On aimerait tout planifier dans
la vie, réserver à l’avance un rendez-vous médical, (il faut s’y prendre trois
mois avant), réserver une croisière en Egypte, monter sur le Sudan, voguer sur
le Nil, débarquer à Abou Simbel. Mais la vraie vie est faite d’imprévus : Poutine
peut envahir l’Ukraine, nous laissant désemparés avec notre besoin "incommensurable" d’acheter du gaz Russe ! Le covid peut évoluer en pandémie et bloquer la
planète, vous contraindre d’annuler une croisière, à vrai dire inutile, et
vous confiner chez vous, ce qui suppose d’avoir prévu d’y vivre une vie simple
et pourtant remplie : de nos jours on appelle cela la sobriété !
La vie, surtout à l’âge avancé,
vous réserve bien d’autres surprises, si la surprise est de se trouver face à
l’inconnu, il peut suffire d’une heure d’ambulance (on dit VSL véhicule sanitaire léger) sur l’autoroute
à 130Km/H pour devenir un autre : PdP = Patient de Pasteur :
je deviens numéro
633066
séjour numéro
22277121
arrivée diagnostic
inconnu 22 mars 12 heures
sortie 23 mars 12 heures, diagnostic rendu - écrit … patient réparé !
24 heures d’aventures
de surprises en
surprises !
Dans notre désert médical généralisé
d’aujourd’hui, le premier stade des soins auprès d’un médecin se
fait dans une "maison de santé" où les médecins restants se regroupent entourés
d’un bataillon de secrétaires parfois mises
à disposition par les Municipalités, trouvant fort à propos l’occasion
de mener là une politique utile à tous, plutôt que de changer inlassablement les
poteaux électriques pour des neufs peints en bleu vif. Moyennant un préavis de
trois mois, vous pouvez avoir accès à un (ou une) "Spécialiste en médecine
générale", qui ne peut vous prendre comme patient conventionné puisque son quota
est plein, mais comme « occasionnel-régulier ». L’ordinateur a
conservé en mémoire votre prescription précédente : on change la date, on
vous prend la tension, ouf, elle est normale, et en cinq minutes, vous avez votre renouvellement trimestriel à
présenter à votre pharmacien-diplômé qui vérifie le tout d’un œil scrutateur,
méfiant que vous tentiez d’abuser de médicaments pourtant indispensables …
A un certain stade d’affections,
le sigle est ALD (affection de longue durée, durée qui peut durer le reste de votre
vie) vous passez au cran du dessus, celui des spécialistes. Et curieusement,
vous qui n’avez plus de médecin de famille comme autrefois, vous retrouvez
entouré de spécialistes, je ne vous fais pas l’énumération, mais j’en ai en ce
moment Cinq ! Ils gagnent plus, réussissent à optimiser leurs horaires, et
sont prêts à faire deux heures de voiture par jour, pour laisser épouse et
famille vivre et travailler dans la Métropole toulousaine, pendant qu’avec leur
grosse voiture allemande, ils soignent les patients du Sud de la Haute-Garonne,
un bassin de vie de 70.000 personnes, maintenant traités dans l’Hôpital du
Comminges, parking géant entourant un Hôpital géant. La civilisation
numérique aidant, on se voit en présentiel, ou en visio. L’ordonnance arrive
sur votre email, transférée de suite à la pharmacie qui fonctionne en flux
tendu, s’approvisionne auprès du distributeur, se fait livrer par le papi de
service qui trouve là le moyen
d’arrondir sa retraite, et vous donne rendez-vous à 17 heures 18 chercher le
médicament rare jamais en stock, avec 30 pilules pour les 31 jours d’un mois
sur deux, prière de se rattraper les février annuels, qui vous récupèrent deux
pilules manquantes !
