vendredi 20 décembre 2013

André Abbal (4è partie)

Où on en arrive curieusement à Rouart, Eugène Rouart !

On change apparemment de piste : Rouart fait penser à Henri naturellement, le galeriste célèbre, ami des impressionnistes, on croit être bien loin d’Abbal et de notre histoire d’Europe… ?

Quand on parle des Rouart, il faut préciser la génération : l’académicien Jean-Marie Rouart a expliqué tout cela dans son ouvrage « Une famille dans l’impressionnisme » (Editions Gallimard). Henri est le fondateur, et a quatre fils, tous artistes. Le peintre c’est Ernest. Ernest qui a peint Eugène. Je m’intéresse, moi, à Eugène.  







Eugène l’écrivain. L’auteur de « La villa sans maître ».

En voici le commentaire officiel qui nous éclaire sur la seconde vie qui suivra dans les années 1930 : « Paru en 1898 au Mercure de France, « La villa sans maître » est une curiosité littéraire qui occupe une place à part dans l’histoire des lettres du XXe siècle.






Son auteur, Eugène Rouart (1872-1936), fut lié à Francis Jammes qui lui dédia « De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir », mais aussi à Valéry et à Pierre Louÿs. Pendant trente ans, il fut l'ami intime d’André Gide, qui lui dédia « Paludes » en 1895. Les deux hommes partageaient une même passion pour la littérature et le même drame de la tentation homosexuelle – c’est chez Eugène Rouart à Bagnols de Grenade que se situe l’épisode sexuel raconté par Gide dans Le Ramier. L’écriture de « La villa sans maître » fut encouragée par Gide, mais le roman aura à son tour une grande influence dans la gestation de « L’Immoraliste », comme l’écrit le professeur David H. Walker : « L’Immoraliste portera incontestablement de nombreuses traces du roman de Rouart. »

un joli coin de campagne par Henri
Eugène l’écrivain devient sénateur ! Sénateur de la Haute-Garonne de 1933 à 1936.  Il succède donc à notre précédent sénateur. Vous avez déjà oublié ? Fabien Duchein, sénateur de Haute-Garonne de 1920 à 1932 : celui de la rue Morère, celui qui permet à André Abbal de connaître son épouse, Berthe Lécussan.

Parisien d’origine, et élevé dans un milieu artistique, Eugène Rouart se sent irrésistiblement attiré par la vie rurale. Aussi, ses études secondaires terminées entre-t-il à l'Ecole d'agriculture de Grignon, dont il est un brillant élève. Grignon fabriquait à l’époque des Ingénieurs AGRI, (agri-coles), second degré après l’Institut National Agronomique rue Claude Bernard à Paris. Là on fabrique des AGRO, des agro-nomes. Grignon reste très au-dessus du Lycée agricole d’Ondes dont nous avons déjà parlé, et qui s’arrête au second cycle. Une hiérarchie subtile mais affirmée dans l’enseignement supérieur Agricole de France !


Ernest exerce d'abord ses talents dans la région d'Autun, puis ayant acquis le domaine de Bagnols à Castelnau-d'Estretefonds en Haute-Garonne, il y réalise une exploitation modèle, polyculture céréales-élevage, à laquelle il consacre avec bonheur tous ses soins.

Il acquiert très vite une position privilégiée dans le milieu agricole : Président de l'Office agricole départemental, puis de l'Office agricole du Sud-Ouest, il crée des stations agricoles d'expérimentation, développe les écoles régionales d'agriculture, organise des groupements professionnels de producteurs et siège à l'Académie d'agriculture.
 

 




























Parallèlement à ses activités d'exploitant agricole, Eugène Rouart est Maire de Castelnau de 1906 à 1918 et Conseiller général en 1910, vice-président du Conseil général de la Haute-Garonne. L'étape suivante est celle de Sénateur, mandat auquel il se présente le  16 octobre 1932 pour le renouvellement triennal de janvier 1933. On ne siégeait alors pas neuf ans ! Après s'être trouvé en troisième position au premier tour avec 413 voix sur 932 votants, il est élu au second tour avec 563 voix sur 932 votants.

