C'est la vingt-cinquième fois que le Congrès : 577 Députés et 348 Sénateurs, total 925 (je vous rassure, la salle contient 1500 places) se réunit dans la grande salle de Versailles, depuis la fondation de la Vè République. Si cette réunion se tient un lundi, c'est que Versailles est fermé au public ! J'avoue avoir oublié le motif des 24 réunions précédentes, et me suis précipité sur le site du Conseil constitutionnel pour réviser les 24 modifications successives de la Constitution.
1-La révision du 4 juin 1960 a été
réalisée sur le fondement de l’ancien article 85 de la Constitution – qui a été
abrogé par la révision constitutionnelle du 4 août 1995 –. Elle avait pour
objet les relations de la France avec ses anciennes colonies d’Afrique.
2-La révision du 6 novembre 1962 a
été adoptée par référendum sur le fondement de l’article 11 de la Constitution.
Elle a permis d’instaurer l’élection du Président de la République au suffrage
universel direct, alors qu’initialement le texte constitutionnel prévoyait que
le chef de l’État était élu par un collège électoral. La légitimité du
Président en sort renforcée.
3-La révision du 30 décembre 1963 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a modifié les dates d’ouverture et de clôture des deux
sessions ordinaires initialement prévues par l’article 28 de la Constitution.
La révision du 4 août 1995 a de nouveau modifié cet article 28 afin d’instaurer
une session ordinaire unique.
4-La révision du 29 octobre 1974 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a modifié le deuxième alinéa de l’article 61 de la
Constitution afin de permettre à soixante députés ou à soixante sénateurs de
saisir le Conseil constitutionnel d’une loi avant sa promulgation afin qu’il en
vérifie sa constitutionnalité. Concrètement, elle permet à l’opposition de
saisir le Conseil constitutionnel.
5-La révision du 18 juin 1976 a été
adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a modifié l’article 7 de la Constitution afin de combler une
lacune du texte initial qui ne prévoyait pas de règles précises applicables en
cas de décès ou d’empêchement de l’un des candidats à l’élection
présidentielle.
6-La révision du 25 juin 1992 a été
adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle avait quatre objets :
permettre de ratifier le traité de Maastricht. En effet, le Conseil
constitutionnel avait jugé dans sa décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992 que
l’autorisation de ratifier ce traité ne pouvait intervenir qu’après révision de
la Constitution.
reconnaître le français comme langue de la République,
ouvrir à soixante députés ou à soixante sénateurs la possibilité de
saisir le Conseil constitutionnel d’un engagement international préalablement à
sa ratification ou à son approbation,
rendre obligatoire le contrôle de constitutionnalité des statuts des
territoires d’outre-mer en prévoyant que ceux-ci doivent être fixés par une loi
organique.
7-La révision du 27 juillet 1993 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Cette révision a porté :
d’une part, sur
le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Il s’est agi de renforcer
l’indépendance de la justice et, notamment, des magistrats du parquet.
et, d’autre part, sur la responsabilité pénale des membres du
Gouvernement. En particulier, est instituée la Cour de justice de la République
chargée de juger les membres du Gouvernement.
8-La révision du 25 novembre 1993 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Cette révision a ajouté un article 53-1 dans la Constitution afin
de permettre à la France de conclure avec les États européens des accords
déterminant leurs compétences respectives pour l’examen des demandes d’asile
qui leur sont présentées.
9-La révision du 4 août 1995 a été adoptée par le Parlement
convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la Constitution. Elle avait
principalement trois objets :
créer une session parlementaire ordinaire unique,
inclure dans le champ d’application du référendum
de l’article 11 de la Constitution les projets de loi portant sur des réformes
relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation
et aux services publics qui y concourent,
limiter la portée de l’inviolabilité des
parlementaires qui ne s’applique plus à l’engagement des poursuites pendant la
durée des sessions, mais uniquement à l’arrestation et à la mise en œuvre de
mesures privatives ou restrictives de liberté.
10-La révision du 22 février 1996 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle institue les lois de financement de la sécurité sociale qui
déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu
de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses.
11-La révision du 20 juillet 1998 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle « a pour objet d’assurer l’évolution de la Nouvelle
Calédonie selon les orientations définies par l’accord signé à Nouméa le 5 mai
1998 et publié le 27 mai 1998 » (art. 1er du projet de loi constitutionnelle n°
937 relatif à la Nouvelle Calédonie, enregistré à la présidence de l’Assemblée
nationale le 27 mai 1998). Concrètement, il s’est agi de permettre le transfert
progressif et irréversible aux institutions locales de compétences qui ne
pouvaient alors pas être déléguées sous l’empire des règles constitutionnelles
en vigueur.
12-La révision du 25 janvier 1999 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a tiré les conséquences de la décision n° 97-394 DC du 31
décembre 1997 par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que l’autorisation
de ratifier le traité d’Amsterdam ne pouvait intervenir qu’après révision de la
Constitution.
13-La révision du 8 juillet 1999 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a tiré les conséquences de la décision n° 98-408 DC du 22
janvier 1999 par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que la ratification
du traité portant statut de la Cour pénale internationale devait être précédée
d’une révision de la Constitution.
