jeudi 10 janvier 2019

Pyrénées centrales : plantes médicinales en danger...


en conférence avec le Secrétaire Général de la SEC
La première conférence de mercredi de la SEC (Société d’Etudes du Comminges). La salle est pleine. Robert Pujol le conférencier est connu de tous : docteur en pharmacie, ancien pharmacien de Saint-Béat, herboriste, militant défenseur de la biodiversité (1), il connait les plantes comme personne. Nous sommes convaincus dans la salle de l’exception que constituent les Pyrénées Centrales : l’une des plus belles flores ... du monde ! 400 plantes connues propres à soigner les maladies ! Non seulement il connait les plantes médicinales, mais il, a pratiqué dans son officine « des formules », comme il les appelle, données par des bergers, obligés de trouver dans les estives de quoi se dépanner ; et des grand-mères dépositaires de remèdes traditionnels. Des plantes utilisées depuis l’antiquité grecque, romaine, arabe, citées dans l’ancien Testament pour soigner humains et animaux. 


Il écrit des articles, enseigne, et transmet une somme impressionnante de connaissances oubliées : on dit souvent qu’un conférencier n’expose, même en deux heures de temps que le dixième de ses connaissances : Robert Pujol debout devant l’assemblée attentive improvise, balançant à l’improviste une note d’humour : La salle rit ! Heureusement je retrouve une feuille vierge dans mon sac, et puis prendre des notes, attitude fortement conseillée par le professeur pour noter ses fameuses formules : exemple, l’Ecclesiaste explique que Dieu en créant le monde a donné à certaines plantes la forme d’un organe humain, pour nous inciter à l’utiliser afin de soigner l’organe en question : tenez le haricot, qui ressemble à un rein ! Surtout le cerneau de la noix ressemble à un cerveau : -« consommer de la ligueur de noix vous rendra intelligent » : Robert avoue qu’il en a consommé toute son enfance, « mais que le résultat n’est pas à la hauteur de l’espérance qu’y avaient mise ses parents » !


Dès le début, je suis à mon aise avec la fameuse coupe Nord-Sud, présentant les étages de végétation en fonction de l’altitude, qui m’ont guidé dans le repérage de la « ruta de las mariposas ». (2) Même si l’étage alpin disparait avec le réchauffement climatique, les plantes s’étagent toujours précisément du bas vers le haut et réciproquement, et le conférencier nous fait faire l’escalade assis dans nos fauteuils sans effort physique, (même si la salle n’a pas été chauffée et qu’il ne fait pas si chaud…mais la chaleur humaine comble cette économie après tout justifiée puisque la SEC produit toujours des conférences gratuites) !


Nous sommes habitués à consommer des médicaments en boite, des formules chimiques, ayant oublié que  nombre de plantes contiennent les principes actifs aussi précieux que ceux qui participent aux soins contre le cancer, comme l’if : non seulement il servait à construire des arcs, mais il contient des taxols anti-cancer du sein. N’oublions pas non plus le saule blanc, salix alba (je pense aux petits mars à reflets changeants dont les chenilles adorent les feuilles argentées de salix viminalis) qui contient de l’acide salicylique, autrement dit l’aspirine !

On a oublié que l’écorce de hêtre distillée produit de la créosote, qui servait autrefois à alimenter les boules de verre placées dans les boites à papillons pour éloigner les prédateurs, de même que le charbon de hêtre est détoxifiant, ou que les faînes que je récoltais en Normandie tout jeune grillées servent maintenant d’apéritif de luxe dans les restaurants étoilés.






Le sapin, les résineux en général, sont à l’origine d’huiles essentielles antiseptiques : les bourgeons mélangés à des feuilles d’eucalyptus étaient disposés par les instituteurs dans les classes primaires autrefois pour créer une atmosphère purifiée. Sans oublier la térébentine de Strasbourg, à ne pas confondre avec celle de Bordeaux fabriquée à partir de pin des Landes. Autrefois à Boutx les mamans récoltaient les gouttes de résine  (comparées à des vessies), qu’elles allaient « crever », pour en faire des emplâtres.

On oublie trop l’Aspérule odorante, la reine des bois. Et la recette du 22 mai : 60g de fleurs dans un litre de vin sucré de 80g de sucre ! Quant à la myrtille, elle contient des pigments antho carpiques permettant de fabriquer les collyres destinés à activer les veinules des yeux malades.

