Avant de vous raconter mon histoire, il faut nous mettre dans l'ambiance orientale d'Aladin et autres contes, que Sotheby's sait si bien nous raconter avec ses peintures orientales dont je n'ai pas fini l'inventaire : dans la lignée de notre grand peintre
romantique Eugène Delacroix, Victor Huguet excellait dans la peinture
de chevaux et de scènes de chasse se déroulant en Afrique du Nord. Ici, un
groupe de cavaliers observe un de leurs faucons attraper sa proie.
Voici le lot 110, comme il s'agit d'un Français moins connu, et pas de Delacroix himself, le prix est vraiment sympa avec un zéro de moins, voilà pourquoi je vous le montre : des seigneurs, que l'on dirait contemporains, chassent avec leurs faucons de simples perdrix d'élevage, jouant à celui qui a dressé le faucon le plus féroce : mieux vaut qu'ils tuent en effet des perdrix plutôt que des rivaux, ou qu'ils mettent des otages en esclavage ... !
la scène continue par terre, la récompense du faucon étant de bouffer sa proie |
Il me manque une scène de harem pour vous raconter l'histoire qui suit : du papillon qui tapait du pied, et que raconte naturellement Rudyard Kipling, la voici : elle est assez longue, mais je sais que, comme moi, vous restez confiné, et que vous avez à combler le temps et à vous cultiver comme nous l'a recommandé le Président.
En réalité, elle est écrite en Anglais, ce qui explique le titre original :
The Butterfly that Stamped
"Voici, ô ma Mieux-Aimée, une histoire, une nouvelle et
merveilleuse histoire, une histoire différente des autres histoires, une
histoire sur le Très Sage Souverain Suleiman-bin-Daoud, Salomon Fils de David. Elle fait référence au sceau de Salomon, le pentagramme, mentionné dans le tableau à Jaffa par notre Allemand Maler Gustav, Name : Bauernfeind que je vous montrais hier.
Il existe trois cent cinquante-cinq histoires sur
Suleiman-bin-Daoud, mais celle-ci n'en fait pas partie. Ce n'est pas l'histoire
du Vanneau qui découvrit l'Eau, ni de la Huppe qui protégeait de la chaleur
Suleiman-bin-Daoud. Ce n'est pas l'histoire du Pavé en Verre, ni du Rubis avec
le Trou de Travers, ni des Lingots d'Or de Balkis. C'est l'histoire du Papillon
qui Tapait du Pied.
"Maintenant, prête attention une fois encore et écoute !
"Suleiman-bin-Daoud était sage. Il comprenait ce que disaient
les bêtes, ce que disaient les poissons et ce que disaient les insectes. Il
comprenait ce que disaient les rochers au plus profond de la terre quand ils se
penchaient les uns vers les autres en gémissant ; et il comprenait ce que
disaient les arbres quand ils frissonnaient au milieu de la matinée. Il
comprenait tout, depuis l'évêque en chaire jusqu'à l'hysope sur le mur ; et
Balkis, sa Reine Principale, la Toute Belle Reine Balkis, était presque aussi
sage que lui.
"Suleiman-bin-Daoud était puissant. Au troisième doigt de sa
main droite il portait un anneau. Lorsqu'il le tournait une fois, les Afrites
et les Djinns surgissaient de terre pour faire tout ce qu'il leur ordonnait.
Lorsqu'il le tournait deux fois, les Fées descendaient du ciel pour faire tout
ce qu'il leur ordonnait ; et lorsqu'il le tournait trois fois, le très puissant
ange Azrael de l'Épée venait, vêtu en porteur d'eau, lui apporter les nouvelles
des trois mondes : Au-Dessus, Au-Dessous et Ici.
"Pourtant, Suleiman-bin-Daoud n'était pas orgueilleux. Il
tentait rarement de faire de l'épate et lorsque cela lui arrivait, il le
regrettait. Une fois, il voulut nourrir tous les animaux du monde entier en un
seul jour, mais quand la nourriture fut prête, un Animal sortit de la mer
profonde et avala tout en trois bouchées. Fort surpris, Suleiman-bin-Daoud dit
:
— Ô Animal, qui es-tu ?
Et l'Animal dit :
— Ô Roi, longue vie à toi ! Je suis le plus petit de trente
mille frères et nous vivons au fond de la mer. Nous avons appris que tu allais
nourrir tous les animaux du monde et mes frères m'ont envoyé te demander quand
le dîner serait servi.
