C'est Tolstoî lui-même qui m'a averti de l'existence de cette chapelle que j'aurais du fréquenter il y a longtemps et qu'il me fait enfin découvrir, son prénom est Grégoire, est-ce un descendant du grand Léon ? C'est en tous cas un grand Breton !
La Chapelle Saint-Yves à Saint-Brieuc est un ensemble religieux cohérent dans lequel s’harmonisent l’architecture, la décoration et même le mobilier, inspirés par le mouvement artistique breton Seiz Breur. Un lieu original, teinté de couleur rose, à découvrir pour tous les amoureux de l’Art Déco.
Parler de chapelle pour ce lieu de culte catholique est assez étonnant au vu des proportions de cet imposant bâtiment. On imagine visiter une petite chapelle et on se retrouve dans une véritable église, impressionnante par sa taille. Elle est dédiée à Saint-Yves de Tréguier, un prêtre et un juriste breton du XIIIe siècle, devenu le Saint patron de la Bretagne et de toutes les professions de justice et de droit. Par ailleurs, vous le savez probablement, la Sainte patronne de la Bretagne est Sainte Anne, la mère de la Vierge Marie.
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voici Saint Yves |
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et l'entrée de la chapelle |
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la maison Saint-Yves |
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la médiathèque |
Le pavé mosaïque blanc et noir aux couleurs de la Bretagne alterne avec les triskels, motif traditionnel breton, en mosaïques du célèbre Rennais Isidore Odoric (1893-1945) © photo Grégoire Tolstoï
La Chapelle Saint-Yves se trouve au cœur de l’ancien Grand Séminaire, un haut lieu du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier. C’est un très bel ensemble de bâtiments construits en 1927 par l’architecte Georges-Robert Lefort avec cette belle pierre grise bretonne mélangée à des parties très audacieuses en ciment, telles les ogives qui cernent le cloître. L’utilisation visible du ciment, qui ne se cache pas pudiquement derrière la pierre mais qui se montre dans sa simplicité brute, permet une harmonisation intéressante avec la pierre qui étonne dans ce lieu d’apparence traditionnelle. Les centaines de séminaristes qui sont passés dans ces murs ont dû être impressionnés en arrivant dans la chapelle.
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ce ne sont pas des pignes de pin, mais... des artichauts ! |
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les noms des 12 apôtres |
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Odorico partout |
Ce qui étonne d’abord c’est la couleur rose qui nimbe de douceur ce lieu qui aurait pu être froid, teinte inhabituelle dans une église catholique. Et très vite on se rend compte que le chemin de croix n’est pas illustré de tableaux de la passion du Christ, comme dans la grande majorité des églises, mais est constitué de motifs symboliques. Seules les phrases écrites scandent les différents moments de la Passion, mais pas d’imagerie. Partout le travail du bois nous offre une couleur miel qui s’harmonise elle aussi avec l’ensemble. Les travées des bancs se font face, joliment sculptées de pommes d'artichauts à ne surtout pas confondre avec des pommes de pins stylisées comme le fait notre Grégoire Tolstoï ! .
forcément sont là Anne la maman de la Vierge, et Notre Dame de Bon secours
Les hautes fenêtres sont décorées de vitraux discrets. Partout les mosaïques murales ou au sol d’Isidore Odorico, l'auteur de la piscine Saint-Georges de Rennes, rappellent par leurs motifs que nous sommes en Bretagne. Même les grilles en fer forgé sont un magnifique travail d’époque conçu pour former un ensemble unique avec le reste. Ce genre d’œuvre d’art total est très rare et mérite d’être protégé. Dans la crypte on retrouvera des fresques peintes par Xavier de Langlais. Le très beau mobilier, réalisé spécialement pour cette chapelle, s’inspire du mouvement Seiz Breur.
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voici quelques exemplaires du chemin de croix |
il existe une crypte dessous
ouf, St Yves y est !
Les Seiz Breur forment un mouvement artistique créé par un groupe d'artistes bretons entre les deux guerres mondiales. Il s'agit d'une union par cooptation lancée en 1923 (l'histoire a retenu que le 3 septembre 1923 Jeanne Malivel retrouve René-Yves Creston et son épouse Suzanne Creston au pardon du Folgoët et que c'est lors de cette rencontre que serait née l'idée de créer une confrérie d'artistes et d'artisans se donnant pour mission de renouveler l'art populaire breton) qui regroupa jusqu'à cinquante artistes sous le nom breton de Ar Seiz Breur (« Les sept frères », du nom traduit en breton d'un conte gallo collecté et illustré par Jeanne Malivel), puis, à partir de 1927, de Unvaniezh ar Seiz Breur (« Union des sept frères »), avant d'être dissous en 1947. Ce mouvement, précurseur de l’art celto-breton moderne, a exercé une influence qui se fait sentir, encore aujourd’hui, dans la création et la culture bretonnes.
Dès 1925 les membres de ce mouvement participent à l’Exposition internationale des Arts décoratifs de Paris, ils sont donc une brillante représentation de l’Art Déco en Bretagne.
Parfaitement entretenu et bien fréquenté par un public nombreux, cet ancien Grand Séminaire s’est ouvert à la visite en 2017, et a été élu 8ème monument préféré des Français en 2022. C’est un lieu inattendu à voir lors de votre passage à Saint-Brieuc. Il y a aussi un parking spacieux dans le parc, et l’entrée est gratuite.
Chapelle de la Maison Saint-Yves, 81 Rue Mathurin Meheut, 22 000 Saint-Brieuc
https://www.facebook.com/reel/1179767690295570