mardi 19 mai 2015

Pilleurs d’Etat

de Philippe Pascot

qui est-ce ? 

... un indigné ? 

... un résistant (authentique) ?


Vous vous souvenez la devise du Figaro, empruntée à Beaumarchais : « sans liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur » ? 

Philippe Pascot monte, lui, d’un cran : « En ces temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire »

quelle déclaration !

Ancien maire adjoint d’Évry auprès de Manuel Valls, puis conseiller municipal, ancien conseiller régional, président de la commission formation professionnelle et apprentissage de l’Ile de France, comédien ; fondateur d’un journal et d’une radio, homme-orchestre, Chevalier des Arts et des Lettres, Philippe Pascot a 25 ans de vie politique derrière lui et a fréquenté la plupart des élus politiques de premier plan. Il milite pour une transparence totale de l’exercice politique et est engagé dans de nombreux combats de société ...


la preuve !


Il est co-auteur avec Grazielle Riou de « Délits d’élus »  - 400 élus en prise avec la justice (Max Milo 2014). Il vient de sortir : « Pilleurs d’Etat ».

quel titre !

Agnès Verdier-Molinier nous l’avait déjà dit, et donné le chiffre précis dans : « on va dans le mur » : http://babone5go2.blogspot.fr/2015/03/on-va-dans-le-mur.html : Combien avons-nous d’élus en France ? 600.000  élus ? 700.000 mandats électifs ? C’est Philippe qui parle : « Nous ne le savons pas exactement... ». Agnès, elle, nous précise : 618.384. C’est là qu’elle est convaincante, une des rares à avoir fait l’addition !  Ce que nous savons en revanche, c’est que la France est proportionnellement le pays au monde avec le plus d’élus par habitant !




« S’agissant de leurs émoluments, beaucoup d’élus touchent peu, au service de la population, il est vrai, mais d’autres touchent beaucoup, à leur propre et seul service. En effet, pour ceux situés en haut de la pyramide, grâce à l’effet des cumuls divers et autres activités annexes, c’est jusqu’à, pour quelques-uns, un million d’euros  de revenus par an, sans compter avantages et privilèges divers. Que cachent nos élus sous le tapis de leur exemplarité affichée ? Pourquoi une moralité aussi élastique quand elle touche à leurs privilèges ? Comment ce système qui produit des abus s’est-il généralisé et pérennisé ? Philippe Pascot démontre à travers des faits concrets que le système lui-même, dans son immobilisme calculé, ne peut donner naissance qu’à des dérives légales mais toujours totalement immorales. Si tous les élus ne sont pas pourris, beaucoup sont complices, ou simplement complaisants. Cet ouvrage recense presque tous les abus légaux dans lesquels se vautre sans vergogne une partie de la classe politique française : revenus exorbitants, exonération d’impôts, retraite douillette et autres petits arrangements entre amis, le tout dans le cadre de lois faites sur mesure et qu’ils connaissent sur le bout des doigts ».

Philippe Pascot poursuit : "J‘ai découvert avec effarement qu’en dehors des délits  référencés dans le Code pénal et justifiant d’une procédure judiciaire, il y a aussi, derrière, devant ou conjointement à un délit, une multitude d’abus, commis joyeusement par nos élus, dans une opacité savamment distillée et auto-entretenue, toutes tendances confondues. Ces abus, privilèges, passe-droits, avantages me laissent pantois et désespéré sur le genre humain. Le pire, c’est que la plupart de ces « abus » sont revêtus d’une légalité de façade qui permet à ces élus de se draper dans une innocence de circonstance qui, à défaut d’être répréhensible pénalement, m’enveloppe de beaucoup plus qu’un doute sur l’éthique et la probité de ceux qui en profitent. »


C’est l’ancienne ministre Michèle Delaunay, députée de Gironde, qui a très bien décrit le phénomène sur son blog : http://www.michele-delaunay.net/delaunay/category/blog. Son blog est comme le mien, les articles s’accumulent, pas facile de retrouver le billet du 13 septembre 2014 sans feuilleter des quantités de pages ! Je l'ai fait pour vous : http://www.michele-delaunay.net/delaunay/blog/le-tunnel-ou-comment-faire-carriere-sans-mettre-un-pied-dans-la-vraie-vie

Quand on y arrive, ça vaut le coup !

