mercredi 30 janvier 2019

On a vu le film "Colette"


Revisiter la vie de Colette au travers du prisme américain, ça valait le coup ? On sort de voir le film Colette, on a en pratique vu la première partie de la vie de notre écrivain mythique, c'est-à-dire Claudine, et la frustration nous conduit à espérer la suite : « Colette, le retour » ?

Il faut avouer que nous sortons de la séance en Français de 14H15, il aurait sans doute fallu voir la version officielle en langue d'origine, l'anglais, mais elle était programmée juste après : nous n’avons pas eu le courage ! Le film a donc été traduit en Français, avec de nombreuses séquences où Colette (plutôt Claudine)  écrit à la plume d’une jolie écriture : en français ... comment font les spectateurs anglo-saxons pour lire cette langue étrangère ? A moins que leur version montre les textes écrits en Anglais ? Nous ne le saurons jamais, pas près de revoir la partie actuelle dite première partie, tant que nous ne verrons vraiment pas la suite, la  vie de Colette !

Je m’attendais notamment à ce que l’on visite la maison de Saint-Sauveur en Puisaye, à ce que l’on se promène dans le jardin… qu’il y vole des papillons … ! Tu parles ! rien du tout ! pas un papillon… pas même un chat alors qu’ils entouraient Colette ! (1)

 Une auteur française par un américain, seuls les clichés l’intéressent : on n’évoque même pas le titre : « le blé en herbe » !

Alors je consulte Allociné, les secrets de tournage

souhaitant notamment savoir où avaient été tournées les scènes

Notamment celles de train à vapeur, où une locomotive à deux roues motrices typiquement anglaise, inhabituelle en France, tire des wagons inadaptés de style Pullman, alors qu’il s’agit de trains de banlieue dont les voitures ne devraient avoir que deux essieux.

Voilà l’intégrale :

"Colette est le premier long-métrage solo de Wash Westmoreland, qui jusque-là avait coréalisé tous ses films avec son compagnon Richard Glatzer, décédé des suites de la maladie de Charcot le 10 mars 2015. Les oeuvres de Colette ont été de nombreuses fois adaptées au cinéma, les plus connues étant Gigi de Vincente Minelli (1958) et Chéri de Stephen Frears (2009). L'écrivaine française a quant à elle été incarnée à l'écran par notamment Mathilda May dans Devenir Colette et par Marie Trintignant dans le téléfilm Colette, une femme libre réalisé en 2003 par sa mère Nadine Trintignant".

"L'écriture de Colette a commencé en France à l'été 2001 sous le titre de Colette et Willy. Richard Glatzer et Wash Westmoreland comptaient s'installer dans un appartement parisien prêté par un ami mais ils ont eu la désagréable surprise de découvrir une fois sur place que le logement avait été loué. Ils ont dû, faute de trouver mieux, se rabattre sur une maison de campagne qui s'est avérée être un manoir du XVe siècle en piteux état sans internet ni télévision. Totalement coupés du monde moderne, le duo a pu pondre une première version du scénario en une dizaine de jours".



"Mais l'écriture était loin d'être terminée : pas moins de vingt versions du script ont vu le jour en seize ans. Westmoreland se souvient : "Tous les ans, on essayait de resserrer l’intrigue parce qu’on avait une matière pléthorique et que, le plus souvent, la vie ne se résume pas à une sympathique construction en trois actes. Réussir à raconter l’histoire de manière à ce qu’elle se prête à une forme cinématographique a été une tâche immense".

Ouf, Anne de Jouvenel intervient !

"Lors de l'écriture de la première version du scénario, Richard Glatzer et Wash Westmoreland séjournaient dans un manoir prêté par un ami. Il s'est avéré que la tante de ce dernier était très proche d’Anne de Jouvenel… qui n'était autre qu'une parente de Colette ! Une aubaine pour le réalisateur : "Nous voilà ensuite à Paris en train de prendre une tasse de thé avec la baronne de Jouvenel. Nous avons sympathisé avec elle et elle a été emballée par notre projet : elle nous a autorisés officiellement à utiliser tous les textes de Colette qui figurent dans le scénario".