Le cardiologue joue un rôle
particulier dans la prévention, le risque de faiblesse de l’organe censé battre
sans broncher toute votre vie étant statistiquement plus grand : si ce
n’est pas le cœur, cela risque d’être une artère, bouchée par les amas causés
par une alimentation trop riche : de temps à autre, il est donc
bon de rencontrer l’éminent Cardiologue-vêtu-de-blanc : il va vous faire
poser un appareil qui va mesurer périodiquement votre tension nuit inclue :
trop de tension va mettre vos artères en tension, nécessitant une, puis deux
petites pilules pour faire baisser la sur-tension indiquée en rouge hors de la plage verte autorisée. Le stade au-dessus est le test d’effort, qui consiste à vous jucher sur un vélo, et à atteindre le stade d’épuisement en escaladant une côte
fictive, faisant grimper le pouls à 140. Vexé, je m’arrête à 110 ! Alerte ? La courbe d’effort s’est
inscrite sur du papier millimétré et marque une légère, oh bien légère
assymétrie ! Un millimètre ! Alerte ! Le processus s’est
enclenché tout seul : la sentence tombe : -« vous allez faire une coronographie à Pasteur, vous allez voir,
le docteur Van Rothen est super » !
il est effectivement
super :
il s’est présenté à
moi dans son bloc
j’étais nu allongé
sur le billard, badigeonné de teinture jaune, bras et jambes
bras gauche avec la perf’ ; bras
droit ligoté
il était habillé de
vert, calot vert sur les cheveux
il s’est introduit
rampant sous les écrans, radios et autres appareils
et m’a dit, yeux dans les yeux :
-« ça va aller, ça durera dix minutes, après je reviens vous dire
le résultat »
Nous sommes à 17H30 précises, et
je ne suis ni le premier, ni le dernier. En réalisé, j’ai rendez-vous à midi, muni de mon QRcode
prouvant la triple vaccination anti-covid. D’un test négatif, les tests positifs
étant rédhibitoires ! L’infirmière est venue la veille à 6h30, veillant à
ce que je sois à jeun, l’objectif étant d’avoir le résultat le 21 au soir, et
de le transmettre au parcours d’accueil numérisé "Yooli.fr" de telle façon que le dossier
soit complet. N’oublions pas la prise de sang et l’analyse complète préalables.
Le rendez-vous avec le véhicule, qui demande le document de prise en charge du
transport, 2 pages 21x27, la mutuelle et cette carte de Sécu sans laquelle nul ne saurait
exister ! Une heure plus tard, l’autoroute assez praticable malgré
la file des camions espagnols ravitaillant Toulouse, la conductrice du VSL pile
à l’heure du rendez-vous de 10h45 a habilement virevolté autour des camions, a
fait la course avec un fourgon blanc peint d’une croix bleue immatriculé 65, piloté
par un mec voulant faire le fanfaron, a consulté ses trois écrans verticaux
devant le pare-brise, et fait le trajet en 1 heure chrono. Elle trouve la
dernière place libre sur le parking-minute, et j’accède à Pasteur, du moins à
l’accueil du rez-de-chaussée. Il est 11h45 :
les 24 heures
commencent à 12 heures pile !
L’obsession ici est de ne pas se
tromper de patient, in fine, je verrai
en ne récupérant pas mes images que la traçabilité n’est pas si facile !
La carte d’identité est demandée à l’entrée, mutuelle obligatoire, oui la carte
de Sécu est bien « vitale », dossier d’admission rempli
le temps est le sujet
de réflexion de toute l’humanité
comment passer le
temps, comment gérer le temps ?
comment arrivant à
douze heures à jeun depuis la veille au soir, savoir ce qui vous est
réservé ?
A Paris il y a bien longtemps,
attendre un autobus représentait la même incertitude : combien de temps
vais-je attendre ? Le progrès a équipé le bus d’un GPS, disant où il était
de son trajet, un calculateur prévoyant l’heure estimée d’arrivée à votre
station : le temps diffère si vous ignorez l’heure. Le temps est moins
long, si par exemple il vous est annoncé : 12 minutes, vous regardez
défiler le temps avec moins d’incertitude. Pareil en automobile quand un
chantier vous oppose un feu rouge, dont les secondes diminuent chaque seconde
pour finir le décompte à zéro ! Pareil pour les enchères qui commencent à 14 heures,
quand le lot convoité ne va être mis aux enchères qu’à 17 heures 18 ! Pareil pour le suivi chronopost de la Poste qui en théorie vous dit où est votre colis attendu des USA !
