lundi 25 avril 2022

1942 : Eluard écrit "Liberté"

 Depuis hier soir, nous avons renouvelé pour cinq ans le Président de la République

je lui dédie ce billet, ode à la Liberté

devenu hymne de la Résistance

Poutine aura ouvert les yeux de nos contemporains, dont les jeunes générations qui auront peu à peu été élevées dans le dogme soit-disant libéral de la consommation à crédit ; de la propagande permanente qu'opère la publicité sur les médias pour imposer les marques ; alliées à la disparition quasi définitive de la morale avec l'éradication systématique de la religion catholique et de ses prêtres... cela au moment même où les valeurs traditionnelles de nos anciennes civilisations judéo-chrétiennes étaient battues en brèche par les enseignements de la charia, combattant les vieilles théories surannées de l'amour du prochain et de la tolérance, héritages chrétiens ringardisés.

Le mot Liberté que l'on croyait universel, se révèle aujourd'hui compromis, dans les pays totalitaires où la propagande remplace les faits réels, et où le mensonge d'Etat tient lieu d'une vérité travestie. La guerre d'Ukraine nous met sous les yeux tous les jours depuis le 24 février la technique d'un régime totalitaire pour travestir les faits, et prétendre que la victime serait elle-même la cause des horreurs qui lui sont infligées par un envahisseur brutal et dépourvu d'humanité !

Pendant 75 ans le monde dit libre aura vécu à l'aune de l'héritage de l'après-seconde guerre mondiale, marqué par le terme de Résistance. Résistance à l'envahisseur, résistance à la propagande, résistance ensuite aux totalitarismes, dont on prend enfin conscience de l'importance sur la planète Terre ! Paradoxalement, ce sont des dictateurs qui ont la maitrise des ressources fossiles. Nous résistons à abandonner ces ressources pourtant en cours d'épuisement, car notre addiction au confort nous fait fermer les yeux face aux menaces du changement climatique, et à la nécessité de la sobriété, tellement on nous a ressassé que le bonheur était dans la consommation !

Elsa Mourgues le 4 avril dernier nous oblige à réfléchir un peu, 

avec "Liberté" un poème d'amour 

devenu hymne de la Résistance


Les mots de Paul Éluard ont été inspirés à l'origine par sa seconde femme Nusch Eluard, puis ont connu un destin hors du commun. Non seulement, ils ont été récités par des générations d'écoliers, mais déjà lors de la Seconde Guerre mondiale, ils étaient parachutés depuis les avions de la Royal Air Force sur les maquis des résistants. 

Imaginez, des avions qui bombardent un poème… Cette scène surréaliste est pourtant bel et bien arrivée en pleine Seconde Guerre mondiale. Ce poème, c’est "Liberté", de Paul Éluard, dont nous célébrons ces jours-ci les 80 ans de la publication. Cet hymne de la Résistance était à l’origine un poème d’amour comme l'explique le poète lui-même : -"Je l’ai commencé en pensant que le nom qui viendrait à la fin, serait celui de la femme que j’aimais". 

Un hiver tout en branches

Un poème au destin exceptionnel

                               Sur mes cahiers d’écolier                           

                               Sur mon pupitre et les arbres                           

                            Sur le sable sur la neige                           

J’écris ton nom

En avril 1942, des groupes de résistants recopient, publient, et diffusent clandestinement "Liberté" d’Éluard. Le poème passe de la zone occupée à la zone libre, puis à l’Angleterre. Quelques mois plus tard, le gouvernement libre du Général de Gaulle donne une nouvelle portée aux mots du poète. 

Imprimé sur des milliers de tracts, le poème est embarqué sur les avions anglais de la Royal Air Force, puis parachuté sur la France occupée, notamment dans les maquis d’où agissent les résistants.  

Le titre de "Liberté" a pourtant été modifié comme le montre le manuscrit original de 1941

"On n’a pas le tirage du nombre de tracts qui ont été diffusés, la quantité est difficile à apprécier. Ce qui est certain, c’est que la plupart des résistants ne pouvaient pas ne pas le connaître. C'est ça qui est phénoménal", explique Olivier Barbarant, essayiste spécialisé en poésie du XXe.

Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale puis au début de la Seconde, Paul Éluard, horrifié par la boucherie de 14-18,  est un fervent pacifiste. Pourtant, pendant l'été 1941, dans Paris occupé, quand il écrit ce poème ce n’est pas la paix qui l’anime... c’est une femme. 




Ses vers sont destinés à Nusch, sa compagne, artiste et muse du dadaïsme. Le nom à la fin du poème devait être le sien "mais je me suis vite aperçu que celui-ci faisait place à mon désir de liberté, de libération. Il l’incarnait", décrit le poète, en 1950. 

