On ne peut entrer dans l'âme basque que si l'on s'imprègne de bateaux. Des bateaux particuliers, à rames, typiques des baleinières des anciens chasseurs de baleines, et qui sont utilisés aujourd'hui pour des courses mémorables : pour les uns ce sont des yoles de mer, ici on dit "trainières".
la trainière "Doniene San Juan Gaztelutaxe" au fond |
en réalité, l'essentiel se passe en mer |
Je suis intrigué dans mon billet précédent par la yole de mer exposée devant l'Océan, face au monastère de San Juan de Gaztelugatxe, et tombe sur cet article publié dans le Chasse-Marée n° 232 (mai 2011) par Xavier Mevel :
"Fondée à
Pasaia par un charpentier de San Sebastián formé aux États-Unis, Albaola a
entrepris de ressusciter le patrimoine maritime du Pays basque. Depuis lors,
l’association n’a cessé de lancer des bateaux et de les faire naviguer – jusque
sur le Saint-Laurent – dans les lieux où ils se sont illustrés. Un dynamisme
décoiffant qui a séduit les organisateurs de la Semaine du golfe.
Le héros de cette aventure est Xabi Agote : il crée l’association Albaola, avec un objectif raisonnable :
construire la réplique d’une traînière de pêche à neuf bancs dont il a
reconstitué le plan de formes avec Jean-Louis Boss à partir d’une épure
retrouvée dans un chantier d’Orio. Ce type d’embarcation était apparu au milieu
du XVIIIe siècle avec l’adoption du filet tournant (txerkoa). Pour encercler
rapidement les bancs de sardines levés par les dauphins, il fallait un bateau
plus véloce que les lourdes chaloupes. Ainsi est née la traînière, même si
cette dénomination ne lui sera donnée qu’au cours du siècle suivant, quand les
pêcheurs utiliseront la bolinche, autre type de filet tournant appelé trena. La
traînière de pêche traditionnelle disparaîtra avec l’introduction de la vapeur,
ne survivant que sous la forme plus affûtée des embarcations de courses
d’aviron.
Faute de trouver des partenaires au Pays basque, c’est aux
États-Unis que Xabi va concrétiser son projet. Profitant d’une escale dans le
Maine, il fait part de ses difficultés à son ami Lance Lee. Et ce dernier lui
propose de construire la traînière dans le cadre de l’Apprenticeshop. Le
financement est assuré par les cousins basques du Nouveau Monde, sollicités par
le biais de leurs nombreuses amicales. Lancée le 10 mai 1998, Ameriketatik
(« Venue des Amériques ») rallie Bilbao par cargo.
La croisière inaugurale de la traînière américaine le long
de la côte basque prend vite des allures de caravane
promotionnelle. Ameriketatik est armée par une douzaine de rameurs, mais
l’équipage est renouvelé à chaque escale : trois cents personnes originaires
des vingt-neuf ports visités peuvent ainsi embarquer. Gros succès ! Les anciens
s’émeuvent de revoir un bateau qu’ils avaient oublié. La presse souligne la
générosité des cousins d’Amérique, rappelant que les donateurs de cette
traînière sont les descendants des pêcheurs basques qui s’aventuraient jusqu’au
Labrador à la poursuite des baleines ou des bancs de morues.
« De tous les ports où nous avons fait escale, raconte Xabi,
c’est Pasaia qui nous a réservé le meilleur accueil. C’est pourquoi nous nous y
sommes installés». (1) Fernando Nebreda, le directeur d’Oarsoaldea – agence de
développement économique de la communauté urbaine d’Errenteria, Lezo, Oiartzun
et Pasaia –, y a largement contribué. « Dans cette région industrielle,
explique-t-il, les touristes ne s’arrêtent jamais. On s’est donc demandé
comment les retenir. Et on s’est vite rendu compte que ce qu’il fallait mettre
en avant ici, c’était notre culture, et singulièrement notre patrimoine
maritime. » De son côté, Albaola cherchait un lieu où jeter l’ancre. «Fernando
a été le seul à nous faire une proposition concrète, précise Xabi, il nous a
invités à nous implanter à Pasaia et nous a offert l’appui de son agence.»
"L’association s’établit dans un ancien chantier naval de San
Juan. C’est un vieil atelier exigu, un peu sombre, mais bien placé au cœur du
village et tout au bord de l’eau. Pour lancer les bateaux, on attend le flot,
on ouvre la grande porte du pignon et hop ! on les bascule directement dans la
mer. C’est là qu’Albaola crée Ontziola, centre de recherche et construction
d’embarcations traditionnelles. Xabi peut enfin exercer son métier chez lui. Et
le travail ne manque pas, entre les recherches d’archives, les enquêtes de
terrain, les restaurations et les constructions de répliques, c’est toute la
typologie des embarcations basques qu’il faut reconstituer. Le financement est
assuré par Oarsoaldea, qui y investira 2 millions d’euros en douze ans. En
outre, l’office du tourisme, qui relève des compétences de l’agence, canalise
un flot de visiteurs vers l’atelier. En dix ans, quelque cent vingt mille
personnes, dont la moitié de Français, y sont passées.
"La première embarcation construite au chantier, en 2000, est
Zabarré, une yole de service de 9,30 mètres du XIXe siècle. Viennent ensuite
deux battelak haundi de 6,87 mètres, baptisées Basanoaga, nom du lieu où
étaient implantés des arsenaux d’Errenteria, et Gastibelza, titre d’un poème de
Victor Hugo. En 2004, c’est une pirogue monoxyle de 5,50 mètres creusée à la hache
et à l’herminette dans un chêne de 3 tonnes, comme son modèle conservé au Musée
ethnographique de Bayonne. La même année est lancée une kalerua, embarcation de
pêche à neuf rameurs. Longue de 7,37 mètres, elle est appelée Arditurri, un
toponyme d’Oiartzun où étaient exploitées des mines de fer et d’argent".
pour entendre Brassens chanter Gastibelza de Victor Hugo
Vous savez, mes histoires me viennent d'une manière bien
simple : je tire un fil comme celui d'Ariane, et je le tire avec constance jusqu'à ce que
le fil m'amène au bout du bout : si l'on s'obstine, on part de la comédie
musicale de Mamma Mia dans une île grecque, et on atterrit (ou mieux on amerrit) sur la côte basque à
Pasaia.... en passant par le Labrador...!
Je vous emmène demain à Pasaia (1)
Lafayette,
Victor Hugo
sans oublier Napoléon
un lieu unique !
reconstruction du San Juan |
PS : Quand on s'intéresse aux Basques, et à la pêche à la baleine, il faut chercher loin... au Canada, au Labrador, à Red Bay par exemple : on continue rive gauche du Saint-Laurent, tout au bout de l'estuaire, en face de Terre Neuve et de St-Pierre et Miquelon :
de Québec on se rend à Tadoussac, à l'embouchure du fleuve de Saguenay. Puis on remonte rive gauche |
Voilà l'ancêtre des baleinières, la chalupa, au même endroit où a été retrouvé le San Juan baleinier coulé en 1565
en prenant un pot au Whaler's restaurant ! |