dimanche 29 juin 2014

Pétition pour ouvrir le musée...


...virtuel



Comme l’aurait dit Gide parlant de sa fameuse porte : « un musée doit être ouvert ou fermé ». Il est évident qu’un Musée fermé entraîne beaucoup plus de facilités qu’un Musée ouvert : il n’y a plus besoin de faire le ménage. Plus besoin d’accueillir les visiteurs, si dérangeants avec leurs questions insidieuses. Pas à se poser la question de l’ouverture du dimanche puisque le musée est fermé toute la semaine. Pas davantage de souci de recevoir les enfants des écoles, toujours bruyants, que ça n’intéresse évidemment pas : ils ont beaucoup mieux à voir sur leur écran de télé ou sur leur tablette. Quant aux employés, si le Musée est fermé, ils jouissent d’une espèce de trêve s’apparentant à un chômage technique : comment pourrait-on poursuivre l’animation d’un Musée fermé …puisqu’il n’est pas ouvert au public ? 

Nous sommes coincés.



Il pourrait cependant y avoir des dérogations : la nuit des Musées par exemple, ou pourrait ouvrir ? Ecoutez, le Musée est fermé, il est fermé. Il y a déjà de bonnes raisons le jour, on ne va pas l’ouvrir la nuit, (où tous les chats sont gris), et où on ne pourrait rien voir puisque c’est justement l’ouverture de la lumière électrique qui pose question. Vous me rétorquez : vous allez bien ouvrir durant le week-end dit ailleurs en France « journées du patrimoine » à savoir cette année les samedi 20 et dimanche 21 septembre 2014 ?

l'été, la médiathèque est fermée le matin
le Musée, lui, est fermé le matin et l'après-midi

















                          
il n'est pas interdit de photographier au travers des grilles : il suffirait d'ouvrir...
...pour pouvoir entrer !
Attendez, si vous ouvriez ces jours là, d’abord il s’agirait d’ouvrir un samedi. Les statistiques sont là : personne ne vient déjà  en semaine, alors vous n’allez pas me dire que les visiteurs viendraient le samedi ? Ils partent en week-end en montagne ; ou bien vont à Biarritz. Ou bien se reposent chez eux d’une semaine de travail éprouvante. Non ! Quant au dimanche, n’y pensez même pas : les syndicats déploient une énergie considérable pour faire fermer les magasins parisiens le dimanche, pour permettre aux candidats-travailleurs, même volontaires, de prendre un repos bien mérité qui leur permet de garantir leur plafond hebdomadaire de trente cinq heures. Vous n’allez pas les faire travailler le dimanche, en heures supplémentaires qui plus est  ? Ici, on va encore à la messe le matin. On fait la sieste après déjeuner. Rituel !
 
à droite c'est comme les escaliers de Montmartre (en petit)
Je dois vous dire que le risque est énorme : notre musée contient des vitrines, qui sont là non seulement pour mettre les objets en valeur, mais surtout pour empêcher les voleurs (qui sommeillent en chaque visiteur) de s’adonner au péché de kleptomanie. Vous allez vous demander ce qu’ils feraient des porcelaines qu’on leur montre : « les prendre bien évidemment, pour les exposer chez eux ». Prenons cet argument en compte : donc on protège les objets dans des vitrines. Elles sont éclairées à la lumière artificielle (électrique) pour que l’on voie bien, même si  le musée serait ouvert (s’il était ouvert) pendant la partie ensoleillée de la journée, disons de 10 heures à midi. Puis de 14 heures à 17 heures. Ni avant, pour permettre aux fonctionnaires de ranger le Musée et surtout de passer l’aspirateur. Ni après, car un Musée comme une Ecole nécessitent un temps de préparation énorme, qui suppose une ouverture au public restreinte ?
 
l'ancien blason du Nébouzan : les boeufs de Gascogne ; et la cloche
En tous cas, on ouvrirait la lumière avec des interrupteurs, ceux-ci reliés à une prise électrique murale, placée sous la cimaise. Comme chez tout un chacun me direz-vous.

Oui mais ici on n’est pas dans une HLM de banlieue, on est dans un établissement-recevant-du-public. Le public, il peut faire n’importe quoi : c’est l’histoire de la chauve-souris de Bigard : un gosse (qui n’a rien à faire du contenu des vitrines) débranche la prise, et met exprès les doigts dedans. Il s’électrocute. D’autant que la prise n’est pas à la terre. Eh bien, c’est le Maire (qui a autorisé l’ouverture du Musée) qui est responsable. Un musée n’est quand même pas là pour électrocuter les gosses !

Vous allez me dire : alors appelez l’électricien du coin, et faites lui tirer un fil de terre.

