mercredi 13 mars 2013

Ou l’on retrouve Pierre Benoit

 

Je continue de réfléchir à la réponse à mon père : Comment Pierre Benoit connaissait-il Ormuz ? Je feuillette le blog d’Eric Deschamps http://www.croisieres-citroen.com/Croisieres_Citroen/Contact.html, jusqu’à tomber sur la vente du 23 avril 2010 à Drouot : 240 plaques stéréoscopiques de l’expédition de la Croisière Jaune au Pamir ! Stéréo, c’est à dire en 3D ! en relief ! Vous savez ce qui arrive, dans toutes les familles : les enfants peuvent avoir (ont ?) davantage besoin d’argent que de souvenirs. L’intérêt pour les amateurs des ventes aux enchères, est de pouvoir acquérir les archives de première main de personnages illustres, vendus par les enfants, des objets ; des tableaux ; des photographies. Les enfants récoltent le prix de la vente, les amateurs les souvenirs de croisières des perles rares... C’est le cas d’Eric Deschamps, qui  tombe sur un livre :



 Il raconte : «  mardi 6 juillet 2010, un ami me téléphone... une de ses amies possède un livre de la Croisière Jaune, relié. L’intéressant, c’est deux lettres à l’intérieur : une de Georges Marie Haardt à l'écrivain Pierre Benoit et un "pneumatique" de Victor Point invitant l'auteur à dîner de la part du chef de l'expédition. On se souvient que Pierre Benoit et Haardt se connaissaient depuis la première Transsaharienne... Le livre "L'Atlantide" venait de sortir (1919) et l'expédition semblait partir à la recherche d'Antinea son héroïne ».



Voici les lettres, enveloppe comprise avec l’adresse parisienne de Pierre Benoit.






Moralité : Pierre Benoit, qui connaissait Ormuz, le Bien, et de facto, Arihman, le Mal….

…savait reconnaître une Kégresse, fréquentait son inventeur, ses conducteurs : il avait été convié très officiellement à accompagner la Croisière Noire, pour en relater les péripéties (et se rapprocher du centre du Hoggar et de la belle Antinéa) et s’il avait du décliner l’offre, c’est qu’il ne savait toujours pas conduire, malgré les leçons privées données par Haardt pour l’occasion ! Vexant non ? (1 : voir l'extrait ci-dessous de J. Wolgensinger)


L’odyssée sera racontée dans le film fameux réalisé par le célèbre cinéaste Léon Poirier. L’expédition, dirigée par Georges-Marie Haardt et Louis Audoin-Dubreuil, relie pour la première fois l’Algérie à Madagascar en autochenilles type B2. Partie de 28 octobre 1924 de Colomb-Béchard, elle arrive le 26 juin 1925 à Tananarive. Poirier, officiellement chargé de la documentation cinématographique, a comme adjoint pour la prise de vue Specht, l’un des opérateurs du film célèbrissime de Feyder, l’Atlantide (1921). Lui-même d’ailleurs avait été candidat à la réalisation de l' image de l’œuvre fameuse de Pierre Benoît.


Je cite : « La sortie du film La Croisière noire en 1926 eut un succès retentissant où, aux fiertés cocardières françaises devant les images d’un immense Empire colonial, se mêlait le sentiment de découvrir des civilisations déchues n’attendant que l’aide généreuse de la métropole pour accéder au monde fraternel du progrès universel !... La construction du film enchaîne systématiquement les séquences de circulation, les danses et les chasses. Les images sont belles et appliquées, aussi lourdes dans cette esthétique que la pesanteur efficace des autochenilles sur le sable du désert…. Les cadrages sont déjà ceux de Morocco (J. von Sternberg, avec Marlène Dietrich et Gary Cooper, 1930), de Pépé le Mocco (Julien Duvivier, avec Jean Gabin, Mireille Balin, Fréhel, Dalio, 1937) et des innombrables films de fiction qui feront du désert le décor idéal traversé par une aventure centrale, décisive, celle de l’homme blanc tout à ses sentiments, ses découvertes et ses passions ».



