jeudi 20 juin 2013

La Garonne traverse Saint-Beat …


…par la route !


On ne peut faire autrement : pour se rendre en Espagne, d’une part il faut longer la Garonne, d’autre part il faut traverser Saint-Béat. Les romains l’avaient bien compris : il s’agit d’un verrou dans la montagne, difficile à contourner, un endroit parfait pour créer une frontière. Ils avaient préféré Saint-Bertrand de Comminges à l’aval pour créer Lugdunum, et pratiquaient la navigation en moyennes eaux pour y transporter leurs colonnes de marbre extraites des carrières de montagne. De l’eau, il n’en fallait ni trop ; ni trop peu.
 

Dans ce verrou, deux voies de circulation : la rivière Garonne, qui est encore un torrent (impétueux). Et la route qui la longe. Les habitants dans cette faille naturelle étroite ont choisi de construire leurs maisons le long de la rivière : facile pour évacuer les eaux usées. Ceux de la rive gauche se sont mis entre l’eau et  la route : à cheval entre les deux. D’ailleurs à côté de la petite annexe du Crédit Agricole, existe un tunnel permettant de passer sous les maisons et de rejoindre le lit de galets, d’où l’on a un beau point de vue sur l’eau. En face, autre alignée de maisons. Il faut avoir le courage car ceux qui tournent le dos à la montagne risquent de prendre sur la tête des rochers : nous sommes dans un endroit soumis à un fort risque naturel : de l’eau (que d’eau). Des rochers (que de rochers) !


Depuis que l’Espagne nous envoie ses camions par le tunnel de Veilha, celui que nous empruntons pour aller sur la Costa Dorada, la rue principale de Saint-Béat (qui n’est qu’une rue de village à deux voies) est très fréquentée, à tel point que les habitants ont déserté leurs maisons, rasés qu’ils sont par les véhicules. A un moment, la voie étroite tourne à 90 degrés sur le pont traversant la Garonne, et seuls les véhicules légers ont le rayon de braquage nécessaire à cette manœuvre délicate.


A long terme puisqu’ici on prépare l’avenir, la seule issue est de contourner Saint-Béat. Mais comme la montagne est partout, la seule solution est de creuser un tunnel dedans, vous me direz qu’on extraira ainsi un peu plus de marbre, mais par contre cela va nécessiter un délai, nous sommes donc dans la situation actuelle sans le futur tunnel.



















Arrive le 18 juin 2013. Nous avons rendez-vous à Saint-Bertrand, à l’exposition spéciale organisée depuis que le Musée a acquis les trophées funéraires issus de la Nécropole voisine. Arrivés à Gourdan Polignan (nous sommes innocents comme d’habitude), grand rassemblement de voitures. Véhicules de la gendarmerie. De Toulouse d’où ils ont été dépêchés en renfort. Ils avouent méconnaitre le terrain. « On ne passe pas, la route est coupée » ! Bigre ! St Bertrand, « le Mont St Michel des terres », est sur une hauteur, bizarre que la Garonne l’ait inondé ? Habitués aux films catastrophe où les forces de l’ordre interdisent aux autochtones de passer prétendant que la campagne est remplie de gaz mortels, nous contournons les barrages ; prenons les chemins pédestres ; et arrivons à bon port (avec quelques angoisses quand-même… !).


Au même moment, la fonte des neiges, à laquelle se sont ajoutées les précipitations terribles de ce printemps pourri... sans compter la rupture du barrage espagnol à l'amont ont occasionné une augmentation brutale du débit de la Garonne. De torrent elle est devenue fleuve. Deux mètres de plus sur les limnigraphes de l’Etat consultés par internet, vous pouvez observer la montée quasi verticale, signe terrible d'une lâchée d'eau au-dessus !  Normalement le débit est de 50m3/s en juin : à la cote 2m, il est de 183m3/s. Or nous avons atteint la cote 3,5m ! ! La crue centenale ? Il va falloir quelques jours de calculs pour le savoir ! Avant que mes ex-collègues de l’Etat partent en congés d’été j’espère ! Vous pensez : c'est dans quinze jours !

La rivière (si l’on peut dire) a donc emprunté son lit, en montant le niveau, bonjour tout ce qui trainait aux rez-de-chaussée. Et puis elle a contourné les maisons et emprunté gaillardement la rue principale, la couvrant de boue collante, inondant les rez de chaussée, et détruisant tout, et affouillant les fondations. Même le pont qui constituait un autre verrou aurait été ébranlé. Ca ne m’étonne pas ! A quelques jours de la fête estivale du marbre ! et du passage du Tour de France !












En ce moment, la baisse des eaux restitue l’horreur de la situation aux habitants désemparés. Je prie pour eux, c’est vraiment moche. J’ai peur que nombreux soient ceux qui restent désespérés. Même le Président, qui va visiter les sanctuaires inondés de Lourdes aujourd'hui, va venir sur place, pour annoncer une trêve des impôts et charges diverses (pour quelque temps, il faudra bien payer un jour). Je pense à Béat (un italien, venu prêcher ici au IIIèS), il n’a vraiment pas été à la hauteur c’est le cas de le dire !
 


en attendant, c’est fichu pour se rendre en Espagne

et pour un bon moment .


http://midi-pyrenees.france3.fr/2013/06/19/en-video-le-survol-du-village-de-saint-beat-sinistre-par-la-crue-de-la-garonne-273261.html

PS : aujourd'hui, il faut passer par Luchon, et la montagne, on arrive directement à Bossost.