c'est le célèbrissime tableau de Cornelis van Haarlem
ce tableau a 435 ans
il mesure 3 mètres sur 2,4 !
Les titans géants étaient les premiers dieux de la mythologie grecque. Les douze titans de la première génération étaient les enfants de Gaïa (la terre) et Uranos (le ciel). Le chef des Titans, Kronos, avait déjà buté son propre père, quand il a été prédit qu'un de ses enfants, aussi, provoquerait sa chute.
des géants parricides !
Kronos (qui était un peu brut de décoffrage et ignorait les outils comme la hache ou la guillottine, a fortiori la chaise électrique) a carrément dévoré ses enfants peu de temps après leur naissance. Ainsi, il conjurait (croyait-il) le sort. Son épouse est désolée, mais il continue...à lui faire des enfants ... elle accouche .. .il dévore ! Aucune régulation des naissances à l'époque ! Mais la sœur et l'épouse de Kronos, Rhéa, cache le sixième et le plus jeune de leurs enfants, Zeus, de Kronos. Vous avez compris, Zeus, le fils, c'est le bon, c'est lui qui deviendra le Patron définitif des Dieux et de l'Univers !
Quand il est grand, Zeus libére ses cinq frères et sœurs de l'estomac de Kronos (il avait la digestion difficile) et mène une guerre contre les Titans, qui se termine par leur chute dans les Tartares. Zeus et ses frères et soeurs Hestia, Poséidon, Héra, Demeter et Hadès régnent alors sur le monde à partir de ce moment.
quelle Histoire, qui commence en réalité par Kronos l'antropophage !
Goya, Rubens, sont inspirés par cette histoire, et la décrivent de manière atroce,
ce qui plait au public, forcément attiré par ce genre de faits divers : un père qui bouffe
les gosses vivants, sans préparation, ni four ni micro-ondes :
on adore !
quand j'ai raconté cette histoire à ma jeune dentiste, elle m'a fait observer que les incisives sont naturellement faites pour trancher, une pomme par exemple, mais nos canines sont trop petites pour arracher la chair d'une proie, comme un rat ou un chat, a fortiori un enfant :
la variante de Goya est donc plus appropriée :
Kronos va donc lui broyer carrément le crâne, ce qui après tout doit être moins douloureux pour le bébé. L'Histoire dit de toute manière que le bébé a été sauvé, ce qui signifie qu'il a du simplement être gobé comme Jonas bien plus tard par la baleine...qui devait être un cachalot !
oui, les noms sont compliqués : Kronos c'est Grec, les Romains disaient Saturne
Goya en rajoute dans l'horreur ! |
là c'est un bisou avant la morsure : ne boudons pas notre plaisir ! |
après cette mise en bouche, j'en reviens aux Titans
et à leur chute, que je vous illustre par morceaux
Cornelis Corneliszoon dit van Haarlem (1562-1638) est l’un des représentants les plus brillants du maniérisme haarlémois. Il se forme auprès de Pieter Aertsen puis fait un séjour de formation d’une année dans le nord de la France. Avec le peintre-graveur Hendrick Goltzius et le peintre-théoricien Karel Van Mander, il est une figure majeure du renouveau artistique à Haarlem, ville des Provinces Unies des Pays-Bas néerlandais.
Ses premières œuvres voient le jour dans les années 1585-1590, après une période tumultueuse pour l’art haarlémois. En effet, la soudaine et enthousiaste floraison du maniérisme à Haarlem succède à une décennie de crise sociale et de malaise artistique. D’une part, le Beeldenstorm, ou « tempête iconoclaste » de 1566, initie une furie populaire qui ne se contente pas d'anéantir de nombreuses œuvres d'art ; elle brise aussi l'énergie créatrice d'un artiste comme Maerten van Heemskerck, principale figure de la vie artistique harlemoise au XVIe siècle. D’autre part, après un siège de sept mois entre 1572 et 1573, les troupes espagnoles de Felipe II occupent la ville dévastée d’Haarlem, qui reste encore quatre ans sous la coupe et les pillages répétés de l'occupant. Un cinquième de la population meurt de privation pendant ces années et le tiers des édifices de la ville est anéanti par les incendies et les pillages. Lorsque les Espagnols évacuent Haarlem en 1577, toute une tradition d'art et d'humanisme est mise à mal.