14-La révision du 8 juillet 1999 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a consacré dans la Constitution le principe selon lequel «
la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives » (actuel art. 1er, al. 2, de la Constitution). Cette
révision a permis de revenir sur la jurisprudence constitutionnelle qui
s’opposait à l’instauration de quota de femmes pour les élections municipales
(décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982).
15-La révision du 2 octobre 2000 a
été adoptée par référendum sur le fondement de l’article 89 de la Constitution.
Elle a modifié l’article 6 de la Constitution afin de réduire la durée du
mandat présidentiel de 7 à 5 ans. Le quinquennat succède ainsi au septennat.
16-La révision du 25 mars 2003 a été
adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Tirant les conséquences d’un avis rendu le 26 septembre 2002 par
le Conseil d’État (n° 368.282), elle a modifié l’article 88-2 de la Constitution
afin de permettre la transposition en droit français de la décision-cadre du 13
juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen.
17-La révision du 28 mars 2003 a été
adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a permis d’approfondir la décentralisation. En particulier,
elle a modifié l’article 1er de la Constitution afin de reconnaître
l’organisation décentralisée de la République.
18-La révision du 1er mars 2005 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a tiré les conséquences de la décision n° 2004-505 DC du 19
novembre 2004 par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que l’autorisation
de ratifier le traité établissant une Constitution pour l’Europe devait être
précédée d’une révision de la Constitution.
19-La révision du 1er mars 2005 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a modifié le préambule de la Constitution de 1958 afin
d’intégrer la Charte de l’environnement de 2004 au bloc de constitutionnalité, c’est
alors qu’a été intégré le « principe de précaution ».
20-La révision du 23 février 2007 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle concerne la définition du corps électoral appelé à élire les
membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces.
21-La révision du 23 février 2007 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle modifie les règles relatives à la responsabilité du chef de
l’État qui avaient fait l’objet d’interprétations « peu compatibles entre elles
» (exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle n° 1005 portant
modification du titre IX de la Constitution) de la part du Conseil
constitutionnel et de la Cour de cassation. Ces nouvelles règles figurent aux
articles 67 et 68 de la Constitution.
22-La révision du 23 février 2007 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle constitutionnalise l’interdiction de la peine de mort.
23-La révision du 4 février 2008 a
été adoptée par le Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la
Constitution. Elle a tiré les conséquences de la décision n° 2007-560 DC du 20
décembre 2007 par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que l’autorisation
de ratifier le traité de Lisbonne devait être précédée d’une révision de la
Constitution.
24-La révision du 23 juillet 2008 de
modernisation des institutions de la Ve République a été adoptée par le
Parlement convoqué en Congrès en vertu de l’article 89 de la Constitution. Il
s’agit d’une réforme d’envergure qui a porté sur plus de la moitié des articles
de la Constitution.
Alors, l'Interruption volontaire de grossesse,
remise en cause dans certains pays ...comme nombre d'Etats des USA ?
La loi du 17 janvier 1975
relative à l'interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil, est la loi
encadrant une dépénalisation de l'avortement en France. Elle a été préparée par
Simone Veil, ministre de la Santé sous la présidence de Valéry Giscard
d'Estaing. Il y a quasiment cinquante ans : on peut craindre, c'est le cas des femmes en général, (et des hommes comprenant leur désir de liberté), que cette loi puisse être remise en cause, et comme la loi supprimant la peine de mort, soit ainsi sacralisée en la faisant entrer dans la Constitution : on imagine que l'accord du Congrès est en effet plus difficile à trouver que celui de l'Assemblée nagtionale seule, comme on l'a entrevu quand le Sénat a d'abord dit : "non", avant de changer d'avis pour donner son accord final le mercredi 28 février dernier.
Toujours Versailles !
Dans la salle du Congrès, 1.500 fauteuils de velours rouge sont prêts à accueillir députés, sénateurs, journalistes et le public dans les tribunes. Des sièges disposés en hémicycle, mais la salle est rectangulaire. Lorsque la République s'est installée à Versailles en 1876, il a fallu construite une salle pour les députés. Les sénateurs, eux, se réunissaient déjà dans l'opéra.
Thiers proclamé libérateur du territoire le 16 juin 1877, Jules Garnier (1847-1899) |
C'est bien ici que tous les présidents ont été élus, la dernière élection à Versailles en décembre 1953 étant celle de René Coty. La République vient désormais ici pour modifier la Constitution, comme en 2008, pour que le président redonne le cap, comme en 2009, ou pour des événements solennels, comme après les attentats du 13 novembre 2015.
À l'époque, en 1870, la République avait choisi Versailles en référence à 1789. Aujourd'hui, assis dans l'hémicycle, les parlementaires peuvent admirer au fond de la salle une immense œuvre d'art : le grand tableau représentant l'ouverture des états généraux en mai 1789. La République est ici chez elle au pays des rois. C'est tout ce décorum qui a accueilli Emmanuel Macron et les parlementaires le 3 juillet 2017.
La réunion du 4 mars sera donc la
25e révision, le projet de loi visant à inscrire à l’article 34 de la
Constitution, la liberté garantie à la femme d'avoir recours à l’IVG.
Sur les 925 parlementaires, il faudra donc qu’au moins 555 votent en faveur du texte. Une formalité au regard des votes de chaque assemblée. Fin janvier, 493 députés avaient soutenu la révision pour 267 sénateurs ce mercredi.
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