regards éblouis
Dans l’administration, une
réunion doit être tellement bien préparée à l’avance que le Secrétaire de
Séance, celui qui rédige le compte-rendu, doit l’avoir rédigé à temps perdu, le
plus tôt possible avant la réunion : il fait parler les protagonistes,
tellement il connait leur point de vue. Et il conclut…ce qu’il veut ! Il suffit simplement de faire signer le
compte-rendu (après). Chez les journalistes, il parait qu’il y en a qui parlent
(et critiquent) des livres qu’ils n’ont pas lus ! Des pièces de théâtre
qu’ils n’ont pas vues !
Eh bien, figurez vous que la
dernière fois, je me suis laissé aller à ce genre de mystification : je
n’étais pas allé à Montauban, et j’avais décortiqué les notices pour faire
comme si…Je parie que les plus avisés d’entre vous s’en étaient aperçus,
tellement mes propos étaient convenus, ternes, et dénués des détails vrais que
l’on ne peut connaitre que si on témoigne sur le vif des émotions ressenties. http://babone5go2.blogspot.fr/2014/04/retour-du-musee-ingres.html
Par exemple, l’expression « regards éblouis », je ne
pouvais pas la deviner sans aller sur place, puisque les titres officiels
portaient sur les néo-grecs ; la lyre
d’ivoire (de Sapho) ; Picou et
les néo-grecs (alors qu’en plus des tableaux de Picou, il y a aussi des
huiles magnifiques de mon Maître Gérome !). http://babone5go2.blogspot.fr/2013/09/jl-gerome_7775.html
En plus nous avons tenté une
aventure quasi inouïe : en cette période de vacances scolaires,
transporter trois heures durant (aller-retour) deux ados lycéennes, pour leur
faire admirer les œuvres. Elles ont a-do-ré ! Il faut dire que ce sont des
jeunes filles hors du commun, et qu’elles ont été initiées, que dis-je imprégnées d’Art ! Nous avons
terminé l’heure et demie de visite par un Mac-Do superbe, sauces barbecue et
potatoes inclus, l’esprit ; (l’âme) ; et le corps repus, les regards éblouis, nous avons passé une
superbe journée !
Que je vous raconte :
arrivée après le pont sur le Tarn, les briques de Montauban sont toujours aussi
belles. Une place pile devant le Musée. Certes il faut glisser des pièces dans
le compteur de stationnement, mais pas tant que cela. Le Musée est quasi vide
(période de vacances), et les 5 étages nous attendent (vous voyez que là je
n’invente plus, mais je décris une visite vécue). Preuve ? les lycéennes
ne paient pas (pour bénéficier de la Kulture gratuite). Les séniors que nous
sommes paient demi-tarif (pour compenser leurs faibles retraites). Et pour le
prix, un superbe dépliant en quasi carton, avec plein de détails :
exemple ? je vous ai parlé de la rue de Fleurus à Paris. Je ne vous ai pas
donné le numéro précis : le 27. Ni dit que c’était près du Luxembourg.
J’ignorais également que Ingres avait une passion pour les antiques, et avait
réuni une collection personnelle, avec de bien jolies sculptures, exposées dans
un étage ad hoc du Musée. D’où le souci du détail archéologique de tous ces
peintres, dont Gérome ; Eugène Piot ; Jean-Louis Hamon ; et
Henri-Pierre Picou.
J’avais emmené mon Lumix Z35, et
j’ai immédiatement fusillé tout ce que je pouvais : les Musées
d’aujourd’hui cultivent la pénombre, je suppose pour protéger les œuvres de la
lumière, et je suppose aussi pour embêter les photographes, les flash étant
interdits. Mon Lumix arrive dans la pénombre à prendre une rafale de vues, si
l’on reste immobile pour éviter le flou. Et se tire pas mal de l’exercice,
comme vous allez voir. Par contre on ne peut attendre d’un amateur la qualité
d’un pro qui va passer des heures sur une simple toile, avec des éclairages
indirects sophistiqués. Je fais au mieux !
Une dernière preuve de mon
indignité passée : le violon ! Figurez-vous qu’il n’y avait pas « le
violon » aujourd’hui : les gardiens n’ont pu me renseigner sur
l’endroit où il est exposé ! Comme l’exposition a mobilisé des peintures
du Musée d’Orsay ; de Poitiers ; de Nantes ; et de Carcassonne,
on a du prêter le violon à l’un d’eux ! Facile à déplacer, on le met dans
une serviette (de plage) ; sur la banquette arrière d’une voiture, et
vite-fait transporté à Nantes par exemple ? Par contre, j’ai découvert le « piano d’Ingres » : un
magnifique quart de queue Ruhlmann (pour le dessin) , en ébène de Macassar,
fabriqué par Erard en 1925, avec des pièces en ivoire. Ca, impossible de
l’inventer !
Encore une découverte :
Etex. Antoine de son prénom. 1808-1888. Elève de Pradier en sculpture (il y a
ici une réduction en bronze de la Sapho du musée d’Orsay). Et élève d’Ingres en
peinture. Il sait tout faire cet Etex ! Figurez-vous qu’Héro, prêtresse
d’Aphrodite, est amoureuse de Léandre. Pas de chance, ils habitent de chaque
côté du détroit des Dardanelles. Aussi Léandre (c’est le mec qui s’y
colle) traverse le détroit à la nage
tous les soirs pour rejoindre sa belle. Il se guide à la lueur d’une bougie
qu’Héro allume sur sa tour, un peu comme la lueur d’un phare. Il arrive ce qui
doit arriver : un soir la lampe s’éteint, Héro (qui devait rêvasser) ne
s’en aperçoit pas ; et Léandre se noie.
Héro se suicide illico en se
jetant du haut de la tour. Etex la représente grandeur naturelle, appuyée sur
la colonne sur laquelle elle a posé sa tunique, sans doute pour la faire
sécher, après un petit bain dans l’eau tiède du soir à la rencontre de son
amoureux…Pureté des lignes, voilà l’idéal de la statuaire grecque. La merveille
nous vient de Nantes, on comprend pourquoi c’était la moindre des choses de
leur prêter le violon ! Pour ma part, j’estime qu’ils feraient bien de le
conserver quelque temps… ! Je préfère Héro !
On apprend au cours de la visite
que Jérôme Napoléon cousin de Napoléon III voulut se faire construire une
demeure inspirée des palais de Pompéi par l’architecte Alfred-Nicolas Normand,
féru d’antiquité. Cette maison fut détruite en 1891, dommage, car elle
reprenait la polychromie de l’architecture antique. Reste une maquette du
temple de Melpomène, dessiné par Hittorff.
On apprend que Picou est Nantais,
d’où sa présence au musée de Nantes. Je découvre notre intérêt commun pour la Nature, représentée par une fresque
monumentale.
Je découvre aussi Adolphe Goupil
et ses estampes, dont « l’amour plus
léger que le papillon », le papillon en question étant un vrai Vulcain
superbement représenté en gravure noire. Dans un autre genre, Hamon a réalisé
un vase fabuleux : « la
domination ». Il travaille pour la manufacture de Sèvres, et conçoit
un décor, où une femme nue domestique un papillon. Et quel papillon ! un :
grand paon de nuit, dont les antennes
ressemblent à celles d’un sphinx, et qui déploie une trompe impressionnante,
mais pas très réaliste. Elle le tient avec une chainette, et le cravache avec
une aiguille à tricoter.
J’arrête pour le moment,
j’ai pris 220 photos
j’en aurai d’autres à vous montrer
l’expo cesse le 18 mai !