L’œuvre de Cornelis est représentative du renouveau figuratif qui naît à Haarlem après cette période. Elle se nourrit de l’impact des transferts culturels avec l’Italie où plusieurs de ses pairs sont partis en voyage, et dont ils sont revenus marqués par l’italianisme antiquisant. Ainsi, Karel Van Mander et Hendrick Goltzius fourniront à Cornelis une documentation abondante et variée de dessins et de gravures reproduisant d’après nature les monuments antiques qu’ils ont vus à Rome et figurant les motifs maniéristes en vogue en Italie. Ils travaillent conjointement à une esthétique italianisante. Le premier, auteur des "Vies Des Plus Illustres Peintres Des Pays-Bas", part pour l'Italie en 1573. Il y rencontre le peintre d’origine anversoise, Bartholomeus Spranger, dont l’œuvre aura une influence sur le développement du maniérisme dans le Nord. De retour au Pays-Bas en 1577, Karel van Mander initie Hendrick Goltzius, qui n'est pas encore parti pour l’Italie, au travail de Spranger dont il réalisera des gravures dès 1585. À la suite de Van Mander, cinq ans plus tard, Hendrick Goltzius rejoint les villes italiennes et s'intéresse aux travaux de Raffaello et de Michelangelo, et probablement au tombeau que ce dernier avait réalisé pour Giuliano de’ Medici à Florence en 1520.
Ah ! cotoyer Michel Ange, on comprend que cela puisse inspirer des artistes :
Je suis tenté de vous montrer le Jugement dernier de Michel Ange dans l'envers du mur de la Chapelle Sixtine, où la peinture, inspirée par les volumes de la sculpture qui a conduit au célèbre David géant, montre elle aussi des corps musclés magnifiques, qui ont du inspirer notre Cornelis :
ceux-là vont monter au ciel |
les damnés font une sale tête évidemment ! |
L’émulation artistique haarlémoise à la fin du XVIe siècle est favorisée par la circulation et la réappropriation de cette grammaire picturale. Goltzius réalise de nombreuses gravures d'après les œuvres de Spranger ; il popularise aussi des motifs antiques, telle sa copie de l'Hercule Farnèse vu de dos réalisée en 1591. Outre les gravures d’après Spranger, Goltzius popularise des formes sprangériennes dont témoignent les poses contorsionnées et les musculatures en volume de Cornelis.
saviez-vous qu'Adam et Eve avaient fait des enfants ? |
Cet intérêt de Cornelis pour les corps en volume s’intègre aussi à l’art de son aîné, figure éminente de la Haarlem du milieu du XVIe siècle : Maerten van Heemskerck. Il suffit de mettre en relation la Première Famille de Cornelis, et plus précisément la figure d'Adam avec un dessin à la plume du « Torse du Belvédère, un antique largement reproduit, de la main de Maerten van Heemskerck. Ce dessin présente de fortes similitudes avec Adam sur un rocher qui, pour maintenir Caïn sur ses genoux, doit légèrement se courber sur le côté. Pareil pour la famille d'Adam et Eve ci-dessus !
Pareil pour le massacre des Innocents
là encore, l'horreur du massacre des gosses à mains nues, par des adultes nus |
Le Massacre des Innocents est particulièrement représentatif du rôle focalisateur joué par ces nus de dos. Le corps du personnage accroupi, dont la jambe gauche est tendue en arrière en direction de l’œil du visiteur qui regarde, se trouve exactement sur la diagonale qui s’étend du coin inférieur gauche au coin supérieur droit. Le mouvement de son dos jusqu’à sa tête oriente le regard vers la scène du massacre qui, du fait de son isolement par un espace laissé vide alentour et de sa place, à l’intersection des diagonales, constitue le centre de l’œuvre. Au centre de cette scène de massacre, le corps du bourreau, placé sur la médiane de l’œuvre, apparaît comme la répétition en posture inversée du nu placé à l’avant-plan. Afin d’attirer l’attention du regardeur sur cette action, Cornelis utilise cette figure projetée en avant pour guider le regard qui se pose sur le premier corps, sur le corps sexualisé à l’outrance de ces hommes.
Le nu de dos sert d’élément indicateur vers la scène principale.
Dotés de corps à la musculature excessive et à la sensualité provocante, ces personnages sont à la fois l'image d'une action des plus scandaleuses, à la limite de la bestialité, mais également le reflet d'une exaction purement masculine, rappelant que cet infanticide est à l'initiative d'Hérode, roi des juifs.
