On sent que Rétromobile se prépare, les grandes maisons d'enchères ont préparé leurs catalogues, et chez Osenat, il y a cet engin : une 2CV TYPE A «FEDERSPIEL»
N° de châssis : 0001268
Sortie d’usine le 12 septembre 1950
39.591km au compteur - Servo-suspension FL-lot 233
C'est la servo-suspension qui est remarquable, comme l'est le nom Federspiel, Spiel c'est le jouet, et Feder le ressort ou la suspension. Il me parait extraordinaire que l'inventeur porte vraiment ce nom qui ressemble davantage à un pseudonyme, du moins si l'on décortique l'Allemand ? En Allemagne, ce terme désigne un vin, et il existe des familles Federspiel, du-moins-c'est-wiki-qui-le-dit.
Dans un article paru en Mai 1955,
le magazine Science et Vie titrait « Un
ingénieur français découvre la suspension automobile idéale». "Nous
présentons à la vente (c'est donc Osenat qui écrit dans son catalogue) la 2CV ayant permis à l’ingénieur Jean Federspiel de
mettre au point sa géniale invention. Jean Federspiel n’est pas un ingénieur
automobile de formation mais un ingénieur électronicien, spécialiste de la
radiodiffusion et de la télévision. C’est lui qui eut la responsabilité de
reconstruire l’émetteur TV de la Tour Eiffel en 1945. Il utilisera ses
connaissances pointues en électronique et en propagation des ondes pour
développer la première suspension active.
vue de l'extérieur, c'est une 2CV ordinaire, à remettre en route |
L’invention du génial inventeur
permet d’obtenir une garde au sol constante, une absence totale de cabrage et
de roulis tout en optimisant le confort de suspension. Le servosuspension FL (c'est quoi ce L ?) fonctionne
comme un filtre qui absorbe la propagation des ondes nuisibles au confort. Pour
développer en conditions réelles son invention, en novembre 1951 Jean
Federspiel fait l’acquisition d’une 2CV A sortie d’usine le 12 septembre 1950.
La petite Citroën s’avère être la voiture idéale puisque par son
architecture et sa suspension à quatre roues indépendantes elle se prête plus
facilement à l’installation des tuyauteries, des renvois de connexions des
cylindres, récepteurs et autres systèmes pendulaires nécessaires au
fonctionnement du servo-suspension. Les clichés d’époque témoignent de
l’extrême efficacité du dispositif. Dans les virages la 2 CV ne subit
aucunement l’effet de la force centrifuge. Au contraire le véhicule adopte un
spectaculaire effet pendulaire et se penche… à l’intérieur de la courbe.
à l'intérieur, de mystérieux cylindres constituent la federspiel : bonjour pour remettre ce prototype en marche ! |
Convaincu d’avoir inventé la suspension idéale, Jean Federspiel puise dans ses
économies personnelles pour mettre au point son invention et dépose à grands frais
des brevets jusqu’en Amérique. Il présente son invention lors du cinquième
congrès de l’Automobile de Munich en septembre 1954 et sollicite les plus
grands constructeurs afin d’industrialiser son invention. Renault,
Panhard & Levassor seront contactés en vain. C’est finalement Citroën qui
accepte de recevoir Jean Federspiel afin d’étudier la faisabilité industrielle
de sa suspension active. Mais il est déjà trop tard : le constructeur du quai
de Javel commercialise sa suspension hydropneumatique depuis 1954 sur la 15 Six
H et s’apprête à sortir la DS 19. Les responsables de chez Citroën ne donnent
pas suite. Par une lettre adressée à Federspiel ils reconnaissent « que le
système est une excellente réponse au problème de la suspension des véhicules
terrestres. Mais la mise au point industrielle reste à faire. Notre suspension
actuelle a nécessité 18 ans de mise au point industrielle. Nous pensons que la
mise au point de votre système demandera autant de temps. Elle serait
exploitable au moment où les brevets seraient prêts de tomber dans le domaine
public, ce qui en réduit fortement l’intérêt…»
Jean Federspiel continuera à
développer son invention jusque dans les années 1990 mais accaparé par ses
importantes responsabilités professionnelles il délaissera peu à peu sa 2CV.
Selon les témoignages familiaux, la voiture est vendue à la fin des années 1960
et rejoint une collection automobile prestigieuse. Dans les années 1980 le
propriétaire actuel découvre la voiture par l’intermédiaire d’une annonce dans
La Vie de l’Auto. Il achète aussitôt la 2CV à un prix conséquent pensant
acquérir un prototype usine. En découvrant sur le tableau de bord la plaque
gravée « Jean Federspiel » il entame des recherches pour trouver l’origine de
son intriguant véhicule.
La 2CV est depuis lors restée à l’abri dans la grange
de la propriété familiale située dans le centre de la France. Elle dispose
encore de ses équipements « servo-suspension FL»: mécanisme pendulaire,
poulies, pompe hydraulique, réservoir de liquide hydraulique,chaînes, ressort.
Le compteur affiche 39.591 km qui pourraient être d’origine puisqu’il s’agit
d’un prototype de développement. Cette voiture ayant été essayée par les
membres du bureau d’étude Citroën, il est fort probable qu’André Lefebvre, Jean
Cadiou ou Paul Magès en aient pris le volant. Voici une sortie de grange
rarissime, témoignage de l’histoire de l’automobile et symbole de l’excellence
de l’ingénierie française du XX siècle.
Il parait qu'il faut sortir 20.000€...
avant de la remettre état concours.
C'est là que je suis bien heureux
qu'il existe des amateurs fortunés !
PS : normalement, je la verrai à Rétromobile
si j'apprends d'autres détails, je vous raconte tout !
Je viens de feuilleter les autres catalogues de Bonhams et Artcurial, ce dernier ayant le choix le plus prestigieux. Comme toujours on peut enchérir pour des voitures exceptionnelles. Par contre, en dehors d'une Bugatti 35 Art-Collection-Auto, et de quelques voitures d'enfant au prix de vraies voitures, il n'y a quasi plus de maquettes métal.
sur la Vie de l'auto de cette semaine, une 2CV de châtelaine a été suréquipée d'accessoires de prestige comme ce volant Quillery, ici sur une traction |