Olivier Barbarant : "_Au moment même de la rédaction, quelque chose s’est déplacé. Le poème ne s’appelle pas au début "Liberté", mais il s’appelle "Une seule pensée". Il est bien un poème fondé sur l’idée d’une sorte d’obsession ou de conviction intime très forte, ce que prouve la structure anaphorique. La répétition n’est pas seulement là pour nous tympaniser et embêter les élèves, elle est là d'abord parce qu’elle dit quelque chose de l’ordre de l’obsession, de la seule valeur qui compte et cette valeur pour Éluard, ce n’est pas étonnant, c’est l’amour. Comme si, d’une certaine façon, il y avait une sorte d’équivalence entre l’amour et la liberté._"

Ses mots intimes, Paul Éluard les transforme en une valeur commune. C’est justement ce passage du personnel au collectif qui donne sa force à "Liberté".  

                  Sur toute chair accordée                           

                 Sur le front de mes amis                           

                        Sur chaque main qui se tend                           

J’écris ton nom 

Ces mots d’amour deviennent ainsi l’hymne de la Résistance.

Comme j'ai compris depuis toujours que la femme était supérieure à l'homme, et qu'un artiste ne peut être inspiré s'il n'est pas amoureux d'une muse, je m'interroge sur cette (très jolie) Nusch, synonyme de Liberté !

Heureusement, elle a des amis sur facebook où je trouve toutes les photos possibles, dont les toiles de Picasso qui était son amant, tout cela avec l'assentiment de Paul, qui lui aimait René Char, la liberté était comme on le voit totale, s'agissant bien d'amour libre ! 

https://www.facebook.com/mortevisible/


Pour tout vous dire, elle est née Maria Benz le 21 juin 1906 à Mulhouse dans une Alsace faisant alors partie de l'Empire allemand et morte française le 28 novembre 1946 à Paris. Une artiste elle aussi devenue en 1934, après quatre ans de vie commune, la deuxième épouse de Paul Éluard. Femme sans tabou et égérie du surréalisme célébrée par les œuvres de Man Ray, Picasso, Miró, Valentine Hugo, Dora Maar, elle participe après la rupture du pacte germano-soviétique en 1941 à la Résistance communiste malgré une santé très altérée et deviendra donc le personnage nommé Liberté dans le poème du même nom.

Elle est copine de Gala Dalí qui l'emmène avec René Char la rejoindre auprès de Salvador Dalí à Cadaqués. C'est à la fin de cette quinzaine de vacances que Gala demande le divorce. Paul Éluard déménage avant de partir aussitôt à Avignon retrouver le soleil (et René Char) pendant que Nusch retourne dans sa famille à Mulhouse. Ce n'est qu'après plusieurs semaines de séparation consentie qu'Éluard, ne se voyant pas supporter seul sa fatigue et les difficultés financières, se décide à aller chercher Nusch en Alsace. Elle est aussitôt présentée aux camarades de sa cellule locale, Louis Aragon, Elsa Triolet, André Breton, et la vie commune avec Paul Éluard commence dans le studio du 42, rue Fontaine.

En entrant dans le cercle surréaliste, Nusch Eluard participe par exemple à la réalisation de "cadavres exquis" au crayon de couleur sur papier, avec Paul Éluard, Valentine Hugo, et André Breton. 


Par ailleurs, Nusch devient un modèle inspirant pour le groupe surréaliste, notamment de Man Ray, pour lequel elle sera le célèbre sujet d'une série de photos de nus, solarisés par Man Ray. À partir de ces photographies, Paul Eluard a écrit des poèmes d'amour publiés dans un ouvrage au titre ambigu, Facile. Outre Man Ray, Nusch est également le modèle d'une série de portraits et de photomontages surréalistes de Dora Maar, notamment  Les années vous guettent (1936).

Souvent réduite au statut de "muse" ou d'égérie surréaliste, il a fallu attendre les découvertes faites dans les années 1970 par l’expert américain du surréalisme Timothy Baumelle pour s’apercevoir que Nusch Éluard avait élaboré une série de collages, faussement attribués à Éluard mais signés « Nusch ». C'est de manière fortuite que la jeune femme réalisa ces oeuvres. En proie à une période d'insomnies vers 1935-1936, elle consulta un psychiatre qui lui suggéra de recourir à l'écriture. Suite à cela, elle a entrepris de découper des photographies dans des magazines pour en faire des collages, utilisant des cartes postales comme support. L'un de ces collages, intitulé "Bois des îles", a été publié dans la série de 21 cartes postales d'artistes en noir et blanc (La carte surréaliste) éditée par Georges Hugnet en 1937, aux côtés des créations de Marcel Duchamp, Max Ernst, Paul Éluard, Meret Oppenheim, Salvador Dalí ou encore Jacqueline Breton.