Ici, arrivé à midi, enregistré
une fois ; deux fois ; trois fois ; déshabillé-rhabillé en
patient-bleu-calotté d’une maille élastique à 15 heures, j’aurai passé trois
heures d’attente. A ce moment, vêtements entassés dans un sac plastique blanc étiqueté
« vestiaire » et sac à dos avec brosse à dents sont emmenés à la
bagagerie. Lunettes ôtées vous ne pouvez plus lire. Téléphone rangé, plus de
SMS à l’épouse devenue « personne à prévenir ».
Ca y est, je suis
devenu : numéro 633066
et l’attente commence ... ou plutôt continue !
Nous sommes dans un hall (d’attente) tous en tenue bleue, tous en calotte, tous avec chacun sa perfusion (d'eau salée ?) accrochée à un porte-perfusion à 5 roulettes, que l’on conduit pour aller moins seul aux toilettes. Au moins une vingtaine, sans ticket d’arrivée, ni date de passage. On nous a appris, dans une vie antérieure, que l’ennui était indispensable, nous contraignant ainsi à réfléchir et nous réinventer. On nous a appris à méditer, voire à prier, ce qui n’est plus de mode, mais enfin, avouons que nous espérons que quelqu’un là-haut se préoccupe de la suite…
... c’est quoi, c’est quand, la suite ?
Dans la salle, une dame craque : -« personne ne s’occupe de moi, dès gens arrivés après passent avant, j’angoisse » ! Une réaction bien toulousaine, me rappelle qu'était accroché à l'arrière des voitures autrefois le panneau : "Toulousain malin", signifiant que le mec doublait à droite ou se garait en double file au marché Victor Hugo ! Un brancardier confus avoue sa méconnaissance de la suite. Une infirmière confuse dit qu’elle ne peut rien dire. La dame anxieuse finira plusieurs quart d’heure plus tard d’être mise sur un fauteuil, et d’être poussée vers … son destin ! J’apprendrai plus tard que dans l’immeuble où nous sommes, seront opérés le 23 mars 2022 : 75 patients. par huit chirurgiens. Il y a 3 blocs identiques, qui peuvent soigner 250 patients par jour. A Toulouse, il y a Pasteur dont la réputation est européenne, mais aussi Purpan, et Rangueuil. 600.000 habitants vivent ici, plus les 100.000 des trois départements des Pyrénées centrales, venus à coups d’ambulance sur l’autoroute. C’est de la médecine de masse, soignant des milliers de patients. Et chacun est soigné sur mesure.
impressionnant.
Plus tard, une infirmière
m’expliquera –« nous non plus
ignorons l’emploi du temps, tout est commandé depuis le bloc par le Chirurgien.
Si l’on vous annonce que vous passez à telle heure, mais qu’une urgence
interrompt le planning, décalant l’heure prévue,
vous allez râler. Mieux vaut ne rien dire ! mais en fin de journée, tout
est fait, c’est l’essentiel »
J’apprendrai plus tard également
que l’on opère depuis 7 heures, parfois jusqu’à vingt heures. Le bloc est
nettoyé entre chaque intervention, une armada d’intervenants dans les couloirs.
Dedans, l’assistante du Docteur, docteur elle-même, se présente, -"je m’appelle
Anne-Marie"... elle porte des lunettes rondes, elle a l’air sympa, et intervient à
côté du docteur Jérôme, qui parait avoir le dernier mot, mais lui confie les manipulations,
j’entends tout cela allongé sur le billard…
Oui, j’ai omis de vous dire qu’à
un moment, il est 17h30, cela fait en tout cinq heures trente que je médite, on
appelle mon nom, et un brancardier m’emmène devant le bloc, attendant la sortie
des aide-soignantes et personnes chargées du ménage. Il place le brancard à
côté du billard, et je rampe ventre en l'air sur les mains pour me placer pile-poil sur le dos allongé
dans l’axe. C’est là qu’Anne-Marie se présente, me lace le bras droit pour
que j’évite de bouger, et m’explique que je vais sentir la piqüre
d’insensibilisation du bras en question, ça fait mal comme le dentiste qui vous
veut du bien, et je suis ensuite censé sentir la brûlure du passage de la sonde, je la sens pile-poil comme il m’a été dit : parfait, on m’annonce ce qui
se passe, c’est mieux de savoir qu’il est normal de ressentir des trucs puisque
la sonde rentre loin ... à l’intérieur ...!
