Nous revenons de la Ville rose :
nos amis nous ont reçu en plein triangle d’or, dans ces rues adorables
flanquées de bornes davantage conçues pour les chars romains que ma voiture
moderne, inquiète de frôler de part et d’autre ces rugosités. Et quand il faut
tourner à 90° au travers d’une porte cochère étroite, flanquée elle aussi de deux bornes, pour tenter de s'instiller entre elles aux fins de se garer
sur les pavés de la cour intérieure bondée des véhicules des résidents, je
renonce pour le confort du parking Esquirol, confort relatif si l’on songe qu’il
faut là aussi tourner en tire-bouchon dans l’accès circulaire aux étages souterrains,
puisque les étages les plus accessibles sont remplis des véhicules des Toulousains
du quartier (qui sortent le moins possible pour prendre le métro).
L’appartement se trouve au
dernier étage sans ascenseur, d’un immeuble XVIIIè comme ils le sont tous dans
le coin. Charme fou, tomettes (parfois) décollées par terre et qui font cloc' sous les pieds, vue sublime sur la
cour, les voisins (avocats), les vitraux, le ciel bleu de ce matin froid d’automne, froid et ensoleillé.
Une particularité, est le couloir
qu’on dirait d’un sous-marin : étroit car orné de bibliothèques du
sol au plafond, tellement qu’on ne saurait se croiser qu’en se plaquant le dos
au mur d’en face, pour se voir dans les yeux en restant de profil, afin d'offrir la surface minimale (le côté) à celui qui, on ignore pourquoi, veut
aller dans le sens contraire du vôtre. Il faut dire que les waters sont à un
bout, le salon de l’autre, et que ces croisements se révèlent indispensables
quand il s’agit de méditer au petit coin.
on comprend qu'Ingres à l'époque ait eu un faible pour cette rayonnante personne |
Pour ce faire, la maitresse de
maison a donc prévu des livres, qui rendent la méditation instructive, mais
ne facilite pas le transit des uns et des autres devant faire la queue et se croiser -de profil- dans l'étroitesse des lieux.
Il y a des livres partout, et
aussi des tableaux représentant les ancêtres lors de ces temps révolus où n’existait
ni la photographie, ni les portables qui
remplissent le même usage. Je cherche les airs de famille, ils sont
réels et réellement émouvants, quand je tombe ... sur Andromède !
Vous vous souvenez de ces
histoires vécues quand les demeures anciennes ont abrité un artiste, qui a payé
son écot à la maitresse de maison en la déshabillant pour la faire poser comme
modèle, avant de lui offrir le tableau fini comme compensation de ses multiples
bienfaits ?
Ingres est donc passé par là,
sans doute a-t-il emprunté le fameux couloir, (et croisé en la serrant la maitresse de maison) quand je tombe donc sur
Andromède, la facture d’Ingres est typique, même si (pas de chance) la
signature du maitre est absente. Les personnages sont transposés, puisque Persée devient Roger, et Angélique remplace Andromède : je cite une fois encore wiki :
« Roger délivrant Angélique, tableau peint par
Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1819, inspiré d'un chant du Roland furieux de
l'Arioste. Lors de son exposition au Salon de 1819 avec la Grande Odalisque,
l'œuvre du Louvre suscita des critiques concernant le traitement de la figure
nue d'Angélique surnommée par l'historien d'art Théophile Silvestre d'«
Angélique au goitre » et par le peintre Henry de Waroquier d'« Angélique aux
trois seins ». Le tableau acquis par Louis XVIII fut la première toile du
peintre à entrer dans une collection publique au château de Versailles ».
Notre Ingres s’est donc exercé à
produire quelques autres exemplaires de la scène, je viens de tomber sur l’une d’elles, la même je vous le fais observer que celle du Louvres, vous comprenez mon émotion.
Vous me pardonnerez les reflets, je n’ai pas décroché Angélique, de peur que
mes amis prennent conscience de la fortune qu’ils ont au mur, et n’aient la
tentation (à laquelle je succomberais pour ma part), de l’échanger contre une
aménité quelconque que nous propose notre société de consommation, par exemple un bel
appartement-les-pieds-dans-l’eau comme vous savez que je les chéris.
Il y a des soirées mémorables à Toulouse
et il existe (encore) accrochées aux murs...
...des merveilles cachées !