Quand je pense que nous sommes en ce moment au Mali… !

l'Histoire semble un éternel recommencement !

de Iacovleff, le génial dessinateur de l'expédition
(1) Charles-Schlisler raconte : «Puis un jour, début 1924, il me vient à l’oreille qu’André Citroën, qui vient de réaliser une première liaison automobile transsaharienne de Touggourt à Tombouctou, recrute des pilotes pour une prochaine aventure. Il se présente donc au nouvel autodrome de Linas-Montlhéry, dans l’Essonne. Ils sont plutôt nombreux, bien qu’à l’époque, les gens sachant conduire soient assez rares. On leur affecte une voiture chacun et on leur dit de rouler. Tous ceux qui s’arrêteront seront éliminés. Au bout de 48h, il n’en reste que 16, que G.M. Haardt, leur nouveau patron, vient féliciter et leur expliquer ce qui les attend : la traversée de l’Afrique, de Colomb Bechar à Tamatave, qui restera célèbre sous le nom de croisière noire. Elle partira le 28 octobre 1924 et durera presque un an ».

Au même moment, cet extrait de l’Aventure de la Croisière Noire de Jacques Wolgensinger (Robert Laffont) : Louis Audoin Dubreuil qui est né en Saintonge en 1887, est pilote en 1917. C’est un parfait compagnon, épicurien, modéré, soucieux d’équilibre en toute chose. Citroën le convoque et l’apprécie. De son côté, Haardt le reçoit plusieurs fois à déjeuner rue de Rivoli. Audoin Dubreuil lui parle désert, alimentant ses rêveries et l’ancrant dans ses résolutions aventurières.

-Nous irons à Tombouctou dit Haardt, Citroën est d’accord.
-plus loin, plus loin vers le Sud s’écrie Audoin Dubreuil !

C’est une phrase de St Avit dans l’Atlantide. Haardt la reconnaît : ils ont les mêmes lectures. Il enchaine : cela me donne une idée : nous intitulerons la mission « A la recherche de l’Atlantide », et nous emmènerons l’auteur du roman avec nous : quel chroniqueur cela nous fera ! Quelques jours plus tard, Haardt rencontre Pierre Benoit au bar du Fouquet’s. Ils ont des amis communs : plusieurs sportifs, Suzanne Lenglen, Georges Carpentier, quelques actrices, des princesses…

-dès mon enfance en Afrique du Nord, confie Pierre Benoit, j’ai entendu parler des Touaregs.
-raison de plus pour venir avec nous !

L’auteur de l’Atlantide a l’air soudain embarrassé :

-le projet est séduisant, certes. Mais vous dites qu’il faut savoir conduire, je confesse que cette condition équivaut pour moi à un obstacle insurmontable.

Haardt sourit :
Je vais vous mettre entre les mains d’un de nos ingénieurs, et vous verrez que tout marchera comme sur des roulettes. Il n’en est rien, hélas. Dès le dimanche suivant, Haardt passe le volant à Pierre Benoit, sur une route de Seine et Marne, c’est la catastrophe. Sept jours plus tard, l’écrivain en parle encore :

« Quelle horreur ! chaque fois que je portais la main sur l’un des leviers dont mon compagnon essayait de m’indiquer la manœuvre, il sortait des entrailles de la machine un bruit de ferraille effrayant. On eut dit une chaine de bicyclette brassée et rebrassée dans un saladier de fer. L’impression que je garde de cette pâle journée est une des plus humiliantes qui soient ».

Audoin Dubreuil allait devoir assurer la chronique de l’expédition. Et Pierre Benoit confiné dans ses remords, de penser, dire et écrire : « L’homme à vrai dire ne doit pas avoir d’auto…il doit s’arranger pour avoir des amis qui en soient pourvus ».

aucun rapport : il s'agit de l'artillerie portugaise, quelques années plus tard