Membre de la gauche démocratique, il entre tout de suite à la Commission de l'agriculture, à laquelle il appartiendra jusqu'à sa mort.

Il y présente plusieurs rapports sur la viticulture, le commerce et l'assainissement du marché des vins. Il intervient dans  le domaine sensible des bénéfices agricoles, des brevets d'inventions et de la vente de la soie et des tissus de soie.

Dès 1935 sa santé le tient éloigné des travaux du Sénat et il succombe à une cruelle maladie le 6 juillet 1936, à l'âge de 64 ans, dans sa propriété de Castelnau-d'Estretefonds.


Entre alors en scène un personnage immense dans le développement de l’agriculture de la Haute-Garonne : Daniel Brisebois, je l’ai rapidement évoqué plus haut. Il a 24 ans en 1936, il termine ses études agricoles à Auzeville, haut lieu de l’Enseignement Agricole Toulousain, où il participera en 1965 (il est alors Ingénieur Général de l’Agriculture) à fonder ce qui est aujourd’hui le complexe Agricole actuel. Depuis son décès en 2002, une Avenue porte son nom : celle de l’Agrobiopôle - 2 avenue Daniel Brisebois BP 82256 – Auzeville 31322 Castanet Tolosan Cédex.

Sa carrière opérationnelle commence en 1942, où il est nommé Directeur des Services Agricoles de la Haute-Garonne. A l’époque ce service pilote l’agriculture départementale, séparément du Génie Rural, et des Eaux et Forêts qui ne seront réunis par Edgar Pisani que plus tard, en 1964. Il joue un rôle éminent dans la montée en puissance de l’Agriculture départementale, en organisant la Coopération, en étroite association avec le Conseil Général très engagé dans le développement agricole, et la Chambre d’Agriculture, notamment avec le Président Bernard Audigé (1922-2004), Président de la Chambre d’Agriculture de 1966 à 1991, qui est député et fait voter la loi sur les calamités agricoles.

Je quitte la Haute- Corse où j'ai accompli mon mandat de trois ans pile, et nommé successeur de Valentini, me présente en mars 1989 à Bernard Audigé. Daniel Brisebois, 77 ans, pied ferme et œil toujours vif, est l’invité d’honneur des Assemblées Générales annuelles de coopératives à la fin desquelles je prononce le rituel discours en représentant du Ministre. Pas toujours facile devant son ancien et grand prédécesseur ! Et d’un Président de Chambre affable et très professionnel, rompu aux débats parlementaires à l’Assemblée Nationale, et connaissant naturellement tout le monde. Après les discours on déjeune à 14 heures, et dans ce pays de cocagne on ne chôme pas à table ! 

Venant me visiter dans la grande Tour de la Cité administrative, Daniel me confie : -« … dans mon bureau autrefois, trônait une sculpture superbe. Un étonnant hommage aux labours et au travail des paysans.  Je la tenais du sénateur Rouart ! »

Eugène Rouart était comme tous les mécènes : pour récompenser les gagnants lors des Concours agricoles, il organisait des prix, dont les trophées n’étaient pas des coupes en tôle comme aujourd’hui, mais des œuvres d’art !

Nous y voilà !

Et il ajoute : « j’ignore ce qu’elle est devenue. Vous en êtes digne, je vous la confie ! Retrouvez là, je vous la lègue ».

Et il termine : -........« c’est un bronze d’Abbal ! »

Belle histoire, nous sommes dans les années 1990, il y a vingt trois ans !

vingt trois ans que je cherche cette sculpture, un rare bronze

 de l’apôtre de la taille directe !

vous comprenez que je m’intéresse à Abbal ?

 
les labours de Debat Ponsan : il est de Gragnague...Haute-Garonne naturellement !
pour en savoir davantage :


PS : je vous ai déjà montré des oeuvres de Debat-Ponsan dans :

Voici, pour la route, un attelage de boeufs, avec un chariot comme on en trouve encore ici :
le gué à Salies :

la Garonne, les galets, les boeufs, le paysan en gilet bavarde avec les lavandières...et au loin les Pyrénées