Suleiman-bin-Daoud, encore plus surpris, dit :
— Ô Animal, tu as mangé tout le dîner que j'avais préparé
pour tous les animaux du monde.
Et l'Animal dit :
— Ô Roi, longue vie à toi ! Tu appelles ça un dîner ? D'où
je viens, nous mangeons deux fois plus entre les repas.
Alors Suleiman-bin-Daoud s'aplatit la face contre terre et
dit :
— Ô Animal ! J'offrais ce dîner pour montrer quel puissant
et riche roi j'étais, et pas vraiment pour être bienveillant envers les
animaux. Maintenant, j'ai honte et c'est bien fait pour moi.
Suleiman-bin-Daoud était un sage, un vrai de vrai, ma
Mieux-Aimée. Après cela, il n'oublia jamais que c'était idiot de faire de
l'épate, et maintenant commence la véritable histoire.
Il épousa des femmes tant et plus. Il épousa neuf cent
quatre-vingt-dix-neuf femmes, sans compter la Toute Belle Balkis ; et elles
vivaient dans un immense palais d'or, au milieu d'un ravissant jardin avec des
fontaines. Il n'avait pas vraiment besoin de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf
femmes, mais en ce temps-là, tout le monde épousait des femmes tant et plus et
le Roi, bien entendu, se devait d'en épouser plus encore, rien que pour montrer
qu'il était le Roi.
Certaines des femmes étaient aimables mais d'autres tout
bonnement abominables, et les abominables se querellaient avec les aimables et
les rendaient abominables à leur tour ; alors elles se querellaient toutes avec
Suleiman-bin-Daoud et cela devenait abominable pour lui. Mais Balkis la Toute
Belle ne se querellait jamais avec Suleiman-bin-Daoud. Elle l'aimait trop. Elle
restait assise dans ses appartements du Palais d'Or ou bien elle se promenait
dans les jardins du Palais, et elle était sincèrement désolée pour lui.
Bien sûr, s'il avait décidé de tourner sa bague pour évoquer
les Djinns et les Afrites, ils auraient magiqué ces neuf cent
quatre-vingt-dix-neuf épouses querelleuses en mules blanches du désert, en
lévriers ou en pépins de grenades, mais Suleiman-bin-Daoud craignait que cela
soit de l'épate. Si bien que lorsqu'elles se querellaient trop, il allait se
promener seul dans les beaux jardins du Palais en souhaitant n'être jamais né.
Un jour, alors qu'elles se querellaient depuis trois
semaines, toutes les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf épouses ensemble,
Suleiman-bin-Daoud sortit pour chercher la paix et le calme comme d'habitude,
et parmi les orangers il rencontra Balkis la Toute Belle, fort peinée que
Suleiman-bin-Daoud soit à ce point tourmenté. Elle lui dit :
— Ô mon Seigneur et Lumière de mes Yeux, tournez la bague à
votre doigt et montrez à ces Reines d'Égypte, de Mésopotamie, de Perse et de
Chine quel puissant et terrible Roi vous êtes.
Mais Suleiman-bin-Daoud secoua la tête et dit :
— Ô ma Dame et Délice de ma Vie, souvenez-vous de l'Animal
qui sortit de la mer et me fit honte devant tous les animaux du monde parce que
je voulais faire de l'épate. Maintenant, si je faisais de l'épate devant ces
reines de Perse, d'Egypte, d'Abyssinie et de Chine, uniquement parce qu'elles
me tourmentent, je pourrais avoir plus honte encore.
Et Balkis la Toute Belle dit :
— Ô mon Seigneur et Trésor de mon Ame, qu'allez-vous faire ?
Et Suleiman-bin-Daoud dit :
— Ô ma Dame et Contentement de mon Cœur, je continuerai à endurer
mon destin entre les mains de ces neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Reines qui me
contrarient avec leurs querelles incessantes.
Alors il poursuivit sa promenade parmi les lis, les nèfles,
les roses, les balisiers et les gingembriers aux lourdes senteurs, qui
poussaient dans le jardin, jusqu'à ce qu'il atteignît le grand camphrier qu'on
appelait le Camphrier de Suleiman-bin-Daoud. Mais Balkis se cacha parmi les
hauts iris, les bambous tachetés et les lis rouges, derrière le camphrier, afin
de rester proche de son seul et véritable amour, Suleiman-bin-Daoud.
