lundi 26 mai 2014

Clarté

C’est une lampe de Max le Verrier

J’ai retrouvé l’arrière petit-fils !

on va pouvoir relooker Clarté !


L’Art Déco tire son nom de la première Exposition internationale des Arts Décoratifs et industriels modernes qui s’est tenue au coeur de Paris en 1925, a réuni 21 pays, et accueilli plus de cinquante millions de visiteurs. Au cours de cette exposition, Max LE VERRIER reçut une médaille d’or.

Ce style fut largement considéré comme un éclectique mélange d’élégance et de modernisme, imprégné d’influences diverses (de l’Egypte ancienne, la Grèce antique ou encore de l’art tribal), et revu par l’aérodynamisme des nouvelles technologies.

A cette époque, on assiste à la libéralisation de la femme. Les cheveux courts et les robes aux genoux (qui permettent de danser des charlestons endiablés) caractérisent la figure emblématique de la « garçonne ». Les plus belles représentations sont Suzanne LENGLEN (Championne de tennis, symbole du graphisme en mouvement), Tamara de LEMPICKA (peinture) ou encore Joséphine BAKER (danseuse noire au succès très populaire)…

La célèbre CLARTE de Max LE VERRIER, qu’il créa en 1928, est également une parfaite illustration de la « garçonne ».
 
voici Clarté en bronze argenté, appartenant à C. Le globe en opaline n'est pas d'origine !
Cette nouvelle silhouette féminine, mince et élancée, vêtue légèrement, souvent en mouvement, fut une source d’inspiration importante pour Max LE VERRIER lorsqu’il réalisa sa série de petites danseuses, de gymnastes et de lampes Art déco.

Il abordera ce thème et celui des animaux avec une grande fluidité des lignes et une sobriété des formes. La beauté captivante de ses créations ne réside pas uniquement dans l’extrême délicatesse des mains et des visages sculptés, mais aussi dans l’élégance et le charme de leurs poses.
 
la coiffure "garçonne"
MAX LE VERRIER (Louis Octave Maxime) est né à Neuilly sur Seine, le 29 janvier 1891, d’une mère belge et d’un père parisien orfèvre joailler, boulevard Malesherbes. Ses parents divorcent alors qu’il a 7 ans. Sa scolarité se fera dans différents établissements, où il sera pensionnaire et se classera parmi les bons élèves (Collège de Verneuil sur Avre).

Son amour du dessin et de la sculpture apparaît très tôt et s’exerce sur des règles en bois qui se transforment en petites maisons, églises et autres menus objets.

Son père, qui pense que l’avenir est dans l’agriculture, l’envoie contre son gré dans des écoles d’agriculture, à St Sever et à La Réole. Max LE VERRIER entretient son goût pour la sculpture pendant ses loisirs.

Il revient à Paris à 16 ans où il exerce différents métiers pour échapper au travail agricole, et subvenir à ses besoins. (Son père l’ayant fait émanciper, il doit se débrouiller tout seul.)

En 1909, à 18 ans, il part pour l’Angleterre. Il est très difficile de trouver du travail à Londres pour un étranger ; refusant de revenir en France vaincu, il connaît alors des jours pénibles.

C’est l’époque héroïque de l’aviation qui passionne tous les jeunes. Il rencontre un français, JAMESON, qui achète un avion à crédit et ils ouvrent ensemble une école d’aviation à Rendon. Les affaires sont difficiles. Jameson cède la place à un jeune anglais fortuné, George LEE TEMPLE. Max LE VERRIER répare, met au point les appareils et les moteurs.


Clandestinement, il s’entraîne sur Bleriot (type « Traversée de la Manche »), puis sur Breguet, tente quelques vols et passe son brevet de pilote en 1913.

Max LE VERRIER est appelé ensuite en France pour faire son service militaire, après avoir obtenu un sursis d’un an ; il est affecté à l’artillerie de forteresse de Cherbourg. Il dépose plusieurs demandes pour entrer dans l’aviation.

Début 1914, il quitte Cherbourg pour Reims, comme mécanicien sur les avions. Au début de la guerre, on recense les pilotes civils. Max LE VERRIER est envoyé à Pau, pour passer le brevet militaire, puis au front en février 1915 sur Voisin, dans une escadrille de bombardement. Le 25 mai 1915, il est « abattu » en combat aérien par 2 chasseurs -L.V.G- allemands. Son avion est criblé de balles, et son mécanicien est tué derrière lui. Par chance, il n’est pas touché, et réussit à atterrir, mais dans les lignes ennemies et est alors considéré comme « disparu ». Il recevra la médaille militaire avec palmes à titre posthume, la croix de guerre 14-18 avec palmes.

Il est envoyé dans un camp de prisonniers à Munster, en Westphalie où il restera 3 ans. Comme pilote et sous officier, il n’est pas astreint au travail ; il se fait envoyer outils, pâte à modeler et se met sérieusement à la sculpture. Il se lie avec plusieurs artistes internés, dont BARDIN, sculpteur sur bois. Il réalise des portraits de camarades, une statuette de Russe. De temps à autre, les artistes professionnels et amateurs du camp réalisent une exposition.

