samedi 25 août 2018

Pasaia (3/4)


facile de se repérer avec San sébastian à gauche : Pasaia c'est le fjord à droite

Je reprends le récit de Xavier Mevel qui cite Victor Hugo, grand voyageur :

"Cet endroit magnifique et charmant comme tout ce qui a le double caractère de la joie et de la grandeur, ce lieu inédit qui est un des plus beaux que j’aie vus et qu’aucun “tourist” ne visite, cet humble coin de terre et d’eau qui serait admiré s’il était en Suisse et célèbre s’il était en Italie, et qui est inconnu parce qu’il est en Guipuzcoa, ce petit éden rayonnant où j’arrivais par hasard, et sans savoir où j’allais, et sans savoir où j’étais, s’appelle en espagnol Pasajes et en français Le Passage.»


je vous l'ai mis en basque : la casa donde escribio Victor Hugo los Miserables

"Les Basques ne tiendront pas rigueur à Victor Hugo d’avoir omis de préciser que dans leur langue on dit Pasaia : ils ont fait un musée de la maison où séjourna le poète au cours de l’été 1843. Les habitants de Pasaia n’ont pas oublié non plus que La Fayette appareilla d’ici le 27 mars 1777, «para luchar por la independencia norteamericana», comme le rappelle une plaque.

il appareille sur la Victoire, et non sur l'Hermione, qui a cependant rendu visite à Pasaia ce printemps



Située 5 kilomètres à l’Est de Donostia (San Sebastián), Pasaia doit son nom à sa position sur le goulet d’une ria. L’agglomération réunit San Juan, sur la rive droite, et San Pedro, de l’autre côté, deux villages traditionnellement antagonistes malgré les navettes incessantes qui les relient, dont Hugo s’étonnait qu’elles soient toujours assurées par des femmes… À l’époque, tous les hommes étaient en mer. Encaissé entre deux montagnes, le fjord est suffisamment profond pour que les cargos puissent l’embouquer et rallier un vaste plan d’eau intérieur aux quais hérissés de grues. C’est un spectacle étonnant que celui de ces mastodontes slalomant au ras des balcons sur ce bras de mer dont la passe d’entrée est quasiment invisible du large.




Ici, pas de plages comme à Hendaye ou à Ondárroa. Nous sommes dans la Lorraine espagnole, une région industrielle qui s’est développée grâce à ses forêts, à la richesse en métaux de son sous-sol, à ses cours d’eau et à son accessibilité par la terre et par la mer. Ces atouts ont favorisé le développement industriel lié aux aciéries, mais également la construction navale. C’est ici que, du XVIe au XVIIIe siècle, les rois d’Espagne construisaient leurs vaisseaux. En témoignent encore les silhouettes contraintes de certains arbres destinés à produire des bois tors selon une technique appelée ipinabarra (littéralement « donner de la branche »).

 « Les arbres étaient taillés tous les dix ans de telle sorte que les branches sélectionnées soient dénuées de nœuds et poussent selon la forme désirée, précise Mikel Leoz, le graphiste de l’association Albaola. Les arsenaux avaient standardisé la construction des navires au point que sur un galion tous les genoux peuvent avoir le même angle et presque toutes les membrures la même courbe. Les archéologues ont montré qu’avec la même forme de membrure, en faisant varier seulement les varangues, on pouvait construire des coques allant de 180 à 300 tonneaux. »

Cette grande époque des arsenaux s’est achevée après la défaite de Trafalgar. Au XIXe siècle, les chantiers basques travaillent pour la pêche et le commerce. Parfois aussi pour la plaisance : le grand Fife en personne s’est rendu à deux reprises à Pasaia pour y superviser la construction d’Hispania, le 15 m JI commandé par Alphonse XIII au chantier Astilleros Karpard.








Pasaia a été le plus grand port baleinier du monde : Protégé de la houle et de l’ensablement grâce à son kanala en chicane, la baie de Pasaia est l’un des meilleurs abris du golfe de Gascogne. De là sa vocation maritime. « Pasaia a été le plus grand port baleinier du monde », assène Xabi Agote, le charismatique fondateur d’Albaola. Un document atteste qu’en 1525, on y accueillait quarante et un navires baleiniers, armés par mille quatre cent soixante-quinze hommes. C’est pour rappeler ce passé que l’association a construit quatre fours à huile au bord d’une crique, à l’entrée de la ria. Malheureusement ils ont été pulvérisés par un éboulement de la falaise. Xabi (prononcer Chabi) nous montre les gravats qu’il en reste. « Tout laisse supposer qu’on a dû échouer ici des baleines pour les dépecer et en fondre la graisse, précise-t-il. Pourquoi les pêcheurs les auraient-ils remorquées au fond du port pour empuantir tout le monde ? »