Mon voisin de chambre plus tard
m’expliquera qu’à ce stade, il lui a été demandé s’il était d’accord pour être
filmé ? En pratique, le visage (masqué) ne l’était pas, son identité
serait donc cachée ! Il a ensuite entendu parler Anglais, car le film
allait servir d’enseignement à des Anglais voulant imiter les
Toulousains : Pasteur a une réputation d’excellence au niveau européen,
rassurant pour les patients je puis en témoigner !
J’ai oublié de vous dire que nu,
badigeonné, et allongé, on m’a fait signer le fameux document de
« consentement éclairé » disant que j’étais d’accord pour me faire
coronographier, comment dire non à ceux qui vont vous sauver la vie, j’ai signé
avant que l’on m’attache le bras droit puisque je suis droitier ! La
sonde est censée passer par l’artère radiale droite, d’où le bras droit ligoté,
mais au cas où le passage serait obstrué, existe un itinéraire de secours : passer par
la fémorale, voilà pourquoi elle est badigeonnée au cas-où, là, ce serait
« un boulevard » comparé à la radiale plus étroite, mais après, il faut que le garrot qui va tout
fermer tienne, et les mouvements des jambes doivent être faits avec davantage
de précaution que les bras ! mieux vaut en rentrant ne pas porter de pacs de bouteilles d'Evian : pas d'efforts pendant 15 jours !
les dix minutes sont
(vite) passées
Quand le docteur voit sur l'écran ma (piètre)
situation intérieure, il rampe à nouveau vers mon visage pour me dire :-« vous avez déjà attendu 5 heures et
demie, il me reste 30 minutes pour vous poser un stent, (jugé
in-dis-pen-sable), autant le faire de suite plutôt que vous faire
revenir : d’accord ? »
OUI ! autant aller jusqu’au bout, il doit être en pratique autour de 18 heures, je
suis au pied du mur ! C’est une surprise de taille même si je m’y
attendais plus ou moins, le millimètre manquant du test d’effort était
symptomatique : mon cardiologue m’a sauvé la vie, je lui dois un sacré coup de chapeau.
Son copain de Pasteur va m’enfiler un ballon pour faire gonfler l’artère encombrée.
Puis deux. Ils discutent avec Anne-Marie qui a l’air d’être aux commandes, débattent
de l’endroit idoine pour poser le ressort pile-poil où il faut. Les ballons paraissent interférer l'un sur l'autre pour les placer où il faut ? Chipotent du diamètre, je gonfle les
poumons, respire. "Arrêtez de respirer" je suis les ordres, au moins je suis occupé ! "Vous pouvez respirer" ! Voilà pourquoi il
faut être réveillé pour réagir a minima, gonfler, dégonfler les poumons, je ressens des
douleurs sourdes là où passent les ballons, c’est normal, il n’y a qu’à lâcher prise comme disent les psy... laisser
faire…, LES laisser faire !
la fin c’est la
voix tonitruante (de Jérôme) : -« voilà,
c’est fait »
"l’intervention a réussi ...
... je vous donne la garantie décennale" !
ils ont compris
qu’ils ont affaire à un Ingénieur
ils sont trop forts !
Oui, il y a un autre patient
derrière ! Le brancardier m’a dit avant d’entrer que le Docteur était
épuisé en fin de journée. Evidemment quand il s’est présenté calotté de vert,
je lui ai demandé : -« j’espère
que vous allez bien Docteur, malgré l’heure avancée ? », et il
m’a répondu et cela avait l’air vrai : -« je
suis en pleine forme » ! Il est tout jeune, la quarantaine, va
savoir pourquoi, je l’imaginais plus âgé ! Pareil pour l’assistante Docteur
Anne-Marie avec ses lunettes rondes, son sourire, et son air concentré. Tout le
monde ici notamment les infirmières est très jeune, souriant, affairé, écrans permanents pour la traçabilité, mais ambiance calme.
Cela se comprend m’a raconté l’une d’entre elles, comme elles ignorent les
horaires, il leur faut être très disponible, on dit dans le langage officiel « agile » !
