mardi 25 juin 2019

Un Chinois élu directeur de la FAO à Rome


C’est Qu Dongyu, vice-ministre chinois de l'Agriculture, qui a été élu dimanche 23 juin à Rome directeur général de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Il succédera en août au Brésilien José Graziano da Silva.Il a  obtenu la majorité absolue dès le premier tour de scrutin, avec 108 voix, quand la candidate française Catherine Geslain-Lanéelle obtenait 71 voix, et le candidat géorgien Davit Kirvalidze, 12 voix, selon le décompte annoncé après ce premier tour.


Je suis déçu : il faut dire que Catherine G.L était ancienne dirigeante de l'Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa). Elle fut de mon temps Directrice Générale de l’Alimentation au Ministère de l’Agriculture, et en tant que telle, patronne des Vétérinaires de France. J’avais eu l’honneur de la conduire en la recevant à Lyon pour rencontrer justement les vétos à l'époque de la vache folle.

« Son énergie est inversement proportionnelle à sa silhouette fluette ! » Voilà, en une formule du ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, un joli portrait de Catherine Geslain-Lanéelle, la candidate européenne à la direction générale de la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Première femme à en briguer la tête, il serait déplacé et réducteur de la ramener à une apparence. Mais Catherine Geslain-Lanéelle a aussi pour elle d’être élégante, charismatique et brillante. Depuis juillet, la Française défend sa candidature de manière inédite dans cette institution : elle se montre et bat campagne !



Elle a d’abord plaidé sa cause devant les 28 ministres de l’agriculture de l’UE, réunis le 25 septembre au Château de Hof en Autriche. Un grand oral durant lequel l’ancienne directrice exécutive de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a fait valoir son expérience, sa connaissance des dossiers, son goût pour le management et une façon efficace de faire travailler les équipes ensemble. A l’Efsa, dont elle participa à la création après une série de crises et de scandales alimentaires, dont celui de la vache folle que les Etats n’avaient pas su gérer, elle laisse un excellent souvenir. « Elle a fait collaborer des pays aux intérêts divergents et aux normes différentes, pour aboutir à un standard commun d’évaluation des risques. Elle a une façon inclusive de travailler, le talent de ne jamais créer de frustrations et de tirer tout le monde vers le haut », loue Sébastien Abis, le directeur général du Club Demeter, un think tank agricole.

C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Europe – et pas seulement la France – l’a adoubée. C’est important car l’UE est la première contributrice obligatoire de la FAO, avec plus de 250 millions d’euros sur un budget bisannuel de 2,6 milliards de dollars (contributions obligatoires et volontaires). Un investissement important qui permet au continent de peser dans les débats sur l’avenir de l’agriculture, de la forêt, de la pêche, du développement durable.

La base logistique de Catherine Geslain-Lanéelle reste la France : elle est entourée d’une petite équipe mise à disposition par le ministère de l’Agriculture, qui lui fournit aussi un bureau. Mais elle a décidé d’elle-même de se lancer à la conquête de la FAO. Un projet qu’elle a d’abord « vendu » à l’ex-ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, avant de recevoir le feu vert de Jean-Yves Le Drian et d’Emmanuel Macron. Le Quai d’Orsay lui donne un coup de main, l’ambassade de Rome aussi – c’est là qu’est le siège de la FAO.

évidemment, née à Toulouse. Ingénieur Agro INA ; et IPEF

Forte de ces soutiens, Catherine Geslain-Lanéelle, polyglotte (français, italien, anglais, espagnol), a multiplié les prises de contact : Ukraine, Russie, Royaume-Uni, Rome pour le comité de la sécurité alimentaire mondiale ; Afrique du Sud, Genève ; COP24 à Katovice, G20 de Buenos Aires ; New York puisqu’elle espère le soutien américain, soit 35 % du budget de la FAO… Elle comptabilise déjà une soixantaine de déplacements et a rencontré les représentants de 140 pays. L’Espagnol Miguel Angel Moratinos, qui a échoué sur le fil à prendre le poste en 2011 face au brésilien José Graziano da Silva, l’a aussi débriefée. Une leçon sur les erreurs tactiques à ne pas reproduire. Chaque voix compte.


