vendredi 23 août 2019

Chapelles sixtines des Pyrénées


C'est la dernière conférence des mardi d'août à Valcabrère. Sujet étonnant : Jacques Brau présente ses recherches sur non pas une, mais les chapelles peintes des Pyrénées centrales, à vrai dire essentiellement des Hautes-Pyrénées, vallée d'Aure. Chapelles peintes à partir du XIIè jusqu'au XVIè siècle, à la Renaissance, et protégées des conflits des guerres de religion par leur isolement, ce qui explique leur bon état de conservation.



forcément, les églises des environs de Luchon dont Saint-Aventin sont incluses
Mont est en plein centre

Jacques Brau est un excellent pédagogue : comme les peintures représentent des sortes de bandes dessinées pour les croyants de l'époque, souvent analphabètes, nous qui le sommes devenus en religion catholique sommes intéressés de retrouver décrits et peints des épisodes de l'ancien et nouveau Testament. De la Bible. L'histoire de Jésus et sa Passion. De l'assomption de la Vierge le 15 août. D'anecdotes comme celle de Thomas, le roi des sceptiques : il ne croyait pas que le Christ soit ressuscité, et met les doigts dans ses plaies pour s'assurer de la vraie résurrection du défunt. Le 15 août, il récidive : il arrive en retard et rate l'ascension de la Vierge. Il est (comme nous) incrédule, et doute comme toujours. Mais Marie, bien qu'en pleine assomption, s'en aperçoit, et lui fait un signe en détachant sa ceinture, qu'il reçoit dans les mains, elle avait bien visé. Alors il croit, vous savez que comme les policiers il lui faut toujours des preuves tangibles. Je me rappelle du coup l'histoire de Tortosa et de la Virgen de la Cinta, qui raconte (en Espagnol) la même histoire ! ! Jacques Brau nous dit bien la vérité, et j'aimerais lui en faire part, mais la soirée se termine trop tard je vais lui envoyer ce modeste billet.(1)



mes photos d'écran ne sont pas terribles, mais c'est bien Thomas qui reçoit la ceinture !

J'aimerais vous reproduire mot à mot la conférence. Avec mon merveilleux Lumix, j'ai pris la photo des projections, mais le résultat est vraiment moche, alors que René qui m'a rejoint sort son Whawhai type 30 à 700 Euros, qui avec son logiciel d'intelligence artificielle fait des merveilles à la fois pour téléphoner, mais aussi pour photographier,  bref !

J'ai (au moins) retenu trois choses de l'exposé, ce n'est déjà pas si mal !

1- S'il faut se rendre sur place, c'est à l'église de Mont, ouverte en permanence, et qui est peinte dès l'extérieur par un Jugement dernier : il vous fera réfléchir à vos péchés et vous mettra sur la voie de la rédemption en mangeant vegan, en refusant la viande aux hormones importée (grâce à la signature du CETA par nos députés-en-marche-de-facto-programmés-pour-l'enfer), et les voyages en avion catastrophiques pour le bilan carbone de la planète. En plus, les amis de Mont ont un site internet super, très documenté, où j'ai tout compris : http://www.patrimoine-mont.net/index.php?page=entree

2- C'est quoi un Chrisme ?


Le portail de Mont n'est décoré que de cela, un Chrisme, même si je retrouve les voussures peintes de la voie lactée, très reconnaissable à ses étoiles, même que l'on voit le soleil et la lune...et même si l'on voit deux des quatre Evangélistes. Bref, ce n'est pas le propos. Comme le disent les amis du Mont, "le caractère sacré de l’édifice est marqué par le chrisme qui orne la porte d’entrée : c’est le "logo", le monogramme du Christ, arrangement des lettres grecques du mot "Xristos".

On reconnaîtra les consonnes : khi (X), rhô (P), sigma (S), tau (T), la voyelle I est verticale, le O cercle le tout. L’ensemble est complété par la première et la dernière lettre de l’alphabet grec : alpha et oméga, rappelant le verset de l’Apocalypse ( l, 8) : "Moi, je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-puissant". Cette figure du chrisme sculpté est très commune et se retrouve dans quasi toutes les églises de la région (le sculpteur de celui de Mont, sans doute ignorant l’alphabet grec, a exagérément stylisé l’alpha et l’oméga, et reproduit son S à l’envers).

