mercredi 4 décembre 2013

Les kakis de Martine



Nous sommes chez mon copain agro-Antoine (il porte une particule très reconnaissable mais la discrétion m’oblige à taire son nom), aux fins fonds du Tarn-et-Garonne, et nous pendons la crémaillère de sa nouvelle maison : j’ai amené du rosé-qui-fait-des-bulles  ; et aussi du Gaillac primeur : un goût exquis de fruits rouges avec un arrière-plan de banane, qui réjouit le palais de tous les connaisseurs. Aucun rapport avec le Beaujolais nouveau  : les viticulteurs de Gaillac conçoivent des produits du plus en plus raffinés ! Alors à l’apéritif (qui précède le souper), vous devinez que l’on grille les grosses tranches du pain d’Albias. Et qu’on tartine dessus du foie gras de canard. (Quitte à alterner avec du boudin en pâté). Avant de faire l’aller-retour de Saragosse (d’où il revient vivant, après avoir essuyé une tempête de neige devant le tunnel de Vielha), Antoine avait acheté un jambon entier de porc noir de Bigorre, et il nous sert des lichettes au bout de son couteau. Il est persillé, et le gras-fondant sous la couenne est tout bonnement délicieux : on s’en tape des petits morceaux, qu’on fait descendre au pétillant rosé. Antoine bloqué par la neige a côtoyé la congélation (il n’avait pas emmené son 4x4) et tient à fêter sa résurrection ! Nous nous devons de le soutenir dans le stress qui suit l’épreuve, et notre soutien psychologique (fraternel) l’aide dans son travail (mental) de re-construction. C’est à ça que servent les amis !

Réjouis par nos retrouvailles, Antoine m’a préparé une surprise le lendemain. Après le petit-déjeuner d’un œuf au plat dans la graisse du même porc noir (il en reste moins qu’hier, mais on peut encore tenir quelques uns avec le reste), il m’emmène à Montpezat. Les routes sont tortueuses. Le panorama fait de creux et de bosses nous ménage de belles vues. La terre est ocre en cette période d’hiver, et la brume omniprésente. Nous nous sommes chaudement vêtus, et cette fois le 4x4 (dont la batterie faiblissante a nécessité de descendre la côte pour démarrer à froid) nous garantit de raser l’accotement, intacts, quand une voiture (normale) vient en face tous phares allumés. Il veut me faire connaître Martine.


Martine élève des oies, et les gave, du moins les gavait jusqu’à présent. En cette période où les parisiens conspuent le gavage des animaux, (en se préparant à se gaver eux-mêmes de foie gras à Noël), figurez vous que le gavage des oies est en train de disparaître tout seul : l’oison coûte plus cher que le canard. Le gavage exige trois sessions journalières pendant un minimum de 21 jours, mieux de 28jours  (personne ne se préoccupant que le gaveur travaille dimanche et jours fériés). Et cet esclavage peut durer 9 mois par an, sans congés naturellement. Le maïs coûte cher, et si les anciens continuent sur leur lancée, aucun jeune ne se présente pour reprendre leur activité. Le paradoxe en cette période de chômage est que Martine ne suffit pas à satisfaire la demande, et qu’elle vit très correctement de son commerce. C’est elle qui assure la vente, à vrai dire c’est son époux Aimé qui gave (on se doute qu’il est aimé par Martine, son prénom est vraiment : Aimé. Pour éviter toute équivoque, Martine appelle Aimé Loulou).

C’est plus facile de gaver les canards, d’autant que les variétés nouvelles créées par l’INRA donnent d’excellents résultats. On passe à deux fois par jour. C’est moins cher, je vous fais la comparaison : un petit foie d’oie de 180g vaudra 35€ TTC (avec une TVA à 7% pour le moment). Et de canard 27€ TTC. J’ai fait le calcul pour vous, cela donne (quand-même) 150 Euros le Kg. Mais ce n’est pas du foie gras de chez Lid’l, c’est du vrai de vrai.

Nous le goûtons le midi, toujours sur le pain grillé d’Albias. Une merveille, couleur, structure, parfaitement salé-poivré, gras de couleur jaune goûteux, les connaisseurs que nous sommes se régalent.

Je me souviens du temps où, Parisien, je rêvais de connaître des adresses (une seule m’aurait suffi) où je serais certain de la qualité du foie gras de Noël. Comme vous êtes sympa (de lire mes messages) voici l’adresse de Martine et Aimé BELOU. Attendez, ils vivent à l’ère du numérique, et ont un site : http://www.foies.gras.free.fr. Ils ont un email : martine.belou@orange.fr (je vous disais que c’est Martine qui commerciale, Loulou l’assiste en gavant).

          Et si vous arrivez à sortir de Paris (au lieu d’aller bêtement au ski) venez sur place :

                   « Vazelières » 2205 Route de Montpezat (il s’agit de Montpezat de Quercy)
                                                                  82270 Montalzat.

Ah oui : Martine et Loulou possèdent un kaki. Il est en ce moment déplumé (si je puis dire) et tellement couvert d’oranges – oranges, que les branches cassent sous le poids….Non ! en réalité ce sont des kakis. Martine, royale, nous dit (avec l’accent du Quercy) : -« on ne les aime pas, et Loulou ne les ramasse pas (il n’a pas le temps)  : on les garde pour les clients : vous n’avez qu’à vous servir ».

Alors j’en ai ramené, et photographiés forcément, on dirait des tomates, d’une couleur magnifique.
 



On va tenter une expérience : en manger avec du foie…de canard (ce n’est pas que c’est moins cher, c’est qu’on peut en manger davantage…(

                                         …il faut impérativement du pain grillé d’Albias.

Je vous plains un peu…

…d’être si accroché à Paris

vous ratez des plaisirs intenses !

(notamment d’avoir failli être congelé
à 1800 mètres devant le tunnel de Vielha
et d’en être sorti…)