Il y a une forte rotation du personnel, les infirmières plus âgées à charge de
famille recherchant plus tard des horaires plus classiques dans des services leur permettant de
faire face à toutes leurs obligations. On comprend qu'une organisation pareille ne puisse être implantée que dans une très grande ville où les emplois sont nombreux et où il est possible de jouer sur les grands nombres.
Après le « Voilà c’est fait », le brancardier vous demande le
transfert inverse, petite manoeuvre de gym, j'y suis accoutumé chez mon kiné, et vous emmène en "salle de réveil". Comme toujours, c’est du
langage maison puisque vous n’avez pas dormi, mais il faut vérifier j’imagine si
l’opération ne vous a pas perturbé, ce qui serait dommage, ou si
vous avez des réactions négatives : un voisin a tellement stressé qu’il
pleure par réaction, l’infirmière qui me remet une perfusion neuve et un cardiogramme le console gentiment. Je me fais reprendre la glycémie une
fois encore, souhaitant plaire à ma Diabétologue plus tard, quand je lui
raconterai que j’ai veillé à ne pas avoir d’hypo, ce qu’elle craint en
permanence, car cela pourrait avoir des conséquences graves ... pour le cœur !
Ce serait presque rigolo maintenant que je suis sorti du bloc, je décompresse,
et l’infirmière me dit quand je lui demande si elle pourrait me prêter son
téléphone pour prévenir ma meuf, que je dois être un rigolo dans la vie
courante, elle a flairé l’individu de suite ! Quand j’appelle Anne, elle
lui dit à haute voix « bonsoir Anne »,
l’ambiance en salle de réveil est plutôt à la détente !
Il doit être 20 heures, si
pendant un moment il y a eu l’hypothèse que je rentrerai chez moi ce soir, c’est
fichu ! J’entends une infirmière me réserver une chambre, je ne me vois
pas dormir en salle de réveil ! Quand l’entourage est convaincu que je n’ai
pas de séquelles intempestives, re-brancardier masculin pour m’emmener dans la
chambre en question, la chambre est double, un voisin déjà dedans, j’apprendrai
plus tard qu’il est montagnard convaincu, escalade les sommets, fait 30 Km à
pied pour aller chercher les sources de la Garonne au trou du Taureau ! Je lui donne ma carte de visite où j'ai imprimé en relief un Machaon, et il me répondra le lendemain qu'il se prénomme Bernard ! Bernard mangeant du
fromage de chèvre tous les jours, avait une artère pleine de calcaire, qu’il a
fallu gratter avec une fraiseuse miniature, c’est lui qui a été filmé avec commentaires en
Anglais, pour servir à l’éducation de chirurgiens mondiaux encore novices dans l’art de
casser des concrétions artérielles ! Le docteur venant le visiter devant
moi lui a prescrit de limiter le fromage de chèvre à une seule fois par
semaine, il s’est plaint auprès de sa meuf au téléphone d’être contraint à la
sobriété, la sobriété ne plait décidément à personne : Poutine n'a pas tout à fait tort, quand il se moque que nous ne pouvons nous passer de son (sale) gaz, à désormais payer comptant en roubles !
Vous connaissez les chambres de
clinique : une salle d’eau splendide, une douche italienne séparée par une
cloison de verre transparent magnifique. Extraordinaire : deux places, une
sous la douche, une autre équipée d’un escabeau blanc rabattable pour prendre
la seconde douche assis ! la classe si j’avais un tel équipement sur la Costa
Daurada en vacances ! J’apprends sur une affiche qu’en cas d’intervention
plus lourde, on doit se doucher deux jours de suite ce que j’ai fait. Mais il
faut utiliser un savon stérilisant spécial, qui doit blanchir après avoir moussé. Je vais
tenter d’en acheter qui sait… une prochaine fois ? A chaque étape, on vous demande si c'est la première fois ? -"C'est ma première fois" ! Des voisins me disent qu'ils sont déjà venus... de Mazamet... du Comminges ... plusieurs fois ! Il existe donc des habitués ! Moi j’ai amené du vrai savon
d’Alep devenu introuvable, avec ses 45% de laurier, je m’en contente y compris pour me raser !