Bientôt, deux Papillons arrivèrent sous l'arbre en voletant,
et ils se querellaient.
Suleiman-bin-Daoud entendit l'un dire à l'autre :
— J'admire ton audace à me parler ainsi. Ignores-tu que si
je tapais du pied, le Palais de Suleiman-bin-Daoud tout entier et ce jardin
disparaîtraient dans un coup de tonnerre ?
Alors Suleiman-bin-Daoud oublia ses neuf cent
quatre-vingt-dix-neuf femmes agaçantes et rit, à en faire trembler le
camphrier, de la vantardise du Papillon. Puis il leva le doigt et dit :
— Viens ici, petit bonhomme.
Le Papillon était terriblement effrayé, mais il trouva moyen
de voler jusqu'à la main de Suleiman-bin-Daoud et il s'y posa en s'éventant.
Suleiman-bin-Daoud pencha la tête et murmura tout doucement :
— Petit bonhomme, tu sais que tous tes tapements de pied ne
courberaient pas un brin d'herbe. Qu'est-ce qui t'a poussé à dire ce boniment
effarant à ton épouse ? Car à coup sûr, il s'agit de ton épouse.
Le Papillon regarda Suleiman-bin-Daoud et il vit les yeux du
Roi Très Sage scintiller comme deux étoiles par une nuit de gel ; il prit son
courage à deux ailes et il pencha la tête sur le côté et dit :
— Ô Roi, longue vie à toi ! C'est bien mon épouse, et tu
sais comment sont les épouses.
Suleiman-bin-Daoud sourit dans sa barbe et dit :
— Oui, je sais, petit frère.
— Il faut les tenir d'une manière ou d'une autre. J'ai dit
ça pour la calmer.
Et Suleiman-bin-Daoud dit :
— Puisse cela la calmer. Retourne auprès de ton épouse,
petit frère, et laisse-moi écouter ce que tu lui dis.
Le Papillon repartit en voletant vers son épouse qui était
dans tous ses états, derrière une feuille, et elle dit :
— Il t'a entendu ! Suleiman-bin-Daoud t'a entendu !
— S'il m'a entendu ! dit le Papillon. Bien sûr qu'il m'a
entendu ! Je voulais qu'il m'entende !
— Et qu'a-t-il dit ? Oh, qu'a-t-il dit ?
— Eh bien, dit le Papillon en s'éventant d'un air
avantageux, entre nous, ma chère, bien sûr je ne le blâme pas, car ce Palais a
dû lui coûter fort cher et les oranges commencent juste à mûrir, il m'a demandé
de ne pas taper du pied, et j'ai promis de ne pas le faire.
— Bonté divine ! dit son épouse qui en resta assise et
coite, mais Suleiman-bin-Daoud riait, à en avoir les larmes aux yeux, devant
l'impudence de ce mauvais petit Papillon.
Balkis la Toute Belle se leva derrière l'arbre, parmi les
lis rouges, et sourit in petto car elle avait tout entendu. Elle pensa : « Si
je suis habile, je peux encore sauver mon Seigneur des persécutions de ces
Reines querelleuses. » Elle leva le doigt et murmura doucement à l'Épouse du
Papillon :
— Viens ici, petite bonne-femme.
L'Épouse du Papillon s'envola, tout effrayée, pour se poser
sur la blanche main de Balkis.
Balkis pencha son joli visage et murmura :
— Petite bonne-femme, crois-tu ce que ton mari vient de te
dire ?
L'Épouse du Papillon regarda Balkis et vit les yeux de la
Reine Toute Belle briller comme des lacs profonds à la clarté des étoiles ;
elle prit son courage à deux ailes et dit :
— Ô Reine, sois belle à jamais. Tu sais, toi, comment sont
les hommes.
Et la Reine Balkis, la Sage Balkis de Saba, mit la main sur
les lèvres pour dissimuler un sourire et dit
— Je sais, petite sœur.
— Ils se mettent en colère pour un rien, dit la Femme du
Papillon en s'éventant très vite, mais nous devons leur complaire. Ils ne
pensent pas la moitié de ce qu'ils disent. S'il chante à mon mari de croire que
je le crois capable de faire disparaître le Palais de Suleiman-bin-Daoud en
tapant du pied, franchement, cela m'est bien égal. Demain il aura tout oublié.
