vendredi 20 janvier 2023

2000 ans après, le Poudac romain coule toujours !

dès l'arrivée au parking, "le puits coule, mais déborde rive gauche" !


Michel N. m'a prévenu : ça coule moins qu'hier, mais ça coule encore !

Septembre 2022, journées du Patrimoine, grande nouvelle : la DRAC fouille le puits artésien romain, qui alimentait il y a 2045 ans Lugdunum convenarum, devenu Saint-Bertrand de Comminges. L'ouvrage est privé, jamais "inscrit" à quoi que ce soit en lien avec les Monuments Historiques, seuls le propriétaire, et les amateurs locaux le connaissent, et ont entrepris les ballades en campagne déserte, pour retrouver les restes pas si mal conservés, permettant de proclamer le slogan : -"dans chaque haie, un aqueduc", aqueducs invisibles puisque cachés dans les haies donc indétectables depuis tout avion et satellite. Je simule être l'incarnation du constructeur, et imagine me trouver sur le terrain deux mille ans en arrière :

http://babone5go2.blogspot.com/2022/09/journees-du-patrimoine-le-poudac-de.html

Notre puits artésien a un énorme défaut : les constructeurs de l'époque devaient être chiches, un peu primitifs, pourtant ils ont laissé sur place, au centre ville, un trophée en marbre fort joliment sculpté. Mais leur puits artésien n'était orné d'aucune fontaine un peu classique, aucune Vénus pour attiser l'oeil, aucune inscription ni signature, bref l'ouvrage est brut voire sommaire, la seule partie de marbre est sous terre donc invisible, je vous l'ai montrée conçue comme deux sarcophages enfouis bout à bout.

Mais pour les amateurs il a un énorme avantage : il fonctionne de temps en temps, comme il y a deux mille ans : il fonctionne quand il pleut trop, tellement que le système kartésien qui l'alimente déborde : dans ce cas, l'eau qui ne peut s'écouler à l'aval dans la source de Tibiran refoule dans une veine cachée sous terre, et remonte dans notre puits : celui-ci se met en charge, et tente de rejoindre son canal qui autrefois alimentait Lugdunum, à la fois les thermes de la ville basse, et les thermes Nord dont la piscine quasi intacte. Sauf que le canal... reste bouché ! Du coup, au lieu de couler droit... il déborde ! 



le niveau maximum le 17 janvier repéré par Michel N. atteint le milieu de la pierre sommitale

lendemain 18 janvier, le niveau a baissé, mais dépasse la grille



il suffit de repérer la pluviométrie, et avec la fonte de la neige tombée le 18 janvier au soir, on observera à nouveau le fonctionnement de la résurgence

me vient immédiatement à l'esprit une

 "Supplique pour remonter le mur rive gauche"

(évidemment je pense à Georges Brassens, 

"supplique pour être enterré plage de Sète"

https://www.youtube.com/watch?v=meipXWeuEbM

aucun rapport avec notre Poudac, sauf le mot "supplique" ! 

"un canal romain n'a rien à voir avec un monument cultuel :

il est fait pour transporter de l'eau" !

Voilà, quand il fait sec et que le puits est vide, on conçoit mal que s'il coule, (mais va-t-il vraiment couler s'il pleut beaucoup, telle est l'interrogation en pleine sécheresse de septembre 2022 ?) il va devoir écouler l'eau en question à l'aval ! Un puits qui alimente un canal qui aboutit quelques mètres plus loin à un déversoir doit avoir une fonctionnalité telle que l'eau, sortie du puits, s'écoule dans un canal étanche. Puis déborde là où cela a été prévu !  Dans un déversoir ! On se rappelle qu'il n'y a pas de problème rive droite, puisque c'est la roche-mère, alors que rive gauche, un mur a été construit pour garder l'eau dedans. Pas de chance, ce mur déjà malmené par le temps et les vaches pendant 2000 ans a été quelque peu arasé pile poil à la sortie du puits, les matériaux d'origine précieusement conservés en tas, en archéologie, rien ne se perd ! 

Tout cela pour dire que l'eau qui sort lors de notre visite file selon le principe de la douve du tonneau la plus courte par le trou ainsi ouvert, pour "aller à la pente", où elle rejoint l'autre double sortie qui alimente le lavoir, et en parallèle le vieux moulin. Ca en fait de l'eau quand tout fonctionne en même temps : le puits qui file à la pente ; la source numéro 1 la plus visible, et la source numéro 2 qui sourd sous le rocher.

pour tout dire, je rêve d'Archéologie expérimentale (2)

voici les photos en couleur, 

jamais une telle vue d'ensemble n'a été prise, 

depuis toutes les observations partielles faites ces 20 dernières années !

sortie du poudac, l'eau sourd sous pression

la rive gauche arasée, le flot se dirige anormalement en bas par une chute


le bloc de pierres, c'est le morceau de  berge arasée, elle a été recouverte d'une bâche protectrice

ce tas de moellons est providentiel : il suffit de quelques bénévoles bâtisseurs, de fabriquer du béton romain étanche, et de tout remettre en place rive gauche, pour conforter le mur arasé 



je sors le drone : il me précise la température des batteries :15°, elles ont froid, préférant 25° = va-t-il refuser de monter ? il regimbe ...

... refuse, puis finit par obéir, ça a failli rater !

le drone dans le canal bouché donc vide, mais la veille, il fallait des bottes à cet endroit



la veille, le niveau d'eau supérieur donnait l'impression que l'eau progressait à l'aval

retour à la chute



pendant ce temps, au rez-de-chaussée :

paradoxe : à gauche le déversoir romain inacessible puisque le canal est bouché
à droite, s'est créé un déversoir de remplacement, érodant la pente, un peu protégée par les arbres.

heureusement, les arbres tiennent le talus

sur place on a tendance à photographier cette cascade : en réalité c'est un débordement anormal de la rive gauche

il y a tellement de débit que si le poudac coule en haut

tous les exutoires coulent en bas : tout coule partout, avec le débit maximum :

combien ? plus de 1m3/s ?

il devient temps de calculer la transformation = pluie sur le bassin versant ---> débit ?
c'est de l'hydrologie minimale


n°1 = la source permanente, où aboutit la veine souterraine. Elle est calibrée à l'intérieur par un orifice souterrain, qui limite le débit, sachant que la vanne romaine de manoeuvre présumée n'a pas été encore découverte !



n°2 : une 2è source sourd sous cette pierre :

le lavoir déborde



le tout file au moulin, lui-même contourné par un canal

dont le débit ressemble à celui du canal romain d'origine





le soir, il neige sur le Comminges

mais avec le réchauffement de ces jours derniers, une petite violette a éclos


symbole de renaissance ?

merci Michel de m'avoir fait venir sur place !

-"ça coule moins qu'hier mais plus que demain" !

au retour la nuit tombe vite !


la neige sur les sommets


j'ajoute : "Lugdunum convenarum", revenant "d'Aquae convenarum"

le soir la neige tombe sur le Comminges !


PS (1) : à part évidemment le caractère monumental de Kibyra, plus grand chose désormais différencie les deux installations : elles fonctionnent  !


PS (2) : Archéologie expérimentale :