Toute cette histoire me donne faim. Plus question de manger des baleines, trop gras, mauvais pour le cholestérol. Facile de trouver des restaurants de poissons ici. La seule difficulté : choisir ! 




et puis après... une ballade en trainière ?


c'est comme avec l'aviron : le plus gros boulot est de sortir puis rentrer le matériel



un extrait de Thalassa :

https://www.france.tv/france-3/thalassa/41135-pays-basque-pasaia-le-port-symbole-des-basques.html

j'ai retrouvé dans l'estuaire du Saint-Laurent, à l'est de Tadoussac,

 l'île aux Basques :






















Il y a en ce moment même une dizaine de baleines bleues sur place, du jamais vu :

elles sont protégées !


demain : the right whales

la baleine des Basques !

vendredi 24 août 2018

Albaola (2/4)


On ne peut entrer dans l'âme basque que si l'on s'imprègne de bateaux. Des bateaux particuliers, à rames, typiques des baleinières des anciens chasseurs de baleines, et qui sont utilisés aujourd'hui pour des courses mémorables : pour les uns ce sont des yoles de mer, ici on dit "trainières".



la trainière "Doniene San Juan Gaztelutaxe" au fond


en réalité, l'essentiel se passe en mer

Je suis intrigué dans mon billet précédent par la yole de mer exposée devant l'Océan, face au monastère de San Juan de Gaztelugatxe, et tombe sur cet article publié dans le Chasse-Marée n° 232 (mai 2011) par Xavier Mevel :

"Fondée à Pasaia par un charpentier de San Sebastián formé aux États-Unis, Albaola a entrepris de ressusciter le patrimoine maritime du Pays basque. Depuis lors, l’association n’a cessé de lancer des bateaux et de les faire naviguer – jusque sur le Saint-Laurent – dans les lieux où ils se sont illustrés. Un dynamisme décoiffant qui a séduit les organisateurs de la Semaine du golfe.



Le héros de cette aventure est Xabi Agote : il crée l’association Albaola, avec un objectif raisonnable : construire la réplique d’une traînière de pêche à neuf bancs dont il a reconstitué le plan de formes avec Jean-Louis Boss à partir d’une épure retrouvée dans un chantier d’Orio. Ce type d’embarcation était apparu au milieu du XVIIIe siècle avec l’adoption du filet tournant (txerkoa). Pour encercler rapidement les bancs de sardines levés par les dauphins, il fallait un bateau plus véloce que les lourdes chaloupes. Ainsi est née la traînière, même si cette dénomination ne lui sera donnée qu’au cours du siècle suivant, quand les pêcheurs utiliseront la bolinche, autre type de filet tournant appelé trena. La traînière de pêche traditionnelle disparaîtra avec l’introduction de la vapeur, ne survivant que sous la forme plus affûtée des embarcations de courses d’aviron.

Faute de trouver des partenaires au Pays basque, c’est aux États-Unis que Xabi va concrétiser son projet. Profitant d’une escale dans le Maine, il fait part de ses difficultés à son ami Lance Lee. Et ce dernier lui propose de construire la traînière dans le cadre de l’Apprenticeshop. Le financement est assuré par les cousins basques du Nouveau Monde, sollicités par le biais de leurs nombreuses amicales. Lancée le 10 mai 1998, Ameriketatik (« Venue des Amériques ») rallie Bilbao par cargo.


La croisière inaugurale de la traînière américaine le long de la côte basque prend vite des allures de caravane promotionnelle. Ameriketatik est armée par une douzaine de rameurs, mais l’équipage est renouvelé à chaque escale : trois cents personnes originaires des vingt-neuf ports visités peuvent ainsi embarquer. Gros succès ! Les anciens s’émeuvent de revoir un bateau qu’ils avaient oublié. La presse souligne la générosité des cousins d’Amérique, rappelant que les donateurs de cette traînière sont les descendants des pêcheurs basques qui s’aventuraient jusqu’au Labrador à la poursuite des baleines ou des bancs de morues.



« De tous les ports où nous avons fait escale, raconte Xabi, c’est Pasaia qui nous a réservé le meilleur accueil. C’est pourquoi nous nous y sommes installés». (1) Fernando Nebreda, le directeur d’Oarsoaldea – agence de développement économique de la communauté urbaine d’Errenteria, Lezo, Oiartzun et Pasaia –, y a largement contribué. « Dans cette région industrielle, explique-t-il, les touristes ne s’arrêtent jamais. On s’est donc demandé comment les retenir. Et on s’est vite rendu compte que ce qu’il fallait mettre en avant ici, c’était notre culture, et singulièrement notre patrimoine maritime. » De son côté, Albaola cherchait un lieu où jeter l’ancre. «Fernando a été le seul à nous faire une proposition concrète, précise Xabi, il nous a invités à nous implanter à Pasaia et nous a offert l’appui de son agence.»