— Tu as bien raison, petite sœur, dit Balkis. Mais la
prochaine fois qu'il commencera à se vanter, prends-le au mot. Demande-lui de
taper du pied pour voir ce qui se passera. Nous autres, nous savons, n'est-ce
pas, comment sont les hommes. Il aura très honte.
L'Épouse du Papillon rejoignit son mari en voletant et au
bout de cinq minutes ils se querellaient de plus belle.
— Rappelle-toi ! dit le Papillon. Rappelle-toi ce que je
peux faire si je tape du pied.
— Je n'en crois pas un mot, dit l'Épouse du Papillon. Je
voudrais bien te voir à l'œuvre. Supposons que tu tapes du pied maintenant ?
— J'ai promis à Suleiman-bin-Daoud de ne pas le faire, dit
le Papillon, et je ne veux pas renier ma parole.
— Ça ne changerait rien si tu le faisais, dit son épouse. Tu
ne courberais pas un brin d'herbe en tapant du pied. Je te défie de le faire,
dit-elle. Tape ! Tape ! Tape !
Suleiman-bin-Daoud, assis sous le camphrier, entendit chaque
mot et il rit comme jamais encore il n'avait ri de sa vie. Il en oublia
complètement ses Reines, il en oublia l'Animal qui avait surgi de la mer, il en
oublia l'épate. Il riait de joie voilà tout, et Balkis, de l'autre côté de
l'arbre, sourit car son seul et véritable amour était heureux.
Bientôt, le Papillon, tout échauffé et essoufflé, revint en
tournoyant à l'ombre du camphrier et dit à Suleiman :
— Elle veut que je tape du pied ! Elle veut voir ce qui se
passera, ô Suleiman-bin-Daoud ! Tu sais que je ne peux pas le faire et
désormais, elle ne voudra plus jamais croire un mot de ce que je dis. Elle va
se moquer de moi jusqu'à la fin de mes jours !
— Non, petit frère, dit Suleiman-bin-Daoud. Elle ne se
moquera plus jamais de toi.
Et il tourna l'anneau à son doigt, rien que pour le petit Papillon,
non pour faire de l'épate, et voilà-t-il pas que quatre gigantesques Djinns
sortent de terre !
— Esclaves, dit Suleiman-bin-Daoud. Quand ce monsieur qui
est sur mon doigt (c'est là que s'était posé l'impudent Papillon) tapera du
pied gauche avant de devant, vous ferez disparaître mon Palais et ces jardins
dans un coup de tonnerre. Lorsqu'il tapera une seconde fois, vous les remettrez
soigneusement en place. Maintenant, petit frère, dit-il, retourne auprès de ton
épouse et tape du pied tout ton soûl.
Le Papillon s'envola vers sa femme qui criait :
— Je te défie de le faire ! Je te défie de le faire ! Tape !
Tape maintenant !
Balkis vit les quatre énormes Djinns se baisser vers les
quatre coins du jardin, avec le Palais au milieu, et elle applaudit doucement
et dit :
— Enfin Suleiman-bin-Daoud va faire pour un Papillon ce
qu'il aurait dû faire depuis longtemps pour lui-même, et les Reines
querelleuses vont avoir peur !
Alors le Papillon tapa du pied. Les Djinns soulevèrent le
Palais et les jardins à mille lieues dans les airs : il se produisit un
effroyable coup de tonnerre et tout devint noir comme de l'encre. L'Épouse du
Papillon voletait dans l'obscurité en criant :
— Oh ! Je serai gentille ! Je regrette tant d'avoir parlé !
Ramène les jardins, mon petit mari chéri, et je ne te contredirai plus !
Le Papillon était presque aussi apeuré que sa femme et
Suleiman-bin-Daoud riait si fort qu'il lui fallut plusieurs minutes pour
retrouver son souffle et murmurer au Papillon :
— Tape encore du pied, petit frère. Rends-moi mon Palais,
très grand magicien.
— Oui, rends-lui son Palais, dit l'Épouse du Papillon en
continuant à voler dans tous les sens dans le noir comme une mite. Rends-lui
son Palais et finissons-en avec cette horrible magie.
— Très bien, ma chère, dit le Papillon, de l'air aussi brave
qu'il put. Tu vois à quoi ont mené tes chamailleries. Bien sûr, pour moi cela
importe peu, je suis habitué à ce genre de choses, mais par bonté pour toi et
pour Suleiman-bin-Daoud, j'accepte de tout remettre en place.