Je cite Philippe Pascot :  "Elle y décrit le parcours carriériste de nombre de ses collègues qui suivent tous à peu près le même chemin, certains allant juste plus vite que d’autres. Elle constate aussi que les élus (de plus en plus nombreux) et les parlementaires ne savent rien de la vraie vie, celle des fins de mois difficiles, des courses à faire pour la semaine, des repas à préparer pour les enfants, de la voiture qui tombe en panne au mauvais moment, des transports en commun bondés et toujours en retard".

"De tous ces petits détails, qui empoisonnent la vie quotidienne de tout un chacun, ils n’ont jamais connu l’ombre d’une miette. De la vie, ils ne connaissent que celle qu’ils se sont bâtie en consacrant l’essentiel de leur temps à atteindre le seul objectif qu’ils se sont fixé : être élu. Et comme le dit très justement Mme Delaunay, le virus sympathique du départ, cette envie de transformer le monde, d’aider son prochain, se mue en maladie incurable de celui qui sait tout, dont la parole devient d’évangile, la volonté de puissance remplace celle de bien faire : le surhomme vient au monde. Celui qui, parce que le système le veut, perd toute spontanéité et se met à calculer ce que veut voir l’électeur et non ce qu’il faut faire en réalité pour l’intérêt général".

"Car à ce stade de la carrière naissante de l’élu, celui-ci prend goût au pouvoir et à tout ce qu’il représente. Du jour au lendemain, son statut change, il cesse de faire partie du commun des mortels, il devient un personnage, un notable, quelqu’un de respectable et de respecté".

"Je l’ai moi-même vécu après mon élection en tant que conseiller régional d’Île-de-France, puis de président de la commission de la formation professionnelle et de l’apprentissage de la Région Île-de- France. D’un coup d’un seul, je suis devenu quelqu’un d’autre. On aurait pu croire qu’une fée s’était penchée soudainement sur mon berceau d’élu et, d’un coup de baguette magique, m’avait rendu immédiatement beau et intelligent… Du jour au lendemain, un certain nombre de courtisans administratifs, souvent des chefs de service qui hument la possibilité d’une promotion, venaient me voir, l’échine courbée, me serinant de façon obséquieuse du « Le président veut-il… » ou du « Si le président pense… » à chaque phrase requérant mon attention".

"À l’époque, ce tumulte soudain m’avait tellement perturbé que j’ai mis une bonne journée à comprendre que le président dont parlaient sans arrêt ces gens, et qui paraissait si important à leurs yeux, eh bien c’était moi ! Et non Jean-Paul Huchon, le président de Région, comme je l’ai cru toute la journée".

"Cela crée un choc et vous propulse vite, si on n’y prend pas garde, sur un nuage où on se laisse vite bercer"...

"Le pouvoir que l’on vous octroie procure les avantages qui en sont l’accessoire (téléphone, Internet, frais de représentation, invitations diverses et variées…), eux-mêmes doublés d’un soupçon de privilèges et d’un zeste de passe-droits qui font que très vite, de tout là-haut sur le petit nuage, les vraies gens deviennent tout petits, voire insignifiants. Vous venez de toucher le gros lot et plus rien ne compte vraiment que la contemplation de ce que vous êtes devenu".


