dimanche 5 mai 2019

E Verdier, chef de gare résistant

L'histoire de ce jour se passe à Saléchan. Vous ignorez ? Saléchan-Siradan, Hautes-Pyrénées, limite Haute-Garonne ! Une gare... désaffectée, vendue à des particuliers... sauf les rails, mais toilettes hommes-dames incluses. 





Nous sommes en 1943. La gare fonctionne alors, pour mener à Luchon. C'est le kilomètre zéro, avant de se rendre à Marignac, à pied sur les traverses de la voie, et d'emprunter, de nuit, dans la neige la pluie et le froid, les chemins de montagne. Pas les plus faciles, gardés par les Allemands. Les plus escarpés, le chemin des évadés, juifs, Anglais, Belges, aviateurs, désireux de quitter la France, de rejoindre l'Espagne, puis l'Afrique du Nord, ou l'Angleterre. Une aventure périlleuse, conduite par des passeurs. Paul Milfsud est là, après avoir été honoré à Saint-Martory l'an passé (1). Depuis lors, l'association "les chemins de la Liberté", que nos amis Aranais nomment "Perseguits i Salvats", a fait du chemin, sous la présidence active de Jacques Simon en grande forme : il a mobilisé tout ce qui compte de VIP locaux, député en tête, deux sénatrices, Madame la Maire, le Directeur de l'ONAC représentant le Préfet, les porte-drapeaux, pour honorer Emile Verdier, le défunt chef de gare. Nom de code : Girard. 


le Pt J Simon fait dévoiler la plaque à la veuve de Pierre, le fils d'Emile.Verdier (93ans)




Il est dénoncé. Il y a des collabo jusque dans ces campagnes reculées. Il fait son jardin, et comme il fait chaud il a laissé sa veste à cheval sur la grille. Les Allemands débarquent, avec les chiens. Ils lui demandent : -"Emile Verdier est-il là ? Il répond : -"il ne doit pas être loin, il a laissé sa veste sur la grille" ! Et il disparait, et prend le maquis. 

Le drapeau de la Résistance est en tête. La plaque est dévoilée, devant la veuve d'Emile. La petite-fille lit un extrait du livre "Quatre ans dans l'ombre", du capitaine Martin Rendier. Drôle d'époque, des héros ordinaires, les Résistants, on se dit que la liberté est un bien fragile, et que nous ne sommes là que grâce à eux, les passeurs, ces résistants de la nuit qui n'ont pas hésité à mettre leur vie en balance, pour s'occuper gratuitement d'aider les évadés. Hommage aux cheminots de la SNCF, seule entreprise à avoir été honorée de la médaille de la Résistance. 

le petite-fille d'E.Verdier cite "quatre ans dans l'ombre" du Capitaine Martin Rendier

Rendier, de son vrai nom Mautice Rouneau, fondateur du réseau Victoire :
La multiplication des arrestations, notamment à Lyon, oblige le capitaine Rendier et Jeanne Robert, l'institutrice de Castelnau-sur-l'Auvignon (32) , à quitter la région. Ils sont exfiltrés vers l'Espagne le 17 octobre 1943 avec un couple et leur fillette. Internés, ils sont finalement remis aux autorités britanniques qui les envoient à Londres.
Le capitaine Rendier reprend immédiatement du service dans la "French section" du colonel Buckmaster. Formé de février à avril 1944 pour les opérations commandos, il est infiltré en Bretagne par bateau, le 15 avril, avec pour mission de recréer un réseau franco-britannique démantelé autour de Rennes et de Morlaix et de multiplier les sabotages en vue des préparatifs du Débarquement.



Les chemins empruntés par Verdier et Mifsud partent tous de Saléchan. Puis empruntent la voie ferrée (à pied, de nuit). Trois variantes : par Siradan, on rejoint Mauléon Barousse, et de là, soit Ferrère-Balès-Lac d'Oo-Gours blancs et Benasque. Ou Mauléon-Sost-Mayreigne-Vallée du Lys-Col du Portillon. Je vous y mènerai un jour, un prétexte historique pour découvrir les Pyrénées centrales.


la borne 0Km du chemin qui continue par Marignac plein Sud


Il fait presque soleil. Les Hautes-Pyrénées sont vertes, les prairies fleuries, les monts arrondis boisés de la fraiche couleur des feuilles récemment écloses. Paris est loin, comme les querelles autour des manifestations. Comme tout cela est dérisoire comparé à l'histoire passée, et pourtant si proche...!


Dans quatre jours c'est le 8 mai. puis ce sera le 8 juin, 75è anniversaire du martyre de Marsoulas. Les anciens se retrouvent de lieu de mémoire en autres lieux de mémoire pour commémorer leur jeunesse et partager leurs souvenirs. 

Je n'ai pas fini de vous parler d'eux, de nous





la belle chorale "des copains d'abord"


Paul, et Josette, onze ans en 1943

Paul Mifsud toujours là, et Josette "l'adolescente" citée dans ses mémoires ci-dessous
Leur chemin mythique : Saléchan - arignac - Pic du Burat - Bausen 





fin de la cérémonie :
à bientôt pour d'autres chemins !



il y a des tas de villages passionnants en Barousse... et des gares !


destination : Luchon, en train à vapeur !

l'une des fascinantes photos d'époque d'Eugène Trutat