Catherine Geslain-Lanéelle défend une vision de l’agriculture et des échanges agroalimentaires qui a les faveurs des Etats-Unis, davantage que celle mise en avant par Pékin. Elle aurait été très regardante sur la neutralité de l’actuel directeur général, José Graziano da Silva. Le Brésilien a invité en janvier le candidat chinois à s’exprimer lors d’une table ronde du Forum mondial sur l’alimentation à Berlin, s’attirant l’ire des Indiens et l’obligeant à diffuser ensuite une note interne rappelant à chaque agent de l’organisation son devoir de réserve.

« La révolution verte a permis de multiplier par trois la production depuis les années 1960 quand la population a été multipliée par deux. Les solutions existent. Il ne faut pas se priver de l’apport de la science. Ce qu’il faut, c’est magnifier les bonnes pratiques»

Pour la candidate de l’Europe, la FAO est une continuité dans son parcours professionnel. « J’ai consacré ma vie à l’agriculture et à la forêt et conduit des initiatives au niveau français, européen et international, confie-t-elle. La mission de la FAO est d’aider à éradiquer la faim dans le monde et de promouvoir des systèmes de développement durable. Ce sont des actions qui touchent les questions de paix, de sécurité, de migrations. L’un des principaux leviers de la FAO, c’est le plaidoyer. » Mais pas le seul.

Avec ses bureaux dans 130 pays et 60% de son personnel affecté à l’étranger, loin de Rome, la FAO possède un levier d’action et de dialogue considérable. Souvent critiquée pour être un « super machin» (3 500 fonctionnaires et jusqu’à 11 000 employés avec les contractuels), cette organisation possède pourtant une expertise unique. La FAO collecte des statistiques, conseille les Etats, mène des projets dans les pays émergents, héberge tous les grands débats (OGM, sécurité alimentaire, déforestation, érosion des sols…), agit aussi sur le registre de normes à travers son codex alimentarius intégré dans les législations nationales et utilisé comme référence par les pays dans les différends à l’OMC. « Son carburant, c’est l’intelligence des hommes et des femmes », ajoute la candidate qui prévoit toutefois, si elle est élue, de lutter contre la bureaucratie onusienne.

L’objectif principal de Catherine Geslain-Lanéelle restait la lutte des Etats contre la malnutrition (821 millions de personnes souffrent de la faim et 2 milliards sont mal nourries). C’est un enjeu majeur pour résorber les conflits et stabiliser les migrations mondiales. « Il faut aider les populations à vivre là où elles sont, poursuit Catherine Geslain-Lanéelle. D’autant qu’une économie agricole qui va bien, ce ne sont pas seulement des bénéfices alimentaires, c’est aussi une économie du service qui se développe, et des perspectives pour les jeunes générations, puisque la population agricole mondiale est vieillissante. »

« D’ici 2030, il faudra augmenter la production alimentaire mondiale de 50%, d’après la FAO, expliquait la candidate. La population mondiale passera de 7 à 10 milliards d’individus d’ici 2050, essentiellement sous le poids de l’Afrique qui comptera un milliard d’âmes en plus. Ce qui, ajouté au changement climatique, accroîtra fortement la pression sur les ressources hydriques et foncières. » 

La candidate ne manquait pas d’idées pour développer la production agricole et animale : meilleure intégration des femmes, sécurisation de l’accès au foncier, partenariat public-privé, développement des systèmes de certification, essor de la productivité et des chaînes de valeurs, réduction des pertes post-récoltes très importante en Afrique – continent sur lequel les rendements sont encore très inférieurs au reste du monde. Elle soutient la mise en œuvre de politiques agricoles fortes, promet de mettre autour de la table des sujets sensibles comme celui de la filière huile de palme, insiste sur la nécessité des produits animaux dans la consommation des jeunes face à la promotion du vegan.

Elle prônait l’accès aux innovations, y compris aux OGM. « La révolution verte a permis de multiplier par trois la production depuis les années 1960 quand la population a été multipliée par deux, justifie-t-elle. Les solutions existent. Il ne faut pas se priver de l’apport de la science. Ce qu’il faut, c’est magnifier les bonnes pratiques ». 


elle voulait représenter les femmes à la FAO, 

c’est un chinois qui devra le faire… !




qu'il y ait du pain pour tous !

juste à côté du Circo Massimo