Le mouvement surréaliste a beaucoup occulté le rôle des femmes. À ses débuts, il est exclusivement composé d’hommes, les femmes n’y sont présentes qu’en tant que muses ou amantes. À l'image d'Adrienne Fidelin, Jacqueline Lamba, Dora Maar, Nusch Eluard est souvent réduite au rang de "compagne de" et a été effacée de la scène artistique.

 Pardon de cette longue digression : je me suis laissé emporter par Nusch, la seule présence qui me reste étant cette tombe au Père Lachaise


toujours est-il qu'elle inspire à Paul Eluard, 

son poème Liberté

et une présentation surréaliste qui inclut lettres et images


Appris par des générations d’écoliers, "Liberté" a éclipsé les autres poèmes d'Éluard et a même perdu de son imaginaire surréaliste au profit d’une interprétation simpliste.  

Olivier Barbarant : "Simplicité, par exemple, de l’image du chien qui est une image tout à fait banale, transparente, où la symbolique de la fidélité est claire, mais en même temps vous avez cet "étang soleil moisi" qui apparaît. Il me semble que les premières strophes qui sont dans la transparence. Le cartable, le pupitre, l’arbre, l’école… occultent, pour certains lecteurs, la puissance de déflagration de certaines images qui se mêlent à ces images quotidiennes. C’est ce va-et-vient, entre un imaginaire explosif et un imaginaire qui peut parfois être très limpide, qui fait les tensions qui existent à l’intérieur de ce texte. Sa puissance, c’est de cacher sous une forme transparente une complexité réelle." 

                         Sur tous mes chiffons d’azur                     

                 Sur l’étang soleil moisi                     

                  Sur le lac lune vivante                     

J’écris ton nom 


                 Et par le pouvoir d’un mot                   

               Je recommence ma vie                    

                Je suis né pour te connaître                   

             Pour te nommer                   

Liberté


PS : si l'exploit (journalistique) est de parler d'un poème sans l'avoir sous les yeux, le voici en entier


Sur mes cahiers d’écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

J’écris ton nom

 

Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre

J’écris ton nom

 

Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois

J’écris ton nom

 

Sur la jungle et le désert

Sur les nids sur les genêts

Sur l’écho de mon enfance

J’écris ton nom

 

Sur les merveilles des nuits

Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées

J’écris ton nom

 

Sur tous mes chiffons d’azur

Sur l’étang soleil moisi

Sur le lac lune vivante

J’écris ton nom

 

Sur les champs sur l’horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres

J’écris ton nom

 

Sur chaque bouffée d’aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente

J’écris ton nom

 

Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l’orage

Sur la pluie épaisse et fade

J’écris ton nom

 

Sur les formes scintillantes

Sur les cloches des couleurs

Sur la vérité physique

J’écris ton nom

 

Sur les sentiers éveillés

Sur les routes déployées

Sur les places qui débordent

J’écris ton nom

 

Sur la lampe qui s’allume

Sur la lampe qui s’éteint

Sur mes maisons réunies

J’écris ton nom

 

Sur le fruit coupé en deux

Du miroir et de ma chambre

Sur mon lit coquille vide

J’écris ton nom

 

Sur mon chien gourmand et tendre

Sur ses oreilles dressées

Sur sa patte maladroite

J’écris ton nom

 

Sur le tremplin de ma porte

Sur les objets familiers

Sur le flot du feu béni

J’écris ton nom

 

Sur toute chair accordée

Sur le front de mes amis

Sur chaque main qui se tend

J’écris ton nom

 

Sur la vitre des surprises

Sur les lèvres attentives

Bien au-dessus du silence

J’écris ton nom

 

Sur mes refuges détruits

Sur mes phares écroulés

Sur les murs de mon ennui

J’écris ton nom

 

Sur l’absence sans désir

Sur la solitude nue

Sur les marches de la mort

J’écris ton nom

 

Sur la santé revenue

Sur le risque disparu

Sur l’espoir sans souvenir

J’écris ton nom

 

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer :

Liberté.

 

Paul Eluard_Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)

écoutez "soeurs d'espérance"



Liberté ; Egalité ; Fraternité

le Président a de nouveau cinq ans, pour faire vivre cette belle devise

je lui souhaite le Courage de ceux qui sont devant !