Dans Vénus et Mars, la torsion hélicoïdale est bien visible dans la posture du dieu : ses pieds sont posés vers la droite, son bassin est déjà presque de dos et son nombril est dirigé vers le fond de l’œuvre. Ses épaules sont tournées de trois-quarts vers la gauche, alors que sa tête est quasiment de profil. Aucune partie du corps n’est orientée dans la même direction. Cette caractéristique évoque d’ores et déjà une influence de la sculpture grecque antique sur Cornelis, notamment au Discobole du sculpteur Myron, dont les différentes parties du corps sont orientées dans diverses directions. Alors que Mars est tourné vers la gauche, un autre corps dénudé de dos – d’enfant cette fois – lui répond symétriquement, placé à l’autre extrémité de l’œuvre et tourné vers la droite cette fois, toujours vers le centre du tableau où se situe la déesse de la beauté. Les deux nus de dos encadrent la scène, autre empreinte maniériste caractéristique de l’œuvre de Cornelis. Enfin, la posture en torsion et en action peu aisée de Mars traduit ses passions intérieures, les « mouvements de son âme », qui l’attirent irrémédiablement vers la déesse.
cette littérature n'est évidemment pas de moi :
elle intrigue, et illustre le rôle décisif des critiques d'Art, car vous imaginez bien que je n'avais pas observé si finement les nuances picturales du Peintre des Titans tout seul ! Par contre, le critique si disert dans la tournure des dos des mecs figurant les Titans, est muet sur les cache-sexes de deux d'entre eux sur lesquels il me faut bien revenir, ou venir tout court, puisque aucun critique ne les a remarqués !
je m'explique :
Je tente de m'incarner (fictivement) dans la tête de Cornelis pour illustrer une Chute des Titans :
je m'inspire de Michel Ange pour représenter des mecs musclés,
je fais comme s'ils n'avaient pas de parachute, et étaient jetés d'un avion en vol :
ils chutent ! (c'est le titre)
pour le moment ça va... jusqu'à ce qu'ils s'écrasent par terre !
ils chutent... et n'auront pas de descendance : donc :
je cache leurs Sacrés-bijoux-familiaux-reproducteurs, non pas pour protéger les yeux des jeunes filles,
mais pour les émasculer, le taureau qui devient boeuf, classique
c'est terrible reconnaissez-le :
le Titan devient ennuque : Le mot vient du grec ancien : εὐνή / eunḗ (« lit ») et ἔχω / ékhō (« garder »), soit « gardien du lit » (en latin cubicularius) : le rôle traditionnel de l'eunuque, gardien du harem.
et pour opérer cette castration-picturale, quoi de plus raffiné que les métamorphoses d'Ovide :
représenter des papillons forcément éphémères, sans distinction des sexes entre eux, qui eux aussi
chutent
à la fin de leur vie aérienne, pour mourir dans une chrysalide, simulant le cercueil...
voilà le rôle des deux "Grande Tortue", l'une fanée, prête à mourir ; l'autre guère mieux
elle a chuté sur un sexe masculin invisible, le cache, devenu impuissant,
en y trouvant ses ultimes forces, mais bien précaires :
la chute conduit ...à l'écrasement mortel des Titans :
émasculés, exterminés, métamorphosés !
est-ce une libellule aux ailes transparentes qui est juchée pile-poil sur le sexe de ce Titan tout nu ? |
Ce que Paul Philippot appelle la « flambée maniériste » à Haarlem et à Utrecht à la fin du XVIe siècle s’accompagne d’une recherche formelle typiquement nordique par les peintres de l’époque, et qui va de paire avec un naturalisme du corps humain résultant en partie du contraste entre l’idéalité de la forme et l’immédiateté existentielle du nu. Après une conception traditionnellement iconique du corps humain, la vision des artistes de l’Académie haarlémoise des Arts, dont Cornelis est un des trois fondateurs avec Goltzius et Karel van Mander, est de représenter le corps dans sa réalité volumétrique la plus parfaite. Les nus de dos peints par Cornelis dans la Chute des Titans en sont une expression des plus exemplaires et ostentatoires : ils se meuvent dans un espace illusoire en trois-dimensions et se présentent sous des angles et des postures des plus diverses afin de donner vie à un corps humain structuré selon des canons académiques de beauté idéale.
