samedi 20 septembre 2014

Positivisme


Positivisme religieux : la religion d’Auguste Comte !


Merci les journées du Patrimoine ! France 2 nous propose un reportage amusant : décrypter la devise du Brésil : ordem e progresso

C’est à partir des années 1850 que les intellectuels brésiliens importent la philosophie positiviste.  Avant d’apparaître en 1889 sur leur nouveau drapeau national, cette idée de l’« Ordre et du Progrès » avait d’abord figuré sur une église érigée en 1881 en l’honneur du positivisme. Sur cette église on lisait la formule complète, dans la langue locale : « O Amor por principio e a Ordem por base ; o Progresso por fim »

Et c’est ainsi qu’Auguste Comte inspira le drapeau brésilien. Et le Temple de l’Humanité… à Paris, on le visite aujourd’hui ! Dans le 3°, au premier étage du n°5, rue Payenne (impossible d'oublier un nom pareil !)
























Vous connaissez mon intérêt pour la Morale ? 

le positivisme… a une morale … !

Toute cette histoire commence par une histoire d’amour, comme d’habitude me direz-vous. Auguste a beau être rationaliste, il fait comme tous les hommes, il tombe amoureux de Clotilde. Elle est noble, c’est la sœur aînée des officiers d'artillerie Maximilien Marie de Ficquelmont, officier de la Légion d'honneur, polytechnicien, célèbre mathématicien et adepte du positivisme ; et Léonard Marie de Ficquelmont, chevalier de la Légion d'honneur, polytechnicien et capitaine d'artillerie mort à la Bataille de Palikao; ils sont les descendants d'une famille de l'ancienne noblesse lorraine.


Clotilde passe son enfance entre la résidence de ses parents à l'Hôtel Lamoignon à Paris, le château de sa tante, la comtesse de la Lance, à Manonville (Lorraine) et la toute proche Abbaye de Flavigny dont une autre de ses tantes, Alexandrine-Eulalie, est l'abbesse. Elle y reçoit d'ailleurs sa première instruction avant d'entrer comme élève à la Maison de la Légion d’honneur. Elle épouse en 1835 un noble français, Amédée de Vaux. Alors que la famille de Clotilde parvient à lui obtenir la place de percepteur de Méru, il se révèle un aventurier. Contractant d’immenses dettes au jeu et condamné à la faillite, Amédée s’enfuit en Belgique en abandonnant sa femme.

Le Code civil interdisant à Clotilde de se remarier (le divorce n’ayant pas été prononcé), elle retourne vivre à Paris, d'abord chez son frère, puis emménage seule rue Payenne (peut-être au no 7). Son oncle, le comte Charles-Louis de Ficquelmont, premier ministre de l’Empire d’Autriche, lui verse une pension qui lui permet de se loger (elle dînait chez son frère). Elle  se lance dans une carrière littéraire et écrit des nouvelles pour les magazines, à l’image de sa propre mère, la comtesse Henriette Marie de Ficquelmont.

Au mois d’octobre 1844, Clotilde fait la connaissance d’Auguste Comte au cours d’une visite chez son frère, Maximilien, dont Comte est le professeur à Polytechnique. La première lettre du philosophe à Clotilde date du 30 avril 1845 et, dès cette date, Comte tombe passionnément amoureux de la jeune femme. Celle-ci repousse pourtant ses avances mais accepte qu’ils continuent à correspondre.

Tactique éternelle des femmes qui fait devenir fou (d'amour) le mec amoureux, espérant toujours parvenir à ses fins...!

Cette passion s’amplifie jusqu’à la mort de Clotilde, atteinte de tuberculose, un an plus tard. Comte reconnaît dans son égérie une supérieure morale, et prend conscience de la dimension religieuse de la condition humaine. Clotilde de Vaux est en effet une catholique convaincue et, si Comte voit dans le catholicisme une simple étape dans l’évolution vers l’Esprit positif (à savoir l’« Esprit métaphysique »), il se convainc que le culte et les célébrations sont indispensables à l’épanouissement du positivisme dans la société humaine.

À la mort de Clotilde de Vaux (1846), Auguste fait ce qu’on nomme aujourd’hui « son travail de deuil ». Porté, comme toujours, à théoriser les événements qui parsèment son existence, il voit dans les vicissitudes de sa vie privée des symptômes dont l’interprétation intéresse toute l’Humanité. Il cherche à réorganiser son système philosophique antérieur, le positivisme scientifique.

Nous y voilà !

Il développe ainsi une religion naturelle, afin de définir ce qu’il regarde comme une morale pour la vie en société : l’amour de l’autre serait vécu d’abord à travers l’union des sexes, expression de générosité et de désintéressement, susceptible de s’étendre à des groupes humains plus larges que le couple.

























Dans le Système de politique positive (1851-1854), Auguste Comte expose ses idées sur la « religion de l'humanité », qui s'appuie sur trois notions :

-l’altruisme, terme qu'il a créé, qui renvoie au sentiment de générosité et au dévouement désintéressé pour autrui.
-l’ordre : Comte considérait en effet qu’après la Révolution française, il était nécessaire de rétablir l'ordre dans la société.
-le progrès : chez Comte, cette notion s’entend (à la suite du comte de Saint-Simon) comme les conséquences pour la société humaine du développement de la technique et de l’industrie.

les grands Hommes et femmes de l'Humanité : un Panthéon avant l'heure

Comte établit aussi une classification des sentiments, un calendrier liturgique (la Sainte Clotilde chaque 6 avril et, tous les quatre ans, un jour bissextile, la Journée des saintes femmes). L’Humanité, objet du culte, est figurée sur les autels avec le visage de Clotilde de Vaux. Dans le Catéchisme positiviste (1851), Comte formalise sa religion en définissant sept sacrements :

-la Présentation (nomination et parrainage)
-l’Admission (la fin de l’éducation)
-la Destination (le choix d'une carrière)
-le Mariage,
-la Retraite (à 63 ans !),
-la Séparation, faisant l’office d’une extrême-onction sociale,
-l’Incorporation, trois ans après la mort.

L’Incorporation est l'union avec les morts, censés gouverner le monde, dans la doctrine d’Auguste Comte, d'où l'expression employée par Raquel Capurro de culte des morts.

Le « positivisme religieux » proprement dit a pratiquement disparu aujourd’hui en tant que culte. Il subsiste néanmoins une chapelle, le Temple de l'Humanité, c'est le seul temple de ce mouvement encore existant en Europe, il est classé monument historique. Vous aurez le droit d'y entrer aujourd'hui et demain. Après...j'ignore !

Parisiens, mes amis…

Vous avez de la chance :

Po-si-ti-vez !