Au début de 1917, il a la chance d’être désigné pour l’internement en Suisse. (Echanges de prisonniers). Il entre à l’école des Beaux Arts de Genève dans l’atelier de GUIBERT, et il sympathise avec de bons sculpteurs : Pierre LE FAGUAYS, BOURAINE ; des peintres, des dessinateurs, qui deviendront de très bons amis et dont il éditera plus tard quelques unes de leurs oeuvres.

Bénéficiant d’un atelier et de modèles, il réalise des statuettes, des nus féminins pour la plupart dont il effectue la reproduction en terre cuite : « Souvenir », « Confidence ».

Il rentre à Paris après l’armistice du 11 novembre 1918, muni de peu de ressources, mais nanti d’un grand esprit d’indépendance. Il va, à partir de cette date consacrer toute sa vie à la sculpture.
 
la vraie boule est en verre craquelé

Il loue un atelier d’artiste rue du Théâtre, où il travaille 12 heures par jour. Il édite quelques oeuvres en terre cuite, puis réalise sa première sculpture, son célèbre PELICAN dans le style 1925 (sculpture à la hache). Cette pièce, signée ARTUS (pseudonyme de Max LE VERRIER), a un grand succès et est à la base de sa maison d’édition créée en 1919. Il assure tout lui-même, la fabrication (fonte, ciselure, patine) et la vente de ses oeuvres.

En 1921, il se marie avec Jeanne HUBRECHT. L’année suivante, son premier fils Jean-Paul naît ; son deuxième fils Bernard naîtra en 1930.

Rue du théâtre, ils vont pouvoir ensuite s’agrandir, grâce à la libération d’une petite maison (style Mimi Pinson), au fond d’un jardin peuplé de nombreux chats qui sont à l’origine de son « chat assis », suivi d’une série d’animaux dont il cherche l’inspiration dans les zoos et cirques (Jardin des Plantes, Cirque Bouglione au Jardin d’Acclimatation dans le bois de Boulogne). Il réalisera un « MARABOUT », un « ECUREUIL » de tendance cubiste, ainsi que des panthères (« BAGHERA»), des chimpanzés (« SINGE AU PARAPLUIE »), des chevaux, des lions,… en compagnie de célèbres animaliers dont POMPON (triomphe en 1922 avec l’Ours blanc exposé au salon d’automne), HERNANDEZ, DELHOMMEAU.

Parallèlement, il va créer de nombreux bouchons de radiateurs de voiture, très prisés à cette époque, notamment, le modèle « EOLA » réplique du célèbre bouchon de la Rolls.


Les bénéfices réalisés sur les premières créations lui permettent d’embaucher des ouvrières qu’il forme lui-même et d’engager un représentant. Il fonde sa propre société en 1926. Sa collection est déjà très étoffée, c’est la période américaine, l’âge d’or jusqu’en 1929.
Max LE VERRIER sculpte de nombreuses statuettes, hommes, danseuses.

C’est en 1928 qu’il réalise sa célèbre CLARTE, femme à la boule de lumière, pièce maitresse en bronze, d’après modèle vivant. En réalité, il y a eu trois modèles différents : un pour la tête, un pour le torse, et un pour les jambes : une noire américaine des ballets de Joséphine BAKER. Cette torchère des années 30 reprend l’idée de l’Antique déesse de la lumière, et symbolise en même temps l’époque par sa coiffure à la garçonne et la sobriété de sa ligne.

La CLARTE a figuré dans l’exposition « LUMIERES » qui a eu lieu à Paris au centre Georges Pompidou / Beaubourg de Mai à Août 1985, « MADE IN France » chez Harrod’s à Londres en 1987 ; et « MAIN DE MAITRE » au grand Palais en 1987, à l’hôtel MARTINEZ à Cannes en 2000.



Deux exemplaires peuvent être admirés dans le grand salon de l’hôtel LUTETIA à Paris.


Max LE VERRIER réalise des lustres, des appliques et pieds de lampes, des serre-livres. Il édite également des oeuvres de camarades : Pierre Le FAGUAYS, (dont certaines de ses sculptures sont signées, FAYRAL ou GUERBE, ses pseudonymes) renommé pour ses élégantes danseuses, BOURAINE, également talentueux mais mort très jeune, MERIADEC, JANLE, et bien d’autres.

La maison Max LE VERRIER prend de l’ampleur au fil des années ; Max LE VERRIER s’adjoint une secrétaire et un comptable, transforme sur le plan commercial son affaire personnelle en S.A.R. L (1928) et engage des représentants multicartes. L’atelier de la rue du Théâtre et la maison d’habitation voisine servent de bureaux et de salle d’exposition et la fabrication est transportée 90 rue des Entrepreneurs dans le 15ème arrondissement.



En 1933, il achète un terrain au cœur du vieux Montparnasse dans le 14ème arrondissement, 30 rue Deparcieux, au fond de l’impasse dans un nid de verdure. Il abandonne la rue des Entrepreneurs pour monter l’atelier de fabrication rue Deparcieux.

