple appareil photo, toujours à cause des branches pourtant privées de feuilles.

Pourtant le coin reste passionnant... car la carte indique pas loin... des restes archéologiques : en effet, la légende indique une vaste construction toujours en galets roulés, dominée par un petit mont, encore un mont sans nom, sur lequel à défaut d'une statue monumentale existe bel et bien son soubassement.

au centre la limite des communes de Tibiran et St-Bertrand
deux monts l'un en 65 : "Roquette" cote 488. L'autre en 31 cote 466
dans les deux cas, ils sont occupés par des ruines d'ouvrages permettant de voir la vallée à 360°

la frontière entre les départements 65 et 31 est marquée par le ruisseau en bleu, qui part d'une source sous la ferme Borde Garonne



la plate-forme trapézoïdale est bien visible à la cote 466 m

Pile de l'autre côté, direction le château de Barsous, existe une colline abrupte, un véritable cône, sans chemin d'accès, fermé par une végétation dense, formant un écran impénétrable, cachant toute construction... s'il y en avait une ! eh oui !

Je l'observe depuis Saint-Martin en face, car nous ne pouvons nous empêcher de visiter l'aqueduc ou du moins son emplacement car depuis deux mille ans, il a été comblé à cet endroit où il était creusé à flanc de coteau.

quand on le sait, on  devine une forme de tour au centre masquée par les arbres

oui c'est une forme, bien peu visible !

Il faut dire que le sommet du dôme constitue un observatoire parfait : au Nord, on peut observer la ligne droite de la Garonne, en provenance du port romain, avant qu'elle bifurque à angle droit. Au Sud, on voit l'aqueduc découvert après qu'il soit sorti de la partie couverte en arrivant à Saint-Martin. On le voit sortir du mur existant pour se diriger vers le théâtre, et on regarde la bifurcation en Y qui le mène à Aygue bero, avant d'arriver aux thermes du Nord.

pour autant, s'il y a guet, il faut une tour... de guet ?


la voici, sur le mont coté 488 qui n'a pas de nom, elle n'a pas de nom non plus

elle est creuse, est-ce une tour ? un mausolée ? le mausolée d'Hérodiade ?






Voilà comment nous passons certains dimanches

ici dans ce pays d'Histoire

et de petites et grandes histoires








je vais bien finir par leur trouver leurs noms

au sept collines entourant Saint-Bertrand-Lugdunum !

(cet été, vaccinés, sûrement que nous vous dirons tout

sur aquae convenarum 

PS (1) : d'après le guide Jacques Morère, notre colline se nomme Roquette, un roc, avec une tour de guet dessus

mais -"je dis ça, je dis rien", suivant la formule consacrée !



PS (2) : c'est quoi Aigue bere ?

Pendant tout l'été 2020, une équipe d'amateurs-bénévoles a retrouvé et inventorié l'aqueduc romain vieux de 2045 ans. Cet ouvrage est unique dans l'histoire du monde romain, car ramassé sur une longueur de 4000m, soit en élévation, soit en souterrain. Alimenté par une résurgence provenant du gouffre de Générest, et transformé en -25 av JC en puits artésien artificiel, situé en plein relief karstique, il fonctionne par épisodes en retrouvant son débit d'origine de 0,7m3/s. L'ouvrage de captation et le tracé sont situés en terrain privé, illustrant s'il en était besoin le fait que des personnes privées sont capables de conserver un patrimoine vivant intact, et ce dans l'intérêt général du Patrimoine historique. Amusant administrativement, l'origine des eaux se situe à Tibiran département des Hautes-Pyrénées, alors que la ville romaine de Lugdunum est située en Haute-Garonne.