on ne quitte pas Nabokov comme ca !
Mes recherches sur Nabokov me laissent perplexe : j’ai découvert, il y a quelques années, le livre de Dany Lartigue « l’extravagante aventure des papillons » publié en 2007. Je l’ai trouvé chez Deyrolles, que je n’ai plus fréquenté depuis 2007 justement, date de mon départ des affaires civiles. Où est-il ce bouquin, après tous ces déménagements ?
Je défile toute ma bibliothèque, il n’est pas là où je le cherche, mais finis par le retrouver ce matin : oui, Dany Lartigue a publié la photo de son Apollo noir : il me reste à le photographier pour vous le montrer. Oui, il a évoqué Nabokov, mieux que j’ai pu le faire je le confesse, et sait parler du grand entomologiste, pour évoquer une carrière très remplie. Je parle toujours des papillons !
Nous sommes en juillet 1938, quelques années avant l’immigration aux USA. Nabokov chasse près de Moulinet dans les Alpes Maritimes à 30Km au nord de Menton. Il chasse les lycènes, ces “petits-bleus” qui le fascinent, dans les éboulis. J’ai bien connu ces chasses à Argentière la Bessée , dans les éboulis à 45°, qui fait que si les cailloux empilés déboulent, on descend avec eux au risque de se rompre une cheville. « Soudain mu par un réflexe incontrôlable écrit Dany Lartigue, son filet s’abat sur un papillon bizarre : il a la couleur de Daphnis (que je vous ai montré la dernière fois) ; mais la forme des ailes de coridon » ! Est-ce un hybride ? ou une espèce nouvelle ? C’est là toute la question, et après avoir observé à la binoculaire les genitalia (un mulet ne saurait se reproduire) il tranche en faveur d’une nouvelle espèce qu’il nomme cormion. Comme cela on retrouve la racine et la fin de cor-id-on. Et astuce… ! il intercale « my » ! Il publie sa découverte dans le Journal of the New York Entomological Society (Lysandra Cormion : a New European Butterfly, September, 1941).
et Daphnis |
Le sujet est d’importance, réfléchissez-y bien : se peut-il qu’un mâle de Daphnis, soit attiré par une femelle de Coridon au point de lui faire… un bébé ? Chez les humains, peut-on imaginer une telle attirance sexuelle complexe, compliquée par les tourments du sentiment, amenant un homme mur à tomber amoureux d’une fillette : Lolita ? Ce n’est pas une histoire perverse, car la fillette au bord de la puberté est, elle aussi attirée par l’homme… !
N’oublions pas : Vladimir est écrivain !
Il écrit le poème que voici. Pour respecter la langue du polyglotte, je vous le cite en anglais :
Here are the last three stanzas of the poem, originally published May 15, 1943, in the New Yorker as on Discovering a Butterfly:
I found it and I named it, being versed
in taxonomic Latin; thus became
godfather to an insect and its first
describer – and I want no other fame.
Wide open on its pin (though fast asleep),
safe from creeping relatives and rust,
in the secluded stronghold where we keep
type specimens it will transcend its dust.
Dark pictures, thrones, the stones that pilgrims kiss,
poems that take a thousand years to die
but ape the immortality of this
red label on a little butterfly.
Je l’ai trouvé, et je l’ai nommé, cela renvoie à Linné, c’est l’apologie de la taxonomie, la science virtuose des spécialistes de Musées. Le rêve du chasseur de papillons : découvrir une nouvelle espèce et lui donner son nom ! A-t-il trouvé un type specimen ? Un specimen type, le type est l’espèce de base, pas l’hybride ! C’est toujours la question : a red label correspond chez nous au label rouge !
Vous voyez l’importance de ce poème ?
Dommage pour finir ! notre époque évoluée nous permet de vérifier des hypothèses il y a peu de temps invérifiables : daphnis et coridon n’ont pas le même nombre de chromosomes !
Il s’agit bien d’un hybride !
Hence, there is no cormion !