lundi 14 octobre 2013

Drôle de voyage d'automne...(3)

Hommage à J.M

et au pêcheur de bars...

La discrétion m’oblige à cacher nom et prénom. Nous arrivons à Rouen. J.M habite dans les hauteurs. Un voyage vers le Nord, vers l’humidité qui règne ici, c’est un peu déprimant pour un mec habitué au Sud. Où la montagne représente la vraie difficulté. Une difficulté qui n’est pas si difficile, si l’on est équipé pour la neige, bien moins que vivre dans cette humidité froide qui règne ici, mieux vaut se couvrir la gorge.

arrivée à Rouen près du quartier Damiette

Ce froid oblige à des compensations….

Quelles compensations !

De la Bretagne (pour nous il n’y en a qu’une : celle du cap Fréhel), J.M (qui sait les horaires des grandes marées) a ramené du poisson. Du lieu (peut-être est-ce le meilleur ?) ; des soles. Des bars (dans les étals, ils seraient « de ligne »). Des seiches. Des palourdes (cuites, on les congèle, et les ajoute aux spaghetti à la tomate). Et du homard. Je parle de homard au singulier car naturellement il en a ramené des….., à tel point qu’on peut employer (comme en pharmacie) le terme générique comme on dit : « du blé », pas « des blés ». Je suis très impressionné car J.M me sort son GPS, made in USA, qui montre la Manche entre la Bretagne et les côtes anglaises. Et cette mer (pourtant dure) est sillonnée des traces de son passage, dont la machine (il lui doit la vie pendant les intempéries) conserve la mémoire.












Il y a une scène de pêche délirante : le pêcheur est sur les rochers. Il scrute à la jumelle. Devant lui : la mer, des vagues assez grosses qui chassent vers le rivage (le bon sens). Des sternes volent, et tout d’un coup sont pris de folie : ils ont vu (de là-haut) le menu fretin frétiller en un essaim plein d’éclats métalliques (à Saint Jacut, on nomme ces petits poissons menuse : ce sont de petits sprats, comme de petites sardines, très grasses, donc nutritives. Pour nous si nous les mettons frire, elles vont fondre en une masse compacte. Mais consommées par des poissons carnivores…c’est délicieux tel quel, sans autre assaisonnement. Car les bars ont compris : ils chassent en meute, comme les loups, nom qui leur est donné d’ailleurs en Méditerranée. Poussés par les vagues en provenance du large, ils rabattent la menuse vers le rivage rocheux pour l’enfermer comme dans une nasse. Se ruent sur le fretin, qui compense sa petite taille par la quantité ; dévorent goulument tout ce qui passe devant leur mâchoire ouverte, dents acérées, obligés qu’ils sont de se faire du gras avant le jeûne de six mois de l’hiver.
 


Le pêcheur, c’est mon frère, sait que ce miracle est possible : dix minutes dans une saison, mais dix minutes d’extase. Il connait le (bon) coin. Le (bon) moment. Il est donc là. Face aux bars. Sa canne est armée, of course, d’un poisson artificiel adéquat, (menuse-compatible) sur lequel se ruent les bars, complètement affolés. Il a juste le temps de manier le portable, pour téléphoner au copain à trois kilomètres. Le copain n’a pas le temps de décrocher le téléphone, mais voyant qui appelle, comprend au quart de tour. Il plante tout (femme et télé pourtant allumée) pour se ruer dans sa voiture, (la sienne) et foncer vers J.M. Il reconnaît sa voiture (celle de J.M) ; file sur les rochers ; il lance sa canne (elle était prête, c’est un pro). Premier lancer : un bar. Second, un bar, dans un slash magnifique d’éclaboussures autour de l’appât. Et tout d’un coup, tout s’arrête…. Les bars sont partis. Les deux copains ont été les acteurs privilégiés du miracle. Ils sont heureux.

Ne vous étonnez pas en montant dans l’une ou l’autre voiture :
elle peut être pleine de cannes, qu’il faudra un peu pousser
si vous voulez vraiment vous asseoir

Ca se produit encore en 2013, la mer reste prodigue

(pour ceux qui savent l’aimer)

Alors j’arrive de mon sud-ouest, dépaysé par l’ambiance tout froid-humide, et J.M sort trois bars, puisque nous sommes trois. Deux suffiraient étant donné leur taille, le dernier sera mangé froid en gelée, peut-être encore meilleur que les chauds accompagnés de longs filets de courgettes, tirés patiemment avec l’économe, grillés dans un filet d’huile d’olive, avec de l’ail.




On mange rarement des trucs pareils : c’est le Paradis

Le lendemain, poêlée de cèpes, et de trompettes. Dans ces milieux urbanisés, restent des vestiges de nature prodigue, des forêts quasi intactes que les urbains ne savent plus explorer. Surlendemain : les fameux spaghetti, dans leur sauce tomate, ça tout le monde sait faire. Là s’ajoute le parfum de la mer : des têtes de seiches finement coupées (il faut savoir que de la tête des seiches partent les petits tentacules qui croquent sous la dent) ; le tout parsemé de palourdes. Il est des épouses qui offrent leurs tentacules au mari. Le mari sur-mange, peut-être ensuite va-t-il devoir jeûner des mois ? Tout le monde adore, inclus les mômes (dès trois ans)… !
 


chapeau à toi, J.M, tu es un grand pêcheur…

tu sais trouver les champignons…

les chemins te sont familiers

qui mènent au  paradis !


je m’y attendais : je me suis accroché un hameçon
à un pantalon encore neuf, en m’asseyant sur le siège !
foutus bars !