PS : ce n'est pas terminé : Liberté = Freedom ! 



Le 19 juillet 1988 il joue un concert de quatre heures à Berlin-Est, alors en zone communiste, devant 300 000 jeunes allemands de l'Est enthousiastes, et en profite pour leur dire, en allemand, en pensant au mur de Berlin : « Je ne suis ici pour aucun gouvernement, je suis venu pour jouer du rock 'n' roll pour vous dans l'espoir qu'un jour toutes les barrières seront abolies ». Selon Gerd Dietrich, professeur d'histoire à Berlin : « Le concert et le discours de Springsteen ont certainement contribué de façon significative aux évènements ayant conduit à la chute du mur ».

https://www.theguardian.com/music/2013/jul/05/bruce-springsteen-east-germany-berlin-wall

Lorsque Bruce Springsteen est arrivé en Allemagne de l'Est communiste le 19 juillet 1988, ce fut, selon un fan, un "moment que certains d'entre nous attendaient depuis une vie pour l'entendre". La rock star américaine a accueilli un public agité, blasé et malade d'être enfermé derrière le mur de Berlin. Et rien, en fin de compte, ne devait fournir un meilleur exutoire à leur frustration qu'un concert de rock'n'roll. 

Mais ce fut tout de même une surprise lorsqu'environ 300 000 personnes de toute la République démocratique allemande (RDA) ont envahi un grand terrain près d'une piste cyclable pour l'entendre jouer, tandis que des millions d'autres regardaient la transmission tremblante et déformée à la télévision d'État . Les historiens pensent que presque aucun jeune Allemand de l'Est ne le savait. 

Les autorités communistes, dont le régime était connu pour sa censure généralisée, la répression de l'opposition politique et l'espionnage de son peuple, avaient donné à leur aile jeunesse, la Jeunesse allemande libre (FDJ), le feu vert pour engager l'un des musiciens les plus populaires d'Occident dans un effort désespéré pour relâcher une partie de la tension croissante. Cependant, l'événement a eu l'effet inverse. "C'était un clou dans le cercueil pour l' Allemagne de l'Est ", a déclaré Jörg Beneke, qui était là ce jour-là. 

Maintenant, dans la plus grande collection de rapports de témoins oculaires, de dossiers de la police secrète de la Stasi et d'entretiens avec l'entourage de Springsteen, un nouveau livre a reconstitué comment le concert a enflammé un esprit de rébellion qui a contribué à la chute du mur de Berlin 16 mois plus tard. 

"Oubliez David Hasselhoff", déclare Erik Kirschbaum, auteur de Rocking the Wall, en référence à l'acteur-chanteur dont le single Looking for Freedom était numéro 1 en Allemagne de l'Ouest au printemps 1989 - et qui a déclaré avoir fait tomber le mur de Berlin . "Contrairement à Springsteen, Hasselhoff n'est pas allé à Berlin-Est pour se produire, et il n'a pas non plus appelé à la chute du mur un an avant que cela ne se produise."

 

Le point culminant du concert de quatre heures de Springsteen, au cours duquel il a joué un total de 32 chansons, a sans aucun doute été un discours passionné, prononcé dans un allemand grinçant mais compréhensible , qui portait un message politique subtil mais clair. "Je ne suis là pour aucun gouvernement. Je suis venu vous jouer du rock'n'roll dans l'espoir qu'un jour toutes les barrières seront abattues", (il n'a pas prononcé le mot "Mauer" = mur, mot interdit par la Stasi omniprésente) a-t-il lancé à une foule qui a explosé, avant de se lancer dans Chimes of Freedom de Bob Dylan, dont les paroles – sur « le four de fusion de la ville… avec des visages cachés pendant que les murs se resserraient » – auraient difficilement pu résonner davantage auprès de son public captif, dont beaucoup agitaient des drapeaux américains pourtant interdits faits maison. 

Les historiens pensent que le concert de Springsteen, loin d'apaiser les gens, leur a simplement donné envie de plus. "Le concert et le discours de Springsteen ont certainement contribué dans une large mesure aux événements qui ont conduit à la chute du mur", a déclaré Gerd Dietrich, professeur d'histoire à l'Université Humboldt de Berlin, à Kirschbaum. "Cela a rendu les gens… de plus en plus désireux de changer de plus en plus… Springsteen a suscité un plus grand intérêt pour l'ouest. Cela a montré aux gens à quel point ils étaient vraiment enfermés." 

écoutez Chimes of Freedom 

par Bruce Springsteen

https://www.youtube.com/watch?v=G3onnJuBS18&ab_channel=radcla