Tout le monde connait l’arnica ! Le principe des crèmes contre les coups ! Figurez vous que la cosmétique s’y intéresse tellement qu’elle en consomme 50.000 tonnes par an ! Or les massifs des Alpes par exemple sont complètement dépouillés… jusqu’à ce que les récolteurs mercenaires payés par les firmes débarquent dans les Pyrénées, et ... arrachent tout… contre quelques billets remis aux Maires dont la seule réaction est : -« pas grave, les animaux n’en consomment pas » ! Pourtant il existe des variétés cultivées contenant les mêmes principes. Mais avec la disparition des espèces, tout ce qui est sauvage est vendeur… sauf à faire disparaître les dernières plantes sauvages ! Nos plantes médicinales sont en danger !

La digitale ? Personne n’oserait en faire un remède : trois feuilles ingérées suffisent à tuer un humain ! Pourtant, à la dose idoine (mieux vaut confier la préparation à un pharmacien expérimenté), dans les plantes, c’est la dose qui compte, et la « marge thérapeutique » à l’intérieur de laquelle il faut rester. Robert Pujol l’appelle « l’herbe aux héritiers » : en en donnant à la personne dont on souhaite hâter la fin de vie, (sans laisser la moindre trace), on obtient (sans douleur) un ralentissement du rythme cardiaque, conduisant à l'arrêt final (du coeur) ...! Aucun rapport avec l’aconit, beaucoup plus radical, et donc...déconseillé !

La gentiane est à la base du principe amer bien connu dans la Suze, que commencent à découvrir nos amis américains : parfait pour les convalescents, surtout en ajoutant un zeste d’absinthe : on obtient le "quinquina du pauvre" ! le secret ? ajouter de l’écorce d’orange pour enlever l’amertume : 4g de racine sèche + 4g d’orange ; de l’écorce de citron, et voilà une infusion parfaite pour lutter contre la grippe car on a alors un excellent fébrifuge : indispensable à consommer dès à présent, puisque l'épidémie s'affirme forte ici en Occitanie ! ! . 

On a envie d’aller à Saint-Béat se faire prescrire des tisanes, non ?

Surtout ne pas confondre avec la Verâtre aux feuilles alternées au lieu d’être opposées ! Si on confond : des étourdissements au bout d’une heure ! Comme la mort intervient trois heures après l'ingestion, on n’a plus que deux heures pour se faire soigner dans un centre anti-poisons : prendre l’apéritif chez des pseudo-montagnards mauvais herboristes est strictement déconseillé !

feuilles opposées de la gentiane : ne pas confondre avec la Vérâtre !

Sont passées en revue les plantes des étages supérieurs, puisque la conférence continue de nous faire monter en altitude : oseille, attention au poison rénal causé par les oxalates ! Sermontain, contre les diarrhées des bergers. Sarriette…oui, une herbe méditerranéenne célèbre pour remplacer la corne de rhinocéros ... introuvable dans les Pyrénées ! C’est l’herbe aux satyres ! Le bouleau, contre les calculs urinaires : une branche permet de récolter deux litres de sève, vous ajoutez quelques clous de girofle, excellent rhumatismal !


Robert termine (à regret) par l’edelweiss. En danger ! Il serait considéré comme anti-vieillissement… vous pensez si là encore les récolteurs arrachent les derniers pieds !

Nadau l’a chanté dans une chanson célèbre : c'est en Occitan l’immortella :


Une bien belle conférence

Robert Pujol évoque Gaia la Terre

notre mère la Terre ...

... mieux que la terre nourricière

Respectons la, comme la respectaient nos anciens des Pyrénées qui ne cueillaient les plantes
qu’avec circonspection, en respectant les rites anciens, le prélèvement en silence, les fêtes des Saints...

un super conférencier




PS (1) cela tombe bien : le Monde attire notre attention sur la baisse spectaculaire de la biodiversité en France, y compris dans les vastes étendues maritimes d'Outre-mer : c'est bien mal parti...: cela vaut pour les oiseaux ; les petits mammifères... mais aussi pour les papillons...les plantes médicinales...et les plantes sauvages elles-mêmes  ! ! 

La " richesse" est certes dépendante du pouvoir d'achat. La richesse est aussi la diversité de la Nature. Cette richesse là est aussi compromise que la première. Je crains que le Grand débat ne fasse même pas allusion à cette question...?




PS (2) la ruta de las mariposas 


Les conférences de la Société d'Etudes du Comminges ont lieu tous les premiers mercredi du mois, à 17H30. Elles sont gratuites, et participent activement à l'identité des habitants des Pyrénées centrales...surprenantes Pyrénées Centrales.... à suivre !


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