mercredi 8 août 2012

Er Occitan

Er Occitan

C’était il y a quarante-six ans jour pour jour, puisque c’était aussi un mercredi. Quoi inventer comme sortie originale, digne d’un tel événement ? Comme l’exotisme il n’y a que cela, l’Espagne était tout indiquée. Le Val d’Aran. La montagne (bénie) où l'EdF aragonais élève des esturgeons en eau chaude ! Vous vous souvenez ? http://babone5go.blogspot.fr/2012/03/caviar-daran.html, le plaisir des œufs, les délices de la chair, le tartare d’esturgeon  ?



Je ne sais comment, la rumeur nous était arrivée à l’oreille : dans un coin ignoré, il s’appelle Bossost, (il y a un accent grave sur le o que je ne sais pas reproduire sur mon clavier) il y avait un restaurant, du niveau : une étoile au Michelin. Une petite salle, pas plus de 40 couverts, qui donne sur la Garonne. Extraordinaire, les horaires sont presque français, et on peut déjeuner à midi et demie. L’astuce est qu’ainsi le patron peut enfiler deux services, servir les français d’abord ; puis les autochtones. Tout le monde ici ignore la crise, ou plutôt en est tellement conscient que le réflexe est de (très) bien déjeuner, tant qu’on le peut encore…

Alors j’ai réservé, car il y a intérêt (eu égard à la rumeur) à réserver si l’on veut passer à la première tournée. Comme aujourd’hui il fait 31° dehors et que la voiture est sous un platane dépouillé de feuilles, donc en plein soleil, (bien content d’avoir trouvé une rare place de parking), il vaut mieux rentrer de bonne heure si l’on veut profiter des 26° de la piscine. Pas de problème tout le monde parle français.





 C’est merveilleux, la table est ornée d’une rose blanche qui sent délicieusement bon. Arrive une première « mise en bouche ». C’est super les mises en bouches car pour le prix du menu, on a une entrée ; un plat ; et un dessert. La mise en bouche paraît comme un supplément apéritif compensant l’absence de tapas, mais on ne peut tout vouloir manger n’est-ce-pas ? Oh c’est simple : dans un petit plat, un fond d’huile d’olive Arbequina de Lérida, très fruitée. On peut en acheter en face, mais je pense à l’huile du moulin de Fontvielle dont on a un litre à la maison, on va se faire des « mises en bouches ». Dedans, je glisse quelques cristaux de sel, très différent du nôtre, on dirait de petites pierres, pas du sel de mer ? Il suffit de tremper un bout de pain tiède et croquant dans l’huile, et on se fait en quelque sorte un fond d’estomac préparatoire. Astucieux !

« Voulez vous du vin » ? « Oui du blanc car nous mangerons du poisson », et on nous amène deux verres d’Absum varietales, de Somontano, près d’Huesca. Bluffés, il est très bon, genre Pouilly Fuissé vous voyez ? Nous n’en sommes qu’à la première « mise en bouche » quand arrive la seconde : de petits verres à liqueur remplis de gazpacho, avec un cube de tartare de saumon à côté. Autre excellente idée ! Et on a encore faim : on n’a pas encore commencé !

L’entrée (nous y voilà), c’est le tartare d’ esturgeon, partagé en quelques rails, séparés par une dentelle de pain grillé. La décoration : du vert de kiwi, et des traits de framboise. Dessus, de petits œufs (d’esturgeon) jaunis par l’huile d’olive. De petits morceaux de plantes forcément médicinales ? Le caviar est en supplément, 11 Euros les 5 grammes : on décide que 5 grammes c’est vraiment trop peu, et qu’on s’en passera (cette fois-ci). C’est vraiment délicieux, et j’ai accompli le rêve : manger de l’esturgeon !

Le plat c’est un turbot (de Garonne peut-être ?) avec de petits oignons ; des poireaux ; quelques girolles, c’est vraiment différent de notre turbot au four et aux petits oignons, les petits oignons en fonds de plat c’est toujours bon, d’où l’expression sans doute.


Et le dessert : des fruits découpés en dés ou lamelles, avec un sorbet. Au moment de l’addition, pour aider sans doute à tapoter les chiffres du code confidentiel sur la machine, nous est servi une « fin de bouche », une amande caramélisée, avec un dé de mille-feuilles au chocolat.


Le must ! Nous laissons notre place aux Espagnols qui ont fini leur marché. Nous ne sommes que mercredi, en semaine, pas Dimanche ! Nous rejoignons la voiture brûlante, la bouche pleine de saveurs délicieuses.

Plein d’idées de mise en bouche !

Er Occitan la vaut bien, son étoile !