Merveille, arrive sur un plateau
le repas du soir, 24 heures que je n’ai pas mangé. Une feuille dactylographiée. Mon
nom. Mes numéros. Le menu : "soupe de carottes" ... pour rendre aimable ! "Salade genre cresson". Surprise : une "brandade de morue" : elle
manquera de sauce ; d’huile d’olive de la Vallée des Baux, et d’ail, sans
oublier le manque de morue, je la déguste par petites bouchées avec délices !
Pour finir, tranche de chèvre… (interdite au voisin) ...et pomme cuite au miel ! Quel festin !
En attendant il faut passer la
nuit. Apprendre à fermer la lumière, ce
que fait Bernard qui sait, lui, utiliser le tableau de bord électronique
placé en tête de lit. Moi j’ai emmené, (c’est vrai) ma lampe miniature de
spéléo Pelzer ! On m’a posé sur la radiale ouverte un espèce de garrot (c’est une
artère) en réalité un bracelet plastique transparent, gonflé à l’air, qui doit
être progressivement dégonflé pendant les 4 heures suivant la pose. Pour le dégonfler,
l’infirmière équipée d’une seringue, en réalité une petite pompe, se raccorde à l’embout,
et dégonfle progressivement. Je ne dors pas car je ressens la douleur au
poignet, et décide d’une excursion nocturne, éclairé comme pour visiter les
grottes de Gargas. Il doit être quatre heures du mat’. L’infirmière est
allongée habillée sur un lit de camp, et se redresse quand j’approche. Elle enlève le
bracelet, constate que le trou est étanché, me pose un pansement, et du coup
enlève la perfusion vide dont je dois tenir le tuyau pour ne pas l’emmêler dans
les jambes. Allégé, je dors jusqu’à 7 heures, les pilules du matin, l’électrocardiogramme,
une petite mesure de glycémie, « puis-je
prendre mes médicaments » ? (j'apprends qu'il faut toujours demander l’autorisation
à l’infirmière, cette précaution la valorise...) -« Oui avec le
petit-déjeuner » ! Le petit-déjeuner arrive, avec un menu
dactylographié à mon nom, comme la veille au soir, je l’ai recopié : Nom
et numéro de patient (je suis redevenu moi depuis que j’ai été opéré), du café,
du lait, un joli petit pain, du beurre, un adorable pot de confiture de fraises
avec le couvercle à damiers rouge et blanc des grand-mères chics, et cerise sur le gâteau, un mini-croissant !
Je revis, et ai le droit de prendre le Stagid et surtout le si cher Forxiga du
matin aux 30 pilules par mois, tellement précieux que la pharmacie n’en a jamais en stock et doit le
commander tout exprès :
tout redevient "normal" !
Encore un moment extraordinaire :
douche prise et dument rasé, voilà que le sac dénommé « Vestiaire »
revient, avec le sac à dos : je puis me rhabiller en civil ! Pour une fois j'ai été malin, et suis venu en tenue de gym, comme chez le kiné. Téléphone
retrouvé, SMS à « la personne à
prévenir au cas-où » ! On m’annonce que le VSL du retour a été
commandé au téléphone remis la veille. Tout un protocole de sortie se met en
route, et je comprends (il était temps) l’importance du service administratif
qui précède et suit les soins. Il faut récupérer les papiers de sortie, signer
l’autorisation donnée à soi-même de sortie confirmant que l’on se sent bien,
alors que l’on pourrait rester encore un peu se faire câliner. Récupérer
le cerfa de 2 feuillets à remettre au taxi. Récupérer
le bon de sortie qui est différent pour que le taxi sache que je suis autorisé
à sortir, il doit y avoir de mauvais coucheurs reprochant à Pasteur et aux transporteurs
de les avoir soignés, guéris, nourris, transportés, et ramenés chez eux ? Nous sommes six venus du Comminges... mon voisin part en taxi dix minutes avant le mien...ça en fait du trafic sur l'autoroute, à côté des camions espagnols !
Une enveloppe en Kraft contient
tous les papiers, avec la lettre du Docteur Jérôme commençant par : « Cher ami » (ce doit être pour le
Docteur Mathieu qui a décelé le millimètre sur la feuille d’effort et m’a
envoyé à Pasteur) auquel il a ajouté (au cas-où) « Chère consoeur », où il explique le détail de mes avatars…Je dirai à ma Diabétologue que l'on a pensé à Elle ! C'est vrai en plus !