Un film né dans la douleur

"Colette est né de l'intérêt que portait Richard Glatzer, partenaire et compagnon du réalisateur, à l'auteure française. En 1999, il s'est mis à lire des ouvrages sur elle et a émis l'idée d'en faire le sujet d'un film. Alors que Wash Westmoreland et Glatzer étaient sous le feu des projecteurs grâce à l'Oscar de Julianne Moore pour Still Alice, ils décident de s'atteler enfin à Colette. Malheureusement, Glatzer était hospitalisé et ne pouvait plus communiquer que via une application sur iPad de conversion de texte en son en utilisant un doigt de pied. Il décède peu de temps après. Pour Westmoreland, "C’était un moment très difficile et très sombre de ma vie, et j’étais dans une grande détresse, mais le film m’a donné un objectif auquel me raccrocher. J’ai pris la décision de faire Colette pour perpétuer sa mémoire, et je voulais m’appuyer sur la complicité artistique que j’avais nouée avec lui pour faire un film très moderne".



nous sommes en Angleterre

alors que la maison-musée réouverte le 2 avril 2016, est à Saint-Sauveur en Puisaye

"Lorsque la productrice Elizabeth Karlsen conseille l'ajout d'un nouveau coscénariste pour finaliser le script, Westmoreland refuse catégoriquement avant de voir le nom de Rebecca Lenkiewicz, scénariste d'Ida : "J’avais tellement aimé Ida que j’ai eu envie de la rencontrer. J’étais à Los Angeles et Rebecca était à Londres, si bien qu’on a d’abord échangé par Skype pendant plusieurs mois. Mais chacun a aussitôt été sensible aux idées de l’autre. Elle a insufflé une énergie nouvelle au projet, mais aussi ses intuitions, et son point de vue de femme dont on avait un vrai besoin".

Ouf, voilà Keira !





"Le réalisateur avait Keira Knightley en tête dès le début pour le rôle de Colette et l'a rencontrée la première fois via FaceTime, alors qu'il était invité au Shanghai Film Festival. Il était alors minuit et il ne lui restait presque plus de batterie. En quelques minutes, il réussit à la convaincre de participer à l'aventure juste avant que son téléphone ne s'éteigne : "Je me suis retrouvé à fixer un écran noir dans ma main, stupéfait, en me répétant que je n’arrivais pas à croire ce qui venait de se passer. Car c’est tellement rare qu’une star de son envergure accepte de s’engager si rapidement… C’est donc un petit miracle qui s’est produit".

Un casting qui bouscule les conventions

"Autour de Keira Knightley et Dominic West, le réalisateur a réuni un acteur transgenre pour interpréter un personnage cisgenre – Jake Graf dans le rôle de Gaston De Caillavet – et Rebecca Root, comédienne transgenre pour une femme cisgenre [la romancière Rachilde]. Il ajoute : "J’ai aussi engagé Ray Panthaki, Anglais d’origine asiatique, pour le personnage de Pierre Veber qui était blanc dans la réalité, et Johnny K Palmer, acteur noir, pour camper Paul Heon, une autre figure historique – et blanche. Encore une fois, ce n’est pas courant dans les oeuvres en costumes, même si c’est très fréquent dans l’autre sens ! Je me suis dit qu’à l’époque de Colette, on s’affranchissait des règles et des conventions sociales, et qu’on s’ouvrait au monde. Du coup, le casting du film devait s’en faire l’écho…. Et ça me semblait cohérent".dans la réalité, et Johnny K Palmer, acteur noir, pour camper Paul Heon, une autre figure historique – et blanche. Encore une fois, ce n’est pas courant dans les oeuvres en costumes, même si c’est très fréquent dans l’autre sens ! Je me suis dit qu’à l’époque de Colette, on s’affranchissait des règles et des conventions sociales, et qu’on s’ouvrait au monde. Du coup, le casting du film devait s’en faire l’écho…. Et ça me semblait cohérent".

Paris... à Budapest, (moins cher) !

"Les plans extérieurs ont été tournés à Paris mais la campagne française a été reconstituée dans les régions du Northamptonshire et de l’Oxfordshire. Bingo, tout s’explique notamment le train, sans oublier la maison ! Faute de budget nécessaire pour tourner entièrement à Paris, l'équipe s'est également installée à Budapest où elle a tourné en décors naturels et dans les studios Origo. Le réalisateur explique : "Il se trouve qu’à la fin du XIXe siècle, Budapest s’est délibérément inspiré de Paris. À la fin des années 1890, les architectes ont redessiné la ville sur le modèle parisien, avec notamment l’avenue Andrassy, les « Champs-Élysées » de Budapest. Et en raison des difficultés économiques de la Hongrie, plusieurs sites n’étaient ni rénovés, ni rafraîchis, et c’était un atout majeur. Du coup, on a pu avoir accès à de très nombreux immeubles patriciens d’autrefois dont on s’est servi pour les intérieurs. Il y a même un Moulin Rouge à Budapest ! C’est une copie du Moulin Rouge de Paris, mais en deux fois moins grand. Cependant, il n’a pas été modernisé comme l’original, si bien qu’il correspondait parfaitement à nos besoins".