Vous rigolez ? Si on tire un fil de terre, on doit l’encastrer ! Si on encastre celui-ci, on encastre celui-là. Ce qu’on croyait une petite affaire en devient une grande ! Car l’encastrement, il va falloir le cacher. Sans doute repeindre des pièces qui font quatre mètres de haut. Si on repeint les murs, les plafonds vont détonner. Il faut tout repeindre alors ?

YES.

 
















Ce qui était un épiphénomène devient une aventure, technique et financière. Car un obstacle supplémentaire survient : notre musée est équipé d’escaliers, permettant aux bien-portants de se rendre au rez-de-chaussée, puis au premier étage.

Vous êtes d’un égoïsme fou : et nos camarades handicapés ?

un superbe plan incliné a pourtant été créé pour nos amis handicapés...

Il serait injuste que vous et moi visitions le Musée (en étant protégé des risques d’électrocution), et que nos amis handicapés ne puissent se rendre aux étages sans ascenseur ! Je parle des handicapés moteurs naturellement, mais je n’oublie pas les malentendants et les non-voyants : aux uns il faut des guides pratiquant le langage des signes. Aux autres des notices en braille. Ou bien des appareils individuels leur dictant les légendes. Il faut recruter du personnel, et s’équiper. Ce qui commence par un projet confine à l’aventure.


Commençons par l’ascenseur ?

Je crains que pour laisser passer une cage d’ascenseur il faille casser l’escalier, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Il faut appeler un homme de l’art, dresser des plans. Demander des subventions, les demander aujourd’hui pour les avoir demain, il faut au moins un an. Tranquille, on ne va pas ouvrir avant un an. Peut-être deux ? On aura un ascenseur. Avec un gros câble électrique bien sécurisé. Un petit escalier tout neuf autour. Auparavant, il faut ranger les collections, les protéger de la poussière. La tentation est évidemment de tout mettre en caisses. Et les caisses de les mettre en entrepôt.

Le mieux est sans doute de laisser le Musée fermé. Les handicapés comprennent qu’ils ne peuvent pas entrer, puisque même les bien-portants ne le peuvent pas non plus. Eux après tout s’habituent à ne pas entrer dans un musée qui ne leur sert à rien. Les enfants des écoles jouent avec leurs tablettes, et préfèreraient qu’on leur crée un booling ; ou bien qu’on rénove la piscine. Pour se rendre au Musée, ils vont à Toulouse, ou mieux au Louvre. Ca se sont de vrais Musées. Le nôtre est bien petit. D’ailleurs, il est fermé.


Je me convaincs moi aussi. Qu’est-ce que ça peut bien faire à notre époque, qu’un Musée soit ouvert ou fermé, si c’est plus de soucis ouvert que fermé ?

Et puis, c’était au XIXè que l’on se rendait physiquement dans les Musées pour apprendre l’Histoire ; l’Histoire naturelle ; les Arts ; la peinture ; la sculpture ; les traditions populaires. Qui nous sommes. Notre identité. Tout ça on s’en fiche un peu aujourd’hui. On est des citoyens du monde. On communie dans le foot…pas dans l’art, même contemporain. C’est des idées de bobos d’ouvrir un musée (fermé !). Ou alors de touristes ? Il y en a peu de touristes ici, ils vont à la montagne ; ou alors à la mer. Il parait que les musées qui les intéressent sont des aquariums ; mais on n’est pas à la mer. Ou des parcs d’attraction, mais on est à cinq heures de l’Espagne, à Port Aventura : on s’y rend en une matinée.



Je finis par me convaincre moi aussi. Il et fermé, ça change quoi au juste ?

D’autant que les collections ont toutes été inventoriées, avec des photos parfaites… !

Euréka !

On ouvre un musée virtuel. On crée un blog.

Gratuit.

Sûr que les gosses vont tous aller au Musée…


…sur leur smartphone !

miraculeusement, on a conservé (jusqu'ici) les anciens candélabres Montmartre

























PS : quand je pense aux risques encourus, en admirant la Garonne de J.O Maes ; ou la maquette de Saint-Gaudens, (fermement tenue par la Guide),  présentant sa tête devant la balustrade de la fenêtre centrale donnant sur la montagne ! ...je vous offre ces anciens compte-rendus virtuels (quand c'était ouvert) :

http://babone5go2.blogspot.fr/2012/09/valentine-pas-que-du-bleu.html



avec une dérogation, et en promettant de ne pas mettre les doigts dans les prises électriques,
les Autorités peuvent entrer et s'assurer que tout se passe bien à l'intérieur.

Lors de notre dernière visite (de contrôle), un généreux donateur venait de remettre au musée ce joli service à café :

il y a des mecs sympa !