"L’association s’établit dans un ancien chantier naval de San Juan. C’est un vieil atelier exigu, un peu sombre, mais bien placé au cœur du village et tout au bord de l’eau. Pour lancer les bateaux, on attend le flot, on ouvre la grande porte du pignon et hop ! on les bascule directement dans la mer. C’est là qu’Albaola crée Ontziola, centre de recherche et construction d’embarcations traditionnelles. Xabi peut enfin exercer son métier chez lui. Et le travail ne manque pas, entre les recherches d’archives, les enquêtes de terrain, les restaurations et les constructions de répliques, c’est toute la typologie des embarcations basques qu’il faut reconstituer. Le financement est assuré par Oarsoaldea, qui y investira 2 millions d’euros en douze ans. En outre, l’office du tourisme, qui relève des compétences de l’agence, canalise un flot de visiteurs vers l’atelier. En dix ans, quelque cent vingt mille personnes, dont la moitié de Français, y sont passées.


"La première embarcation construite au chantier, en 2000, est Zabarré, une yole de service de 9,30 mètres du XIXe siècle. Viennent ensuite deux battelak haundi de 6,87 mètres, baptisées Basanoaga, nom du lieu où étaient implantés des arsenaux d’Errenteria, et Gastibelza, titre d’un poème de Victor Hugo. En 2004, c’est une pirogue monoxyle de 5,50 mètres creusée à la hache et à l’herminette dans un chêne de 3 tonnes, comme son modèle conservé au Musée ethnographique de Bayonne. La même année est lancée une kalerua, embarcation de pêche à neuf rameurs. Longue de 7,37 mètres, elle est appelée Arditurri, un toponyme d’Oiartzun où étaient exploitées des mines de fer et d’argent".

pour entendre Brassens chanter Gastibelza de Victor Hugo


Vous savez, mes histoires me viennent d'une manière bien simple : je tire un fil comme celui d'Ariane, et je le tire avec constance jusqu'à ce que le fil m'amène au bout du bout : si l'on s'obstine, on part de la comédie musicale de Mamma Mia dans une île grecque, et on atterrit (ou mieux on amerrit) sur la côte basque à Pasaia.... en passant par le Labrador...!

Je vous emmène demain à Pasaia (1)

Lafayette,
Victor Hugo
sans oublier Napoléon

un lieu unique !

reconstruction du San Juan


PS : Quand on s'intéresse aux Basques, et à la pêche à la baleine, il faut chercher loin... au Canada, au Labrador, à Red Bay par exemple : on continue rive gauche du Saint-Laurent, tout au bout de l'estuaire, en face de Terre Neuve et de St-Pierre et Miquelon :


de Québec on se rend à Tadoussac, à l'embouchure du fleuve de Saguenay. Puis on remonte rive gauche

Voilà l'ancêtre des baleinières, la chalupa, au même endroit où a été retrouvé le San Juan baleinier coulé en 1565

en prenant un pot au Whaler's restaurant !


jeudi 23 août 2018

Gaztelugatxe (1/4)

C'est du basque ! Gaztelu : le château ; aitz le rocher, le Rocher du château ! L'idée de ce billet est de vous prouver que dans l'Atlantique, l'océan est aussi bleu que la Méditerranée, que la côte Nord de l'Espagne est aussi belle qu'à Naples, qu'il existe aussi  des péninsules, avec un accès compliqué, et que les monastères ont toujours été édifiés sur des lieux hors du commun. 

Notre monastère, Gaztelu, c'est San Juan de Gaztelugaxte. Il est donc édifié sur une péninsule. Pas très loin de Bilbao et de San Sébastian. Vous allez me demander s'il a servi de décor à un film ? La réponse est oui ! 

HBO (Home box Office) a filmé à cet endroit des scènes pour la saison 7 de sa série Game of Thrones, afin d'y restituer le décor de Peyredragon, en utilisant l''escalier d'accès qui ressemble un peu à une petite muraille de Chine.























Maintenant, on reprend tout par le début, et je vous présente les lieux : Gaztelugatxe est une petite île sur la côte de Biscaye appartenant à la ville de Bermeo, dans la Communauté autonome basque d'Espagne. Elle est reliée au continent par un pont. Au sommet de l'île se trouve l'ermitage de San Juan de Gaztelugatxe (en basque: Gaztelugatxeko Doniene), dédié à saint Jean-Baptiste qui date du Xè siècle. Avec une autre petite île voisine, Aketze, ils forment un biotope protégé, qui s'étend de la ville de Bakio jusqu'au cap Matxitxako, dans le golfe de Gascogne.




le même flysch qu'à Guettary (1)












le vitrail-gouvernail



parfait pour célébrer un mariage !

il faut venir en bateau :


et manger du poisson :



à demain pour le second épisode !



PS (1) le flysch de la côte basque :