Tout s’explique, et un bon Français s’aperçoit vite de la supercherie !

"Si l'équipe était ravie de tourner en Hongrie, elle a toutefois souffert des fortes chaleurs. En effet, un épisode de canicule a frappé Budapest pendant l'été 2017. Les comédiens en costumes de tweed en ont particulièrement bavé, dont Dominic West qui portait en plus une combinaison rembourrée. Keira Knightley se souvient : "on a dû lui fabriquer un système rafraîchissant intégré : il devait se brancher à un sac qui propageait un liquide froid lui permettant de le maintenir au frais".




"Wash Westmoreland affirme avoir été marqué par Max Ophüls, en particulier Le Plaisir et Madame de... : "Ses héroïnes semblent glisser avec fluidité. Au lieu de filmer une scène de bal en plan large, il s’attache à ses personnages qui se fraient un chemin à travers la foule. Je me suis dit que je voulais présenter l’univers de Colette de cette façon, en adoptant le point de vue de la protagoniste. Du coup, quand Colette se rend dans un salon à Paris pour la première fois, nous avons mis pas mal de temps à construire ce plan largement inspiré d’Ophüls, où on la voit déambuler dans cet espace et s’imprégner de tout ce qu’elle y découvre". Quant à la scène de danse du spectacle Rêve d'Egypte, l'inspiration est plutôt à chercher du côté de Metropolis et de la première apparition de la femme-robot à l'écran".




tout cela m'a donné envie de relire Claudine à Paris !

c'est donc une réussite !


on peut aussi relire le bouquin :

"Splendeur des papillons"



et imaginer ainsi la vie à Saint-Sauveur en Puisaye ?

la chasse aux papillons Berthe Morisot 1874 Musée d'Orsay, bords de l'Oise à Maurecourt

Colette était Grand Officier de la Légion d'Honneur - 1953



PS (1) ... Autour des souches, des campanules mauves, des aigremoines jaunes ont jailli en fusées, et des chanvres roses au parfum d'amande amère. Le papillon «citron» y tournoie ; vert comme une feuille malade, vert comme un limon amer, il s'envole si je le suis, et surveille le moindre mouvement de mes mains. Les sylvains roux, couleur de sillon, se lèvent en nuage devant mes pas, et leurs lunules fauves semblent m'épier. Un grand Mars farouche franchit le bois et fait resplendir, au soleil, hors de toute atteinte, l'azur et l'argent d'une belle nuit de lune ...


Mais le radieux paon-de-jour, en velours cramoisi, frappé d'yeux bleuâtres, clouté de turquoises, plus frais que la plus fraîche fleur, attend, confiant, la main qui l'emprisonne. Je le cueille, plié en deux comme un billet, noir au-dehors, flamme au-dedans. J'entrouvre de force ses ailes de diablotin luxueux, j'admire, près de son corselet, la nacre d'un duvet long, mordoré, qui se soulève à mon souffle, les sombres pattes fragiles et tremblantes, les yeux moirés comme ceux d'une abeille... 

Puis je desserre mes doigts, et son vol nonchalant le ramène sur la même fleur où je puis le cueillir encore, car il butine, goulu, content, déjà rassuré, fa trompe raidie et les ailes ouvertes, avec un doux battement voluptueux d'éventail
La paix chez les bêtes

« Je suis devenue écrivain sans m’en apercevoir, et sans que personne s’en doutât. Sortie d’une ombre anonyme, auteur de plusieurs livres dont quelques-uns étaient signés de mon nom, je m’étonnais encore que l’on m’appelât écrivain, qu’un éditeur et un public me traitassent en écrivain, et j’attribuais ces coïncidences renouvelées à un hasard complaisant, hasard qui de palier en palier, de rencontre en prodige, m’a amenée jusqu’ici. » (Discours de réception à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique)

« […] il importe seulement que je dénude et hisse au jour ce que l’œil humain n’a pas, avant le mien, touché… »