Il tapa donc du pied une nouvelle fois et à l'instant les
Djinns reposèrent le Palais et les jardins sans le moindre heurt. Le soleil
brilla sur les feuilles d'oranger vert foncé, les fontaines jouèrent parmi les
lis roses d'Egypte, les oiseaux se remirent à chanter et l'Epouse du Papillon
s'allongea sur le flanc à l'ombre du camphrier, frémissant des ailes et
haletant :
— Oh ! Je serai gentille ! Je serai gentille !
Suleiman-bin-Daoud pouvait à peine parler tant il riait. Il
se renversa, épuisé et hoquetant, et il menaça du doigt le Papillon et dit :
— Ô grand magicien, à quoi bon me rendre mon Palais si en
même temps tu me fais mourir de rire ?
Alors se produisit un bruit terrible car les neuf cent
quatre-vingt-dix-neuf Reines au grand complet sortirent du Palais en criant,
hurlant, et appelant leurs bébés. Elles dévalèrent le grand escalier de marbre
sous la fontaine, cent de front, et Balkis la Très Sage s'avança vers elles
majestueuse et dit :
— Quel ennui est le vôtre, ô Reines ?
Elles s'arrêtèrent sur l'escalier de marbre, cent de front,
et crièrent :
— Notre ennui, quel est-il ? Nous vivions en paix dans notre
Palais d'Or, comme à l'accoutumée, quand le Palais, soudain, a disparu et nous
nous sommes retrouvées assises dans d'épaisses et très denses ténèbres ; puis
il a tonné tandis que des Djinns et des Afrites se mouvaient dans les ténèbres
! Voilà notre ennui, ô Reine Première, et nous sommes très extrêmement ennuyées
au niveau de cet ennui car ç'a été un ennui très ennuyeux ne ressemblant à
aucun ennui que nous ayons connu.
Alors Balkis, la Reine Toute Belle, la Très Mieux-Aimée de
Suleiman-bin-Daoud, qui fut Reine de Saba, de Sabie et des Fleuves de l'Or du
Sud, du Désert de Zinn aux Tours du Zimbabwe, Balkis, presque aussi sage que le
Très Sage Suleiman-bin-Daoud lui-même, dit :
— Ce n'est rien, ô Reines ! Un Papillon s'est plaint de son
épouse qui ne cessait de se quereller avec lui et il a plu à notre Seigneur
Suleiman-bin-Daoud de donner à cette dame une leçon de suavité vocale et
d'humilité, car ce sont là des vertus parmi les épouses de papillons.
Alors une Reine d'Egypte, la fille d'un Pharaon, s'avança et
dit :
— Notre Palais ne peut pas être déraciné comme un poireau à
cause d'un misérable insecte. Non ! Suleiman-bin-Daoud doit être mort et ce que
nous avons entendu et vu, c'était la terre qui tonnait et s'obscurcissait en
apprenant la nouvelle.
Alors Balkis fit signe à cette Reine téméraire sans la
regarder et lui dit, ainsi qu'aux autres :
— Venez voir.
Elles descendirent l'escalier de marbre, cent de front, et
sous son camphrier, tout épuisé encore d'avoir tant ri, elles virent le Très
Sage Roi Suleiman-bin-Daoud se balancer d'avant en arrière, un Papillon sur
chaque main, et elles l'entendirent qui disait :
— Ô Épouse de mon frère dans les airs, souviens-toi après
ceci de plaire à ton mari en toutes choses, et de ne point le provoquer de peur
qu'il ne tape de nouveau du pied, car il s'est dit coutumier de cette Magie et,
suréminemment, c'est un grand magicien, il peut à lui seul dérober le Palais
même de Suleiman-bin-Daoud. Allez en paix, petites gens !
Et il les embrassa sur les ailes et ils s'envolèrent.
Alors, toutes les Reines, excepté Balkis, la Toute Belle et
Rayonnante Balkis, qui se tenait à l'écart en souriant, s'aplatirent le visage
contre terre et dirent :
— Si de telles choses se produisent lorsqu'un Papillon est
mécontent de son épouse, que nous arrivera-t-il à nous qui agaçons notre Roi
avec nos éclats de voix et nos querelles permanentes depuis tant de jours ?
Alors, elles abaissèrent leur voile sur leur visage et elles
posèrent les mains sur leur bouche, et elles regagnèrent le Palais sur la
pointe des pieds, sages comme des images.