Enfin, en 1938, il décide de tout centraliser rue Deparcieux : l’atelier personnel, l’atelier de fabrication, la fonderie, les bureaux, la salle d’exposition, les salles de réserves et son appartement.

Quand la 2ème guerre mondiale éclate, l’installation date de 8 mois. Pendant l’occupation, il poursuit son oeuvre avec beaucoup de difficultés. (Il manque de tout à cette époque). En liaison avec la Résistance (sa maison est un lieu de mémoire où se sont produits de nombreux faits de résistance. Elle a servi de boîte aux lettres), il est arrêté par les miliciens de PETAIN. Retenu pendant 4 jours dans leurs caves, il est remis aux allemands, et est relâché ; mais quelques jours après la Milice se présente une nouvelle fois à son domicile. Il réussit à s’échapper par une sortie ouvrant dans une propriété mitoyenne, dont l’entrée était située rue Daguerre. Celle-ci avait été aménagée pour faire échapper des ouvriers qui travaillaient clandestinement (juifs ou en contravention avec le Service du Travail Obligatoire en Allemagne).

Sous une fausse identité, il habite chez des amis à Paris, puis réussit à gagner le Gers, où il a une propriété et où habitent sa femme et ses deux fils. Dans cette grande maison, ils vont héberger de nombreuses personnes pendant la guerre, leur faisant bénéficier de la nourriture de la ferme, et vont aider des prisonniers de guerre. (Correspondance, envois de colis…).

Pendant cette période, son fils aîné, Jean Paul, élève à l’Ecole des Beaux Arts de Toulouse, qui fait partie de la classe 42, totalement soumise au servie obligatoire en Allemagne, prend une identité de rechange pour y échapper et y parvient.

Max LE VERRIER rentre à Paris en septembre 1944, et trouve son habitation, ses ateliers et sa salle d’exposition pillés par la Milice. (Meubles de bureau, statuettes, machine à écrire, meubles, argenterie, vêtements, etc… ont disparu.) Le pillage n’avait pas été complet grâce à l’intervention de la Police parisienne et il va retrouver quelques meubles et objets grâce à son ami Pierre BOURSICOT, devenu chef de la sûreté nationale, dans un dépôt de pièces récupérées chez les miliciens.

A la libération, Max LE VERRIER rouvre les ateliers. La guerre terminée, la vie normale reprend peu à peu. Les principaux éditeurs de bronze ont presque tous disparu. Monsieur LEHMANN est mort au camp de concentration, Mr GLODSHEIDER est ruiné.

Max LE VERRIER reprend la fabrication des statuettes en fonte d’art et en bronze, puis oriente son activité vers la création d’objets en bronze : coffrets, cendriers, articles de bureau, articles religieux, médailles et sigles dont le décor s’inspire des chefs d’oeuvres antiques, ou moyenâgeux, des armoiries des villes , des châteaux de la Loire, des cathédrales, des musées, et des collections privées. Il est secondé par plusieurs ouvriers qualifiés et par son contremaître, Mr MARSAILLE (grande médaille d’or du travail). Sa femme et ses deux fils travaillent également pour lui.

Sculpteur infatigable, il crée une nouvelle série d’animaux en bronze, édités en petit format. (Oiseaux, rhinocéros, âne, chèvre, ours, otarie et un groupe « DON QUICHOTTE et SANCHO PANCA »). Jusqu’à son dernier souffle, il fait de la sculpture et termine, sur son lit d’hôpital, une petite panthère 3 jours avant de disparaître, le 6 juin 1973, à l’âge de 82 ans.

Il est enterré au cimetière de Fontenay les Bris, à côté de son ami LE FAGUAYS disparu 10 ans avant lui.



Jean Paul LE VERRIER (1922- 1996) reprend la société de ses parents. Il a fait des études de dessin et de sculpture aux Beaux Arts de Toulouse, de 1939 à 1943 (Prix de peinture en 1943) et aux Beaux Arts de Paris de 1945 à 1949. Il est architecte-décorateur d’expositions et réalise des pavillons français pour des expositions internationales, tout en continuant la peinture et la sculpture parallèlement. Il fait du dessin humoristique, crée de nombreuses affiches, et après le décès de son père crée plusieurs œuvres : des bronzes humoristiques (« OURS » , « CHAT A LA BOULE », « CHAT GUERIDON »), des cendriers, des serre-livres (« TEQUEL »)…

Jean Paul LE VERRIER était extrêmement attaché à toute l’œuvre de son père et soucieux de la poursuivre, il initie son fils, et maintenant son petit-fils.

Je viens de retrouver Damien Blanchet-Le Verrier, dont les installations sont maintenant en banlieue, 101 rue Gabriel Peri, à 94270 Kremlin Bicêtre, la famille ayant du vendre la rue Deparcieux  pour payer les frais de succession.

Il fait perdurer l’art décoratif des débuts

et la figure de « la garçonne »

ouf ! il maintient les plus belles traditions

de la french touch !


P.S : Récit extrait du site de Damien Blanchet-le Verrier :