vendredi 18 novembre 2022

Hercule & Omphale retrouvés à Beyrouth, palais Sursok

 


Voici une histoire à rebondissements, où l'on retrouve un tableau oublié, ceci suite à la reconstruction d'un Palais inconnu (du moins par votre serviteur), au nom de Sursok, ceci à Beyrouth, ville dévastée comme l'a été Toulouse après l'accident d'AZF, suite à l'explosion inopportune de nitrates agricoles, mal entreposés mal surveillés et superbement explosés, tellement que l'explosion a ruiné la ville et ses plus beaux monuments ! 

1-D'abord, même si cette vieille histoire n'a plus aucun intérêt aujourd'hui, il y a deux personnages mythologiques célèbres, Hercule dont les douze travaux sont restés dans les mémoires, et Omphale une superbe femme, mais oubliée depuis des lustres : 

Après ses travaux et à la suite de sa folie qui lui a fait tuer sa famille, Hercule est soumis par l’oracle de Delphes à une année de servitude, pour expier sa faute. Acheté comme esclave par la reine de Lydie, Omphale, il effectue à son service nombre d’exploits visant à débarrasser son royaume de monstres comme les Cercopes et de brigands tels les Itones. Evidemment, Omphale ne résiste pas à l’attrait de son célèbre esclave ! Différentes versions artistiques abordent les amours d’Omphale et Hercule. La plus répandue est que, admirant la force et les exploits d’Hercule, elle en fait son amant puis même son époux, après l’avoir libéré de la servitude. Et Rubens célèbre cet exploit de notre Héros, représenté à Toulouse par les bas-reliefs du musée Saint Raymond et provenant de la villa détruite de Chiragan

Omphale tance Hercule en lui pinçant le lobe de l'oreille, qui sait qu'elle a ainsi inspiré le fameux geste de Napoléon ?

le Tableau de Rubens au Louvre. 1603. Dimensions 278 x 215cm
Omphale porte la peau de Lion qui a rendu célèbre Hercule, qui inversement est assis sur la robe rouge de la Reine. Il est nu, sauf le fichu de femme qui heureusement pour nous cache ses héroiques attributs ...tout autour d'autres esclaves-femmes  filent la laine

La curieuse idée de l'époque, (curieuse pour nos féministes dépeignant la prétendue servitude actuelle des femmes par les machos), est l'inversement de la thématique avec d’Hercule, ses travaux et ses amours. Les œuvres de Rubens, Boucher, François Lemoyne comptent parmi les représentations les plus célèbres de ce thème mythologique : le thème est en effet qu’Hercule, amoureux d’Omphale, se serait lui-même rendu volontairement esclave, se serait habillé en femme, bref aurait pris plaisir à se faire dominer par Elle, manifestant ainsi une inversion bien précoce, des genres masculin / féminin en amour ! Sans entrer dans une libido trop intrusive, mes amis mâles reconnaitront que se faire dominer par une dominatrice érotique n'est pas du tout désagréable au contraire ! 

le machisme à l'envers, je n'ai pas trouvé de nom ! 

dans cette version beaucoup plus explicite, de François Boucher, Hercule qui a posé sa massue à gauche cède à la tentation, Omphale et lui cependant recouverts d'un linge exigé par la censure


dans cette version de Lagrenée en 1776, le roi Louis XVI se met en scène tel Hercule, dont Omphale, en réalité sa maitresse Marie-Philippe Lambriquet tient la massue, pendnat qu'il lui offre la pomme de Pâris.

mais Lagrénée sait rester classique dans cette autre version :

voilà donc en quoi le thème de Hercule et Omphale est en soi très très intéressant !

2-j'apprends l'existence, pourtant connue de tous, du Palais Sursok à Beyrouth

Le palais Sursock est un grand palais dans le style traditionnel libanais situé dans la rue Sursock à Beyrouth. Construit entre 1850 et 1860 par Moussa Sursock, le palais Sursock est ensuite la résidence privée de la petite-fille de celui-ci, Lady Yvonne Cochrane (née Sursock). Lady Sursock est connue pour sa défense de la préservation de bâtiments historiques au Liban, notamment grâce à l'APSAD (Association pour la préservation des sites et anciennes demeures), qu'elle crée en 1960. Heureusement cette association va remettre en état le palais après l'explosion d'aout 2020.

 

Certaines pièces font neuf mètres de hauteur, dotées de plafonds ouvragés, de colonnes de marbre ou encore de murs en stuc. La collection privée du palais est riche en objets d’art, par exemple des tapisseries flamandes du XVIè siècle ou des statues de femmes dénudées rapportées de Paris.

 

ce descriptif énumère les oeuvres d'art, dont celles du salon principal qui cite
Hercule et Omphale, mais attribué à Simon Vouet

Le palais est entouré de 8000 m² de jardins. Sa conception est innovante pour l’époque : la maison est ouverte sur le parc et non pas close sur un patio. L'escalier central est également novateur, l'usage du métal allégeant la structure. C'est un symbole de la riche histoire de la famille Sursock. Fermiers généraux sous l'Empire ottoman, ses membres acquièrent de grandes propriétés. Vers 1860, Moussa Sursock fait construire une demeure à Beyrouth, sur le promontoire d'Achrafrieh, en face de la mer Méditerranée. Sa petite-fille, Yvonne Sursock, devient Lady par son mariage avec un aristocrate britannique et réaménage le palais (vitrages ajoutés aux salons d'été pour en profiter toute l'année, garage à la façade sculptée, etc.).



