samedi 21 août 2021

Latrines pour deux à Timgad



Je ne suis pas le seul à être intrigué : tous les touristes visitant les villes romaines tombent sur des maisons publiques ou privées. Tout le monde découvre ainsi les thermes publics ou privés. Tout le monde découvre aussi les aqueducs amenant l'eau à profusion et l'évacuant de même. Et  à un moment ou un autre, on tombe sur des latrines, pour découvrir que vu le nombre des emplacements, nos ancêtres utilisaient cet endroit aujourd'hui intime, en groupe. Comment procédaient-ils ? Faisaient-ils la conversation pendant l'usage du lieu que nous-même nommons "d'aisance" ? Que de questions ! 

curieux : les emplacements monoplace séparés. Regardez attentivement : un trou rond dans le siège
deux trous longs devant, une gouttière encore devant, comment vous serviriez-vous du lieu ?

D'autant que l'on peut très bien être assis en public, sur une pierre percée (oui nous avons utilisé à l'image de Louis XIV des chaises percées), car les Romains avaient fait trouer des pierres par leurs tailleurs de pierre ! La décence d'aujourd'hui m'interdit de rentrer dans les détails, mais l'évacuation de nos déchets anatomiques se fait par deux orifices : l'un est derrière, le gros trou. Le second devant, le petit trou : nous trouvons deux orifices en effet dans le lieu dit "latrina". Dessous un premier canal bâti en pierre est parcouru en permanence d'eau courante, et évacué à l'exutoire. Pas de station d'épuration, c'est le milieu naturel qui se trouve enrichi par ces matières organiques, et doit les décomposer sans trop d'odeurs. Et un second canal rejoint le premier pour évacuer les déchets urinaires liquides. Dessous une infrastructure souterraine a donc précédé la construction, et il arrive qu'elle dure depuis l'origine, 2000 ans, comme nous l'avons retrouvée à Lugdunum Convenarum où étant cachée, elle a été protégée. Dessus, des sièges troués délimités par des accoudoirs, décorés par des dauphins délimitent les emplacements idoines ; des lumières trouées, servent à évacuer les eaux. Et voilà des latrines publiques qui permettent de regarder un spectacle sans être contraint de le quitter pour des raisons anatomiques.

pratique !

ici, c'est vraiment un trône ! un seul trou longiligne devant... mais une gouttière devant le trou rond du siège
et puis il faut vraiment écarter les bras pour poser les coudes sur les dauphins
comment se sert-on de cet endroit ?

Tout cela est encore plus spectaculaire car incongru à Timgad, la Pompéi d'Afrique, où les superstructures sont très bien conservées, on se ballade dans les rues pavées, on simule se rendre au spectacle, ne cherchez pas où satisfaire à un besoin pressant : prenez place à l'endroit où cela a été prévu, et ne bougez plus, en cachant la nudité du bas de votre buste-assis sous une toge largement déployée ! ! 

Là où l'affaire se corse bien entendu, c'est quand il n'existe pas un, mais deux trous côte-à-côte entre les accoudoirs simulant des dauphins ! Qui donc étaient les comparses ainsi associés dans l'exercice anatomique de l'après-banquet ?

c'est vraiment un siège pour deux
deux trous et leur canalet vers les pieds
deux trous longilignes à l'étage au-dessous
peut-être sont-ce des aérations de l'évacuation souterraine, puisqu'on trouve les mêmes de part et d'autre ?



vue à la verticale, toute l'installation apparait dans sa complexité : des trous à deux places ; leurs canalets ; des orifices longilignes d'aération ; et la gouttière semi-circulaire tout devant, sans doute balayée d'un flot permanent d'eau propre ?

Le forum nous rassure : le mur derrière est resté intact, on dirait que le lieu était intérieur, fermé et vraisemblablement couvert : nous ne sommes plus en plein air, mais dans les latrines au sous-sol. On y consomme à deux, mais dans un local fermé. Cela ressemble davantage à ce que nous pratiquons, seuls, aujourd'hui !

Dans la maison particulière de Corlidius, moins de complications architecturales, le trou principal reste principal, on est prié de bien mettre sa toge de côté, tenue j'imagine dans les mains, avant de s'asseoir. On évacuera solides et liquides dans le même trou rond.... quoique... la gouttière devant est bien visible ! Ainsi que les canalets allant du devant du trou circulaire, vers l'avant... non, je fais erreur : c'est bien tout pareil !! 

S'essuie-t-on ? Ca alors, je ne sais pas : je ne vois rien qui ressemble aux supports de notre papier actuel !



Rassurez-vous : j'ai conscience que personne d'habitude ne fait ces observations, ni se pose ce genre de questions ... tout à fait mal venues. On regarde d'habitude ces cartes-postales, résumant les spécialités du cru :


enfin on regardait, car la mosaïque de droite est totalement choquante elle aussi !


voilà une autre vieille carte postale

où tout est lisse et convenu

je ne voudrais surtout pas 

froisser quiconque !



ici cela passe mieux : on ne voit plus que les dauphins !

il suffit de poser la question pour avoir la réponse !

le musée de St Romain en Gall a publié ce tuto :

https://www.youtube.com/watch?v=7ywd4S8a8Fg&ab_channel=Mus%C3%A9egallo-romaindeSaint-Romain-en-Gal




une taxe sur l'urine !


c'est Vespasien le bien-nommé qui a prononcé la célèbre phrase :

"pecunia non olet"

et le célèbre rappeur Hayce Lemsi précise :

"on dit que l'argent n'a pas d'odeur

mais quand t'en as pas

ça se sent" !


maint'nant (grâce au rapp) j'vois la vie en couleurs !