William Holman Hunt, 1851,
Manchester Art Gallery, Manchester
un sphinx tête de mort
dans la main !
Voici un tableau célèbre chez nos amis Anglais. Comme à son habitude, le peintre, Hunt, l'exposa avec comme
légende un passage de Shakespeare :
Que tu veilles ou que tu dormes, joyeux berger,
Si tes brebis s’égarent dans les blés,
Un signal de ta bouche mignonne
Préservera tes brebis d’un malheur.
Shakespeare, Le roi Lear, Acte III, scène 6
Traduction de François-Victor Hugo
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Sleepest or wakest thou, jolly shepherd
Thy sheep be in the corn;
And for one blast of thy minikin mouth,
Thy sheep shall take no harm.
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Un peu court pour donner un sens
à tous les détails de cette composition
compliquée, dont le clou est le superbe sphinx tête de mort qui précède. En outre, le titre
du tableau Le berger mercenaire, n’est
pas shakespearien, mais évangélique :
« Le vrai berger donne sa vie
pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les
brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les
brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse ». (Jean, 10,10-12)
De manière très inhabituelle,
Hunt a cru bon de fournir cinquante ans plus tard une explication détaillée,
qui permet d'éclaircir plusieurs points.
voir dessus/dessous les agrandissements utiles pour la compréhension |
« La chanson de Shakespeare représente un berger qui néglige son
véritable devoir, celui de garder les moutons : au lieu d’utiliser sa voix pour
faire honnêtement son devoir, il se sert malignement de sa «bouche mignonne ». (minikin mouth )
Il est du type de ces autres pasteurs à la tête
confuse qui, au lieu d’effectuer leur service auprès de leurs ouailles
– qui sont constamment en danger – font de vains discours sans valeur pour
l’âme humaine. »Lettre à J.E.Pythian, 21 January 1897, Manchester City Art
Gallery
En 1851, les esprits étaient
travaillés par la crainte de voir l’église catholique profiter des divisions
entre les différentes tendances des Anglicans pour reprendre pied sur les Iles
Britanniques.
La représentation du Mauvais
Pasteur est très exceptionnelle, et sert toujours à mettre en valeur l’image du
Bon Pasteur (voir des exemples dans La Brebis perdue) Le Mauvais Pasteur
représenté seul – et même pire : en conversation rapprochée avec une bergère –
est donc une iconographie unique, rendue possible par ce climat particulier
d’inquiétude religieuse.
« Ma tête folle a trouvé un Sphinx tête de mort , cela remplit son
petit esprit de pressentiments de malheur
et il le montre à une consoeur tout aussi sage que lui, pour avoir son
opinion. »
Hunt a donc choisi ce papillon célèbre pour la tête qui orne son thorax, comme emblème non pas d’une catastrophe annoncée, mais
de la superstition qui frappe les esprits faibles. Ce n’est pas par son supposé pouvoir maléfique mais parce qu’il suscite « de vains discours sans valeur pour l’âme humaine » , que le
papillon va provoquer, indirectement, une série de catastrophes.
La bergère joue un rôle clé dans la composition :
elle détourne le berger de sa fidélité : pendant qu’elle nourrit son
agneau avec des pommes vertes, il laisse ses moutons passer la limite et
pénétrer dans le champ de blé. Ce n’est pas seulement que le blé sera gâté,
mais en le mangeant les moutons sont condamnés à la destruction, en « gonflant
», selon le terme des fermiers»
.
Ainsi, la discussion oiseuse
conduit à plusieurs catastrophes : les
moutons passent la rangée d’arbres au
risque de se noyer dans le marécage ; ils vont gâcher la récolte de blé (on en
voit déjà un au milieu des épis) et ils en seront bien punis (météorisme, puis
mort).
Par opposition, le Bon Pasteur vu
par Hunt n’a même pas besoin d’être celui qui « donne sa vie pour ses brebis » : il lui est tout au plus demandé
de garder l’oeil sur ses ouailles, trop
pressées de franchir les limites et de succomber aux excès.
Comme un panneau «
Danger de Mort ! », le papillon marque la limite à ne pas dépasser.
Au milieu de cette théologie
musclée, le personnage féminin – nécessaire pour expliquer l’inattention du berger – facilite une lecture profane : on subodore aisément, dans
cette barrique , dans ces faces rougeaudes,
dans ces mains si proches, une
pulsion plus forte qu’un mauvais pressentiment ? Le papillon n’est-il pas
le prétexte à un flirt poussé, et le
discours moral la couverture d’une
sexualité champêtre ?
Ou bien, à l’inverse, faut-il pousser encore plus loin dans le symbolisme, et voir dans cette mauvaise fille, qui couvre son agneau en plein midi en plein été, et lui donne des pommes vertes au risque de l’empoisonner, à la fois une nouvelle Eve et une mauvaise Marie ?
Pour vous permettre de vous y retrouver (et moi aussi)
voici :
Les papillons dans la peinture, en 29 billets
1
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Tableau de Berlin
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2
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La Création
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3
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D.G Rossetti
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4
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Alice Wilding
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5
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J.Hoefnagel
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6
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Hetepheres
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7
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Cartier
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8
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Fossile chinois
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9
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Lipman et Dior
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10
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Mosaïque Pompei
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11
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Le casino de Murcie
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12
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Piérides et muses
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13
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Flamands
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14
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Psyche 1
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15
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Psyche 2
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16
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porcelaine
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17
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Miss Butterfly
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18
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Pygmalion
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19
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Psyché aux States
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20
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US musical comedy
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21
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Papillon H.Charrière
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22
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L’âme de Gauffier
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23
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Pompes de Georges
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24
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Eros tient un papillon
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25
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Picou pèse les âmes
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26
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Vanité au Machaon
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27
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L’Atropos de Hunt
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28
29
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Sarah Burton : robe
Robe de Luly Yang
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