Le palais a été fortement endommagé par les explosions d'août 2020, qui causent également la mort d'Yvonne Sursock, peu après, à l'âge de 98 ans. Les travaux de consolidation et d'imperméabilisation estimés à 30 millions d'euros, sans compter ceux des restaurations intérieures, sont en cours, et ont conduit à la re-découverte de notre tableau.





3-et c'est la découverte de l'auteur réel de Hercule et Omphale


désolé pour ce tableau abîmé ! 

"Des drapés colorés vibrant sur fond sombre, une composition théâtrale, de savants jeux de regards et de gestes soulignés par un puissant clair-obscur… Inspirée de la mythologie grecque, une grande toile mettant en scène la relation amoureuse entre Hercule et Omphale, reine de Lydie (qui a acheté le héros comme esclave afin qu’il débarrasse son royaume de plusieurs monstres et brigands), vient d’être identifiée comme un tableau longtemps perdu d’Artemisia Gentileschi (1593–1656)… Portant désormais à 61 le nombre d’œuvres connues pour être de la main de cette célèbre artiste baroque du XVIIe siècle !"

exit Simon Vouet

Simon Vouet, né le 9 janvier 1590 à Paris où il est mort le 30 juin 1649, est un artiste-peintre français. À Rome, il connaît un grand succès, travaillant à la décoration d'églises comme celle de San Lorenzo in Lucina et obtenant même une commande pour la Basilique Saint-Pierre (l'Adoration de la croix, œuvre détruite au XVIIIè siècle mais dont il subsiste plusieurs esquisses). Sa réputation est connue même en France puisque dès 1617, le roi augmente la pension qui lui était déjà allouée. Dans la cité papale, Vouet travaille notamment pour le cardinal Barberini, futur pape Urbain VIII, et reçoit de nombreuses commandes privées en plus de celles des institutions religieuses. Il se lie d'amitié avec plusieurs des nombreux peintres français établis à Rome. Jacques de Létin est de ceux-là. Il est également en relation avec Nicolas Poussin et le Lorrain Claude Mellan ainsi qu'avec les grands peintres italiens contemporains. Devenu l'un des meilleurs représentants du baroque romain, il est, du fait de son prestige, nommé à la tête de l'Accademia di San Luca en 1624.

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Louis XIII entre la France et la Navarre

revenons-en à notre Omphale : je reprends l'article de Joséphine Bindé :

"... Les circonstances de cette découverte sont pour le moins inattendues. Présentée jusqu’ici comme l’œuvre d’un anonyme, (non, jusque là c'était donc Simon Vouet) la toile a été sauvée des débris du palais Sursock, villa du XIXe siècle détruite par la double explosion survenue le 4 août 2020 dans le port de Beyrouth. 


Très abîmé par cette catastrophe, qui a fait plus de 200 morts et 7.500 blessés et réduit en ruines une bonne partie de la capitale libanaise, Hercule et Omphale comporte de nombreuses déchirures, dont une d’un demi-mètre, ainsi que des trous et des incrustations d’éclats de verre. Des dommages que sont actuellement en train de réparer minutieusement les restaurateurs d’art du J. Paul Getty Museum de Los Angeles, suite à un accord passé avec le propriétaire du tableau. 

Pour l’historien de l’art libanais Gregory Buchakjian, il n’y a aucun doute qu’Artemisia Gentileschi, peintre talentueuse devenue une icône du féminisme, en était l’auteure, tout comme d’un petit portrait de Marie-Madeleine, lui aussi conservé au palais Sursock avant la déflagration, et désormais restauré. Selon le chercheur, le grand tableau aurait été peint à Naples vers 1635. Rendue publique peu après l’accident, cette thèse élaborée à la Sorbonne dans le cadre de ses recherches universitaires a, semble-t-il, mis les experts d’accord. 

Le restaurateur de peintures Ulrich Birkmaier utilisant un coton-tige et un solvant pour nettoyer la surface de l’oeuvre, 2022

« Il s’agit de l’une des plus importantes découvertes récentes dans le corpus d’Artemisia Gentileschi, démontrant son ambition de représenter des sujets historiques, ce qui était pratiquement sans précédent pour une artiste femme à son époque », clame Timothy Potts, directeur du Getty Museum de Los Angeles. « En termes de taille et de complexité de la composition, c’est l’un des plus ambitieux de toute son œuvre », renchérit Davide Gasparotto, conservateur au Getty. Cette semaine, le musée américain a annoncé qu’il exposerait la toile restaurée à la fin de l’année 2023. Puis la rendrait au palais Sursock, dont les travaux de restauration, menés grâce à un effort international lancé par l’UNESCO, devraient s’achever en 2025.

tout est bien ... qui va bien finir ! 

et une oeuvre de plus pour Artemisia, femme libre



grâce à la dominatrice Omphale, on comprend mieux que Judith trucide Holopherne

 voici une autre célébrité : Danaé

Danae attend Zeus se manifestant sous forme d'une pluie d'or, que tente de capturer la servante dans son tablier

elle aime les héroïnes



attendez, je n'ai pas terminé !

le Palais contenait une autre oeuvre d'Artemisia ! 

parmi ses héroïnes, il y avait Maria-Maddalena ! 



... magnifiquement restaurée après avoir été endommagée lors de l'explosion de 2020, elle est présentée dans l'exposition "Maddalena. Il mistero e l'immagine” au Musei San Domenico, Forlì (Émilie-Romagne).

je prends un billet et j'y vais ...de suite !

https://www.artribune.com/arti-visive/2022/05/mostra-maria-maddalena-forli-musei-san-domenico/

il faut fêter tout cela avec un


le Beaujolais nouveau

c'est pour les Parisiens qui n'y connaissent rien

le Gaillac primeur :

c'est le Beaujolais des connaisseurs