vendredi 15 juillet 2022

Les céréalicuteurs français en Ukraine






je reconnais ce style de silos que l'on construisait encore en Tarn et Garonne dans les années 1970 au Génie Rural

On n'en parle jamais... des viticulteurs français partis lancer le vignoble de la Silicon Valley... des mêmes en Espagne, Italie, dans le monde... On ne parle que rarement des céréaliers français de la Marne, et autrefois à l'Agro, on se moquait d'eux, en les jalousant sans doute : la mécanisation leur laissait du temps libre, (contrairement aux laitiers obligés de traire 2 fois par jour). Comme le racontait Fernand Raynaud, ils gagnaient de l'argent, (ils en gagnent davantage avec la montée du prix des céréales), et on disait d'eux les 3C : Céréales, Cannes où ils investissaient des villas, et Courchevel, puisque l'hiver le blé semé à l'automne pousse, sans avoir rien à faire !


Voilà que quelques céréaliculteurs décident d'élargir les 3C hors de l'hexagone : en 2006, ils dénichent dans les terres noires d'Ukraine que les spécialistes nomment le tchernoziom un ancien kolkhoze en faillite de 2 600 ha en friche. Quatre agriculteurs de Haute-Marne, Jean-Paul Kihm, Jean-Loup Michel et les frères Alain et Florent Renard, s'associent pour monter une exploitation en Ukraine, en plus de leurs 1500 ha de fermes françaises....ils continuent de vivre en France et se relaient tous les quinze jours pour venir voir comment les choses se passent ici : la ferme ukrainienne est aujourd’hui une vraie priorité pour eux”

le 31 mars dernier, ils ont rapatrié leurs familles, mais naturellement accompagnent leurs ouvriers sur place, surtout en ce moment de récolte


Seize ans après, les quatre fondateurs ne sont pas restés inactifs ! On commence à peine à voir à la télé leur exploitation de 20.000 ha, située à Troits’ke, dans l’oblast de Dnipropetrovsk, sous le sigle : Agro KMR, dirigée par Clément Coussens.



leur blog s'est interrompu en avril 2020, voici leur dernier article


cet unique avion a été détruit dès le début de l'invasion russe, Poutine préférant que personne ne puisse plus s'en servir

voici la carte générale avec en rouge le Donetz

et le Donetz. Des cartes agrandies in fine

Nous sommes à Pavlohrad -à 150 kilomètres de Donetsk, dans l’est du pays,  une équipe de 35 personnes. “Pendant la période des moissons, nos 14 chauffeurs se relaient pour que le travail avance dans les champs 24 heures sur 24”, explique Clément Coussens".  Une équipe administrative composée de huit personnes s’occupe des questions légales et comptables “On pourrait croire que la France est très bureaucratique, mais l’Ukraine c’est pire. Nos équipes croulent sous la paperasse et tout n’est pas toujours très clair…” Des difficultés vite oubliées face à la réalité des chiffres. “On a fait 6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016, ça met du beurre dans les épinards” s’amuse Clément. 

Trois drones, des tracteurs dernier cri, une analyse des terrains par satellite…  la ferme Agro KMR se veut à la pointe de la technologie. “Pour travailler une telle surface, on est obligés d’avoir des outils très performants. Les drones et l’analyse satellite nous font gagner un temps fou, on sait exactement où sont situés les problèmes dans les champs, on peut analyser la densité de la terre, sa température, sa profondeur. On peut parfaitement adapter notre travail “ explique Clément Coussens. Pour protéger les terres, les bâtiments et ces outils de haute performance, la ferme emploie 12 gardiens, qui surveillent les sites stratégiques en continu.

Iphone, voiture de fonction, sécurité sociale payée par l’entreprise et salaire six fois supérieur au salaire minimum… Pour maintenir le moral des troupes au beau fixe, les dirigeants de l’exploitation misent sur les conditions de travail des employés.  “Cet hiver, on est tous partis ensemble visiter la France, l’année d’avant, on était au ski… Nos gars sont très bons et on veut qu’ils continuent à travailler avec nous. Ça fait 10 ans qu’ils sont là et pour le moment, aucun n’a évoqué l’idée de partir”, se félicite Clément.

Avec la chute du communisme, les centaines de milliers d’hectares des kolkhozes (de gigantesques fermes contrôlées par l’Etat durant la période soviétique) ont été partagées entre tous les travailleurs. Aujourd’hui, les terres agricoles ukrainiennes appartiennent à des milliers de micro-propriétaires. Ils ne possèdent parfois que quelques ares. Ces terres sont mises en commun puis exploitées par de gigantesques fermes, telle Agro KMR. 

“On loue les terres de 1500 propriétaires. Chaque année, en faisant jouer la concurrence, ils font monter les prix, explique Clément Coussens. Ces terres  représentent notre outil