De retour à la maison, dument
mené par un magnifique taxi rouge de marque Ford fonctionnant au diesel
provenant d’une grosse cuve perso, (qui permet au Propriétaire de défalquer 20% de TVA
sur le prix officiel, lui rendant supportable l’augmentation des prix du si
rare carburant) je m’apercevrai que me manquent les photos promises par le
Docteur Jérôme.
Rentré à la maison, j’adresse un email à la
Secrétaire, puisque la lettre porte cette précision. Elle me téléphone, vexée
que je n’aie pas un document qu’elle a pourtant mis dans la file, sans doute un
peu complexe, de la procédure de sortie. Il faut dire qu’il existe une salle d’attente
de sortie à l’étage : c’est en langue anglaise l’OPEN. Puis une seconde
salle de sortie. Jusqu’à la dernière salle de sorte au rez-de-chaussée. Autour
de 11 heures, une heure avant la sortie, il y a au moins 20 patients de sortie
dans la salle. On vous fait asseoir sur des banquettes différentes pour trier
les enveloppes. Les taxis-VSL sont garés-rangés dans un parking un peu éloigné. Une conductrice nous emmène avec une voiturette électrique genre club de Golf chic retrouver notre chauffeur. Mon enveloppe blanche perso a du s’égarer dans on ignore quel
dédale ? A force de cumuler les procédures numériques dématérialisées, plus les procédures papier qui visent à confirmer les précédentes dans une pratique
bureaucratique typiquement française, on finit par oublier les papiers
prioritaires !
J’ai donc Sophie B. au téléphone, la secrétaire du Patron, qui finit par comprendre que je n’ai pas les photos, mais en un clic me
les envoie en pdf. Détendue, elle me les commente impeccablement, j'ai l'impression que ça l'amuse, elle parait très initiée ! J’ai ainsi comme tout
bon lecteur de BD et le texte, et les images. En effet il y avait "un vrai barrage sur la route", je métaphore, le barrage a été levé, le sang peut à nouveau circuler !
Je n’ai rien payé,
combien cela a-t-il bien pu coûter ?
Comment remercier
tous ce monde, souriant, attentionné, et si efficace ?
comment remercier mon
Cardiologue qui a repéré d’un clin d’œil le millimètre criant : "Alerte" ?
---o---
tout ce que je
raconte ici est véridique, comme cette anecdote pour terminer :
Antoine mon copain de
Toulouse a eu il y a peu de temps "un malaise", et Bénédicte l’a de suite emballé
dans la Fiat jaune pour le mener à Pasteur
il a été
immédiatement sauvé avec la pose de 3 (et non pas 1) stents
comme il est en quelque
sorte mon Frère, quand on a fêté son retour avec une vraie brandade de vraie morue à l’ail et
à l’huile d’olive du moulin de Fontvielle à la maison, il m’a offert un bouquin
c’est notre genre un
peu spécial de lire de tels bouquins, en pensant à lui, je l’avais emmené et lu
jusqu’à 15 heures, l’heure du déshabillage et de la bagagerie
« Si tu veux la
Vie »
David-Marc d’Hamonville
moine bénédictin, il raconte la règle de Saint-Benoit
il n’y a que nous
pour lire des bouquins pareils !
il a 261 pages
je pourrais citer des
tas de maximes
page 74 : « le 4ème degré de l’humilité
c’est, quand on obéit à des choses difficiles et contraignantes et même quand
on se voit infliger n’importe quelle injustice, de s’attacher à la patience »
(règle de St Benoit, 7,35)
je reconnais
enfreindre ici la règle 7,56 qui dit :
« Le 9ème degré de l’humilité (mais je ne suis pas moine) c’est de retenir sa langue de parler, de garder le silence et de ne pas parler jusqu’à ce qu’on l’interroge »
je voulais témoigner
de ces 24 heures chrono à Pasteur :
rentré abîmé, sorti réparé :
merci !
"car s'il n'a pas de quoi donner, qu'il offre en réponse une parole de bonté, comme il est écrit : "Une parole de Bonté surpasse le plus beau cadeau"
(Règle de St Benoit, 31,13-14)
http://www.ch-saintgaudens.fr/chcp17/index.php/fr/notre-offre-de-soins/liste-des-praticiens?start=20 |