"Une fois bien installé, l’élu, prenant goût à la fonction, commence à réfléchir et se demande comment faire pour que de locataire de son mandat, il en devienne propriétaire. Sans s’en rendre compte ou par calcul (pour toujours davantage d’élus), l’élu fait ce qu’on appelle « un plan de carrière ». Il commence alors à cumuler : un mandat pour la soif, un autre au cas où, une vice-présidence par-ci, un petit mandat local comme base de repli par-là, un territoire à garder pour avoir sa base arrière"…

On entre maintenant en politique, toutes tendances confondues, avec un plan de carrière préétabli. On va essayer dans un premier temps de gagner sa place au soleil, puis de la garder et d’agrandir à mesure son terrain de jeu. Le tout entre gens du même monde, de la même corporation, qui se serrent les coudes quand on essaye de toucher à leurs prérogatives. Certes, de temps en temps, ces gens se donnent quelques coups de griffes, mais en général ce sont plutôt des coups de pattes, comme le ferait une portée de chatons joueurs entre eux, juste pour désigner celui qui sera le dominant de la tribu.

"Comme de plus en plus d’élus à responsabilités multiples ont quasiment le même parcours pour arriver au pouvoir, qu’ils sont tous issus à peu près des mêmes couches sociales (à quelques rares exceptions près), qu’ils ne travaillent, vivent, respirent quasiment qu’en vase clos, il tombe sous le sens que la compréhension de la vie au quotidien leur échappe. Dans le même moule de fonctionnement, ne vivant que pour et par leur carrière emportée de haute lutte, entourés d’une foule d’assistants courtisans qui les conseillent tout en montant autour d’eux un cordon sanitaire infranchissable pour celui qui n’est pas coopté par le « sérail », ces élus parlementaires aux mandats multiples ne peuvent plus comprendre et sentir les besoins d’une population dont ils ne font plus partie car ils n’en partagent plus rien (si ce n’est les petits fours lors des inaugurations, des comices agricoles et pince-fesses nombreux").

"Ils décident, peaufinent, détaillent, inventent des règles et des lois qui sont à 100 000 lieues des préoccupations quotidiennes de la population. Comment des parlementaires peuvent-ils comprendre qu’il est difficile de vivre avec un revenu de 500 euros par mois alors que tous sont plus que largement à l’abri du besoin ? En 2012, il ne restait au sein du Palais-Bourbon qu’un seul député ouvrier. Depuis cette date, légère amélioration, il y a 11 députés ouvriers et employés, soit environ 3 % de l’ensemble de l’Assemblée".

"Si on ne doit pas tomber dans les clichés simplistes et stériles, on est quand même obligé de constater que nos parlementaires ne sont plus à l’image de leurs mandants. La fracture entre ceux «d’en haut» et ceux « d’en bas » s’agrandit d’année en année".

"Dans un rapport du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof ) de 2012, on constate qu’il n’y a quasiment plus aucun parlementaire qui le devient au titre d’un premier mandat. Quasiment tous ont déjà une longue carrière politique ou d’appareil derrière eux. La plupart ayant commencé leur parcours avant 25 ans dans des instances politiques soit comme assistants parlementaires, soit comme conseillers municipaux ou régionaux".



"La politique n’est plus vue comme un sacerdoce dans lequel on s’engage pour défendre la veuve et l’orphelin mais comme une carrière au long cours. Il faut la gérer avec prudence au sein d’un groupe qui vous protégera, et sa continuité passera, pour beaucoup, par une soumission profonde sous des dehors de liberté apparente".

"Sans soutien, sans appui, sans argent, il est quasiment impossible aujourd’hui de gagner une élection parlementaire. Le trublion qui vient déranger la machine bien huilée du parcours obligatoire du candidat programmé ne passe plus que très rarement la barre du premier tour. Il faut être du « sérail ».
Tous ces élus forment un conglomérat bien tassé dont les couleurs politiques se distinguent de moins en moins, tant le fonctionnement interne de ce bloc uniformisé procède d’un immobilisme prudent nécessaire pour conforter un parcours politique qu’ils veulent sans risque".

"Les parlementaires se gardent bien de s’aventurer dans des réformes profondes de la société en évolution ou sur des terrains trop voyants qui les exposeraient à la critique ou pire, à la vindicte populaire".


Extrait de  "Pilleurs d'Etat", de Philippe Pascot, publié aux éditions Max Milo, 2015.