La présence du chrisme au-dessus de la porte rappelle au fidèle la parole de Jésus dans l’Evangile de Jean : "Je suis la porte des brebis ; si c’est par moi que quelqu’un entre, il sera sauvé" (Jean, 10, 7-9). L’accès dans l’église signe l’appartenance au troupeau dont Jésus s’est dit "le bon pasteur, celui qui donne sa vie pour les brebis" (Jean, 10, 11).

Ce chrisme et le petit chrisme de la façade du midi balisent donc l’espace sacré où les fidèles assemblés sont invités à entendre la lecture de l’Ecriture.

3-D'où vient le tétramorphe ...?

... me revient le souvenir de la fameuse histoire de Tintin, dans le "trésor de Rackham le Rouge, avec Jean associé à l'aigle de Patmos :

















Car il y a un préalable, et Jacques Brau nous rappelle que la prophétie d'Ezechiel remet les choses en ordre :




Le tétramorphe, ou les « quatre vivants », ou encore les « quatre êtres vivants », représente les quatre animaux ailés tirant le char de la vision d'Ezéchiel (Ez 1 ; 1-14). D'abord décrit dans le Livre d'Ézéchiel, il est repris par saint Jean dans l'Apocalypse écrite sur l'ile de Patmos (Apoc 4; 7-8). Plus tard, les Pères de l'Église y ont vu l'emblème des quatre Évangélistes, et ont associé deux à deux : le lion pour Marc, le taureau pour Luc, l'Homme pour Matthieu et l'aigle pour Jean. Ils accompagnent souvent les représentations du Christ en majesté.

L’Homme est Matthieu : son évangile débute par la généalogie humaine de Jésus. Le lion est Marc : dans les premières lignes de son évangile, Jean-Baptiste crie dans le désert (« un cri surgit dans le désert »). Le taureau est Luc : aux premiers versets de son évangile, il fait allusion à Zacharie qui offre un sacrifice à Dieu, or dans le bestiaire traditionnel, le taureau est signe de sacrifice, comme la corrida l'illustre encore (dommage que personne ne donne cette explication, bref !). Enfin, et Hergé a raison, l’aigle est Jean : son évangile commence par le mystère céleste. Tout cela est représenté dans les peintures des églises de Mont et Aranvielle.



Dernière surprise : Adam et Eve. Je vous les ai souvent montrés, à Saint-Bertrand de Comminges, ou Saint-Gaudens. Ici, la surprise est de voir Adam réfléchir, au lieu de se faire embarquer comme partout ailleurs par Eve, qui veut lui faire avaler le fruit défendu, plutôt que le goûter elle-même puisque c'est strictement interdit. Dans de rares cas, Adam a conservé son libre arbitre, se rend compte qu'il est en train de se faire gruger par Eve, et pour se repentir d'avaler la pomme, s'étrangle même (avec retard) la glotte, en forme de regret... : il s'est fait avoir par le serpent, qui a conseillé Eve : si tu ne veux pas désobéir au Seigneur toi-même ... fais le faire par Adam !


Adam justement victime de ses sens se cache le sexe de la main droite,
pendant qu'il tente de barrer la route à la pomme de la main gauche
et crée ainsi sur sa glotte la "pomme d'Adam"

une bien passionnante conférence, merci Jacques Brau

il faut lire son bouquin

il y a plein d'autres anecdotes sur l'iconographie de nos églises pyrénéennes !





PS (1) : avec le temps, mes histoires se recoupent toujours :
https://babone5go2.blogspot.com/2016/10/virgen-de-la-cinta.html

https://babone5go2.blogspot.com/2017/01/da-vinci-code-la-pomme-dadam-11.html


par exemple si vous pêchez, attention au Léviathan !


dans quelque temps, je vous emmène au musée des Beaux Arts de Pau

les élus sont en haut proches du ciel, mais dessous... c'est l'enfer :

au musée de Pau, "ceux qui attendent d'être jugés" de Nicolaes Eliasz dit Pikenoy (Amsterdam 1588-1655)
c'est encore pire que ceux qui attendent aujourd'hui aux Urgences embouteillées ! ! 





à l'abbaye Sainte Foy de Conques, pas si loin d'ici, on a la totale !