dimanche 27 octobre 2019

Maison de Terre neuvas

Nous sommes dans la maison d'un capitaine de Terre-neuvas : en réalisant les travaux, les nouveaux propriétaires ont trouvé un rouleau qui déplié s'est révélé être une carte de Terre-neuve. La carte a été décorée de dessins aquarellés de trois-mâts, qui me font penser au célèbre "Côte d'Emeraude", que je réalisais autrefois, un modèle réduit classique de l'activité des pêcheurs en doris.




le Côte d'Emeraude de Roger Chapelet devant Saint-Malo, avec un pilote au fond


Avec la carte, est joint un livre manuscrit d'enregistrement de l'équipage :
Capitaine Victor Horel, habite Cancale, là où nous résidons, campagne 1936-37
armateur : Chappedelaine
navire : Madiana

je vous montre en PJ(2) les peintures du Madiana de Chapelet Roger : on dirait bien que le croquis représente Madiana !

serait-il de Chapelet lui-même ? Nous rêvons que oui bien entendu !







le tout est patronné par Neptune et son trident, accompagné d'une baleine franche


La bibliothèque est remplie de livre de marins-pêcheurs





Mais le plus émouvant, c'est le rôle d'équipage : petit format ; carreaux 5x5 ; timbres d'enregistrement, et toutes les professions défilent, sous l'autorité du seul maitre à bord : le capitaine Victor Horel : un officier, le second, le cuisinier, des patrons de doris, des mousses....A plusieurs reprises est fait mention de la charte-partie. Parfois d'un baril de lard.










il reste sur place des traces vivantes de l'enseignement maritime :






PS (1) : Morue ou morlue vient du breton mor (mer) et du vieux français luz (brochet) ; cabillaud est une altération de bacalao, qui en espagnol signifie morue. Cabillaud et morue, c’est donc la même chose. L’usage cependant les distingue : le premier est un produit frais ou congelé, tandis que la morue est salée et séchée. "Morue fraîche" relève de l’amphigouri de cuisine. Une "morue" en langage vulgaire est une dame qui s'adonne à la prostitution, tandis qu'une greluche est une femme facile, vous voyez que cela n’a aucun rapport !





je vous emmène demain 

au Musée !


PS (2) vous pensez bien qu'après la lecture du livre de rôle du Madiana, j'avais envie de le voir ce beau trois-mâts blanc : voici une gouache qui le représente, j'avoue découvrir Roger Chapelet et ses magnifiques peintures, persuadé qu'il est l'auteur des croquis surchargeant la carte de Terre Neuve :


Première représentation : "Les Terre-neuviers « Madiana » et « Armoricain » à quai dans le bassin Duguay-Trouin à Saint-Malo". Gouache de Roger Chapelet (1903-1995). Date : environ 1935, dimensions 65,5 x 80 cm

Chapelet est l'égal des plus grands comme Marin Marie, et Brette (ami des Erny nos cousins d'Avranches)... il fut nommé peintre officiel de la marine en 1936.  L’Armoricain fut construit en 1921 par l’armement Louis Girard et coulé à Halifax par abordage en 1942. Le Madiana fut quant à lui construit en 1926 par l’armement Chappedelaine de Cancale. Il fut pris le 5 juin 1941 et vendu à Montréal. J'ai écrit le Madiana, comme dans le rôle d'équipage, mais d'autres titres de gouaches évoquent la Madiana

source (que l'on remercie très fort) : http://allanicmarietherese.centerblog.net/rub-Saint-Malo.html

voici une autre gouache du Madiana même signature, vendu à Rennes le 14 février 2016
le navire est représenté grand-largue tribord amures, en arrière-plan, un chalutier de grande pêche à vapeur fait route dans la même direction

et voici "Madiana rappelant ses doris", avec la signature suivie de l'ancre des peintres de la Marine : la date est donc postérieure à 1936. 
miracle, je trouve le tableau en vente à Dinard, mais le prix de cette oeuvre unique est largement au-dessus de mes moyens !

litho variante montrant le tableau arrière, avec un seul doris 


Roger Chapelet a été un peintre prolixe, et n'a pas oublié les bisquines !



Je souhaite bon vent aux propriétaires de la maison 

du Capitaine Horel

en souhaitant que Madiana rejoigne la carte de ses expéditions de Terre-Neuve !


l'histoire se poursuit sur facebook :

https://www.facebook.com/194030920954936/posts/249926102032084/



PS : j'ai trouvé dans Ouest-France cette photo, mais impossible d'en trouver la date
Victor Horel est le troisième à partir de la gauche
Ouest-France, 18 juillet 2019. Lundi, L’association Mémoire et patrimoine des Terre-neuvas présente le film documentaire, Mémoires de brume 2, d’Alain-Michel Blanc, au cinéma Duguesclin.
Il sera présent aux deux projections, avec les cinq marins Terre-neuvas cancalais, Victor Horel, Lionel Martin, Alphonse Convenant, Alain Garrel et Emmanuel Lebrise qui ont apporté leurs témoignages, avec une vingtaine d’autres marins, sur ce métier aujourd’hui disparu.
Ce deuxième opus intervient trente ans après Mémoires de Brumes, qui racontait la vie des marins Terre-neuvas, surnommés alors les bagnards de la mer, sur des bateaux à voile de 1922 à 1945.
Dans ce deuxième volet, Alain-Michel Blanc couvre la pêche à Terre-neuve sur les chalutiers à moteur de 1945 à 1992. C’est un témoignage bouleversant des derniers survivants de ce métier dur et impitoyable.
Parfois drôles, parfois au bord des larmes, ils racontent leurs expériences avec sincérité. « Chez eux les mots ont un sens », souligne le réalisateur. Sans musique et sans commentaires. Ce film est sans musique, sans commentaires mais pas sans bruits. Entre les témoignages, on entend le vent qui souffle, les vagues qui déferlent, les poulies qui grincent, les filets qui remontent avec des tonnes de poissons, les hommes qui reçoivent les paquets de mer, trébuchent, et tranchent le poisson. Un monde sonore envoûtant.
Capitaine, second, radio, matelot ou mousse, ils sont tous dans le même bateau. Qu’ils soient trieur, piqueur ou trancheur, à laver le poisson, à le saler en cale ou à diriger le bateau, ils vivent tous les mêmes galères mais aussi les moments heureux d’une bonne pêche.
Le film, qui dure 3 h 30, aborde tous les thèmes : les raisons d’embarquer (souvent pour l’argent), les conditions de travail, les tempêtes, les hommes à la mer, les abordages, la concurrence entre navires pour le poisson.
« Tous les coups sont permis, fausses infos, mensonges. Il fallait remplir les cales. Mêmes bagarres, mêmes enjeux que les chercheurs d’or californiens. » Alain-Michel Blanc a embarqué à 16 ans, le temps d’une saison pour Terre-neuve. « Ce film est pour eux, ils m’ont apporté tant d’humanité. »