Antoine Hector Edmond Joinville |
Alors, Balkis, la Toute Belle et Excellente Balkis, s'avança
parmi les lis rouges jusqu'à l'ombre du camphrier, posa la main sur l'épaule de
Suleiman-bin-Daoud et dit :
— Ô mon Seigneur et Trésor de mon Âme, réjouissez-vous car
nous avons donné aux Reines d'Égypte, de Mésopotamie, d'Abyssinie, de Perse,
d'Inde et de Chine une grande et mémorable leçon.
Et Suleiman-bin-Daoud qui regardait encore les Papillons
jouer dans la lumière du soleil dit :
— Ô ma Dame et Joyau de ma Félicité, quand cela a-t-il eu
lieu ? Car je ne fais que m'amuser avec un Papillon depuis que je suis dans le
jardin.
Et il raconta à Balkis ce qu'il avait fait.
Balkis, la Tendre et Toute Ravissante Balkis, dit :
— Ô mon Seigneur et Régent de mon Existence, j'étais cachée
derrière le camphrier et j'ai tout vu. C'est moi qui ai dit à l'Epouse du
Papillon de demander au Papillon de taper du pied en espérant que par amusement
mon Seigneur accomplirait quelque grande Magie et que voyant cela les Reines
auraient peur.
Et elle lui répéta ce qu'avaient dit, vu et pensé les
Reines.
Alors Suleiman-bin-Daoud se leva de son siège sous le
camphrier, il s'étira et se réjouit et dit :
— Ô ma Dame et Liqueur de mes Jours, sachez que si j'avais
fait une Magie contre mes Reines, par orgueil ou colère de même que j'avais
organisé ce banquet pour tous les animaux, j'aurais certainement eu honte. Mais
grâce à votre sagesse, j'ai fait la Magie par amusement à cause d'un petit
Papillon, et voilà, elle m'a aussi délivré des tracasseries de mes tracassières
épouses. Dites-moi donc, ô ma Dame et Cœur de mon Cœur, d'où vient tant
d'habileté ?
Et Balkis la Reine, belle et grande, plongea ses yeux dans
les yeux de Suleiman-bin-Daoud et pencha un peu la tête sur le côté, comme le
Papillon, et dit :
— C'est premièrement, ô mon Seigneur, que je vous aime et
deuxièmement, ô mon Seigneur, que je sais comment sont les femmes.
Alors ils remontèrent ensemble vers le palais et vécurent
heureux pendant très longtemps.
N'était-ce pas habile de la part de Balkis ?
Il n'y eut jamais
Reine semblable à Balkis.
Mais...
Mais Balkis parlait à un papillon
Comme on ferait à un ami.
Il n'y eut jamais
Depuis que s'est mise à tourner la terre
Roi semblable à Salomon.
Mais...
Salomon parlait à un papillon
Comme ferait homme à son frère.
L'une était Reine de Saba
L'autre était Maître de l'Asie
Tous les deux parlaient à des papillons
Quand ils se promenaient là-bas
Loin de leur patrie.
Edward John Pointer a bien entendu représenté la rencontre entre la reine de Sabba et le roi Salomon mais ce tableau n'est pas à vendre ! |
épilogue
Quand on pense qu'au début de l'effet papillon actuel, il a suffi à quelques Chinois désoeuvrés de bouffer un pangolin sauvage.... à moins que ce soit quelques chauve-souris ? De contaminer sa famille et les amis de son village invités au festin. Puis les bons expatriés Français venus bosser en Chine tout en conservant leur résidence Parisienne et leur Sécurité sociale française, normal qu'ils soient rapatriés d'urgence par un avion fretté pour eux. Pas de bol qu'un Agent volant d'Air France ait été contaminé avant de rejoindre ses quartiers à Paris ...pendant que d'autres Evangélistes contaminaient un autre foyer d'infection...et aient ainsi été à l'origine de milliers de malades ... puis de morts...
c'est avec cet effet papillon que tout aurait commencé !
et vous ne croiriez pas à l'histoire du papillon qui tapait du pied ?
https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-war-against-corona-la-chanson-pleine-espoir-d-un-caennais-6785594 |
il y a un triptyque à ces scènes orientales :
il manque les scènes de harem
regardées de près, elles sont pour moi ... très anxiogènes
je vous montre Tanoux et ses favorites ...
demain !