Beau programme ! J'écoute Monique Canto-Sperber dans l'émission "La Grande Librairie", interviewée avec Paul Audi (qui parle de "l'empire de la compassion") et le belge David van Reybrouck (Odes chez Acte-Sud) par François Busnel
brillantissime
21 Avril 2021 | par Yaël Hirsch
La philosophe et ancienne
directrice de l’Ecole Normale supérieure propose dans "Sauver la liberté
d’expression" un diagnostic sur un malaise crucial de nos démocraties. Elle
propose également des pistes intéressantes, enrichie par la tradition
philosophique libérale pour penser cette liberté indispensable à la démocratie
sur de nouvelles bases.
j'en retiens :
le débat est indispensable à l'expression des idées. Rien ne vaut la controverse objective pour réfuter toute théorie. C'est ainsi que les êtres humains respectant la tolérance peuvent échanger librement. Ce devrait être la règle à l'Université, lieu justement d'échanges où doivent primer les arguments, et non pas s'imposer les dogmes.
Monique Canto Sperber explique tout cela avec aisance,
c'est un plaisir de l'entendre
Recul historique et philosophique
Sauver la liberté d’expression est le fruit d’un séminaire dirigé par l’auteure et le regretté Ruwen Ogien qui a duré de 2015 à 2018 à l’Ecole Normale supérieure. C’est le fruit d’une réflexion et d’échanges avec de nombreux spécialistes de la liberté d’expression parmi lesquelles Denis Ramond. Menée juste après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan et qui élargit le prisme jusqu’à John Stuart Mill vers le passé des modernes (19e siècle) et jusqu’à l’affaire Samuel Paty pour notre présent. Le recul proposé par Monique Canto Sperber est salutaire : elle reprend les principes de Stuart-Mill, les fondamentaux de la Loi sur la liberté d’expression de la IIe république (1881), aussi bien que les enjeux de l’Affaire Dreyfus avant de passer à Charlie Hebdo ou à la question de l’appel à la haine sur les réseaux sociaux aujourd’hui.
Le diagnostic d’un double malaise
Alors qu’il rappelle très
puissamment l’importance de la liberté d’expression pour nos démocraties, toute
la force de l’essai provient de son diagnostic juste et mesuré : « Ce livre fut
inspiré par un constat, l’existence de deux tendances apparemment contraires:
d’un côté, la multiplication de propos qui se veulent affranchis de tout tabou,
souvent à la limite du racisme,
voilà pour les
réseaux sociaux, où la parole est anonyme
... de l’autre, la prolifération de
formes nouvelles de censure, émanant de groupes, communautés, individus qui
veulent imposer leur loi à la parole publique. Ces deux tendances ruinent
pareillement la liberté d’expression ». Et la philosophe analyse
finement les nouvelles censures et les nouveaux affranchissements, proposant de
nombreuses illustrations riches et convaincantes, volontiers dans un contexte
français, mais pas uniquement. Présente sur les réseaux sociaux, elle voit ce
qui s’y passe mais n’arrive pas très bien à prouver qu’il y a de l’inouï
lorsqu’elle met en cause « la capacité des algorithmes d’accentuer la
visibilité de quelques opinions en affaiblissant la présence de celles qui s’y
opposent » : n’est-ce pas exactement la même chose que Pierre Bourdieu
critiquait dans L’opinion publique n’existe pas, quand il montrait que les
positions à prendre préexistent à l’opinion et son dessinées par des élites ?
Le livre est donc résolument
ancré dans la tradition philosophique libérale, avec un brin d’accent sur la
social-démocratie : les propositions faites ne sont pas révolutionnaires mais
n’hésitent pas à trancher : plutôt que de légiférer, il faut dans l’ensemble
faire confiance à l’espace public et à la parole qui vient contredire la parole
de haine, de ségrégation, de violence ou raciste.
Mais après avoir saisi toute la
mesure de l’acuité de la situation de crise de la liberté de parole et ses
paradoxes, Monique Canto-Sperber propose de manière originale de la penser
autrement. Elle propose de construire des garde-fous venus carrément de la
théorie de la guerre juste. L’idée est très séduisante et les premières grandes
lignes avec « trois justes moyens de lutte »: « refuser la censure », « s’en tenir
à la littéralité des propos » et « jamais d’interdiction préventive » sont plus
que séduisantes.
Monique Canto-Sperber, Sauver la liberté d’expression, Albin Michel, 336 p., 21,90 euros, Sortie le 21 avril 2021.
l’interview dure
42mn27s (de bonheur aurait chanté Sylvie Vartan)
https://www.youtube.com/watch?v=DKx19w_yOdM&ab_channel=FranceCulture
"Comme toute crise majeure,
cette année de pandémie a joué le rôle de révélateur. Elle a jeté une lumière
crue sur les inégalités de notre société ainsi que sur la vulnérabilité des
étudiants, des personnes âgées et démunies, des enfants pauvres, de même que de
tous ceux vivant de l'économie informelle ou dépendant des aides sociales. Elle
a aussi concrètement démontré la désindustrialisation de la France : nous nous
sommes rendu compte que les masques, les tests, les réactifs, les équipements
médicaux, et même les médicaments de base n'étaient presque plus produits chez
nous. Pareil pour les équipements informatiques des voitures créés à partir des
terres rares. Pareil pour ce qui concerne l’industrie nucléaire, que nous
démantelons difficilement alors que les usines fonctionnent encore ! Pareil
pour le bois, les matériaux de construction, j’ajoute tous les produits de
modélisme…même si l’on s’en moque !
Enfin, elle a prouvé que l'Etat
pouvait jouer un rôle majeur en temps de crise, en compensant financièrement la
perte d'activité de nombreux salariés.
Lorsqu'on regarde de plus près la
séquence qui vient de s'écouler, on parvient au contraire à la leçon opposée.
Hormis les aides économiques que j'ai rappelées, nous avons constaté qu'au
printemps dernier, l'Etat a multiplié les mesures de réquisition et de
répartition centralisées, avec parfois une opacité dans les prises de décision
et des…
… la suite est réservée aux
abonnés
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j'écoute les polémiques ce matin sur l'alerte lancée par quelques Généraux-à-la-retraite ("en charentaises" précise la Ministre de l'Industrie)
normalement, ils sont interdits de parole, appartenant à la Grande Muette
ils s'inquiéteraient du déclin de la France ? ?
...et 58% des Français penseraient comme eux ! !
alors ? ... la sauver,
... la liberté d'expression ?