évidemment les deux papillons m'ont immédiatement attiré l'oeil,
j'ai tenté de vous expliquer leur présence, à la fois dramatique et ésotérique
engagée à l'origine par Dosso Dossi :
en peignant des papillons qui prennent vie, Dosso Dossi montre que le Peintre égale le Créateur de la vie, devenant Dieu lui-même, qui a impulsé cette étincelle magique qu'est la Vie
https://babone5go2.blogspot.com/2015/08/dosso-dossi.html
c'est la base du livre que je n'ai toujours pas publié, et qui a été égrené dans ce blog plétorique :
"les papillons dans la peinture" par Babo : 44 billets aujourd'hui !
a contrario, le Peintre Cornelis peut bien faire chuter les Titans, avec deux papillons
mourants !
j'aurai mis dix ans pour comprendre ça !
il est temps de nous intéresser à ces papillons de plus près :
pourquoi ces deux-là ?
aucun commentateur officiel comme les personnalités dont j'ai repris les académiques propos pour m'orienter : ils n'ont pas plus d'idées que moi, et ont zappé le sujet
le déni habituel !
la solution est-elle dans le dessous ?
Je n'ai qu'un Maître susceptible de m'aider, j'ai eu recours à lui plusieurs fois :
le pro de la Zoonymie :
Vous savez que c'est Carolus Linné qui a donné leurs noms aux papillons et autres créations du Grand Créateur de l'Univers, et il s'est appuyé, j'ai assez radoté là-dessus, sur deux livres de Mythologie qui lui ont soufflé les familles et espèces qu'il a repris dans ses classements binomiaux : Nom : Nymphalis avec une majuscule. Inspiré par les nymphes (elles inspirent toujours les mecs). Puis prénom en minuscule : polychloros ce qui ne veut pas dire grand chose : de toutes les couleurs ce qui peut s'appliquer à n'importe quoi !
Jean-Yves Cordier avec qui nous partageons un peu le prénom, rappelle les autres noms dits "vulgaires" du même papillon :
La majorité retiennent : la Grande Tortue, par opposition à la petite tortue qui est un cousin avec les mêmes dessins sur le dessus, mais plus petit.
Pourquoi tortue ?
voilà : il semblerait (pour d'anciens observateurs dont nous n'avons pu recueillir le témoignage vu qu'ils sont sous terre), le dessous à tout le moins les aurait fait penser aux écailles (astuce : les écailles des papillons ! ) de tortue (la couleur acajou verni).
Cela nous dit simplement que notre Peintre était érudit en entomologie, pour savoir représenter une libellule et une Grande tortue. Leurs couleurs collent si je puis dire avec les couleurs de ses Titans. Les insectes représentent des cache-sexes aussi crédibles que des slips, qui reconnaissons leur auraient donné un aspect trop humain à ce qui restaient des Titans, même s'ils chutent.
Je confirme qu'il est difficile, même moi je n'y arrive pas, à reconnaitre un individu mâle d'une femelle : parfait pour zapper les sexes, et illustrer la castration de Titans mâles, dont Zeux refuse qu'ils puissent procréer à nouveau : les Titans ne doivent plus pouvoir se reproduire !
Vous et moi ne sommes pas définitivement convaincus
mais nous avons fait preuve d'érudition, et d'observation
pour une fois le papillon ne fait pas allusion à l'âme
surtout là où il est placé
mais il cache les attributs masculins que l'on ne saurait voir, de manière inhabituelle
donc marrante !
c'est bien le seul motif de se marrer
quand on observe de loin cette Chute affolante
de Mecs qui se prenaient pour des Titans
avant de laisser la place à des Dieux plus catholiques si je puis dire
avec des Mecs, des Meufs, ayant tous les défauts du Monde
et passant leur temps libre puisqu'ils ne travaillaient pas
à se quereller, se jeter des sorts, et s'agissant des Mecs
à se taper toute meuf terrrestre sur lesquelles ils pouvaient exercer
leur Souverain Pouvoir et Droit-de-Cuissage
et quand je dis des Meufs, j'ai tort
puisque Zeus se tapait des mecs sans complexe
demandez à Ganymède !
Zeus s'est changé en cygne pour pécho Léda et en Aigle pour violer Ganymède c'est le Parrain de l'Amour-de-Tous-pour-Tous François Hollande était un piètre imitateur, quand Zeux était prophète |
Je laisse la conclusion au critique d'Art anonyme que j'ai déjà cité :
Véritable outil lexical d’une peinture du mouvement, le nu de dos utilisé en peinture de manière régulière par Cornelis van Haarlem incarne une appréhension artistique d’un dialogue renoué avec l’humain par la société néerlandaise de la fin du XVIe siècle.
Jean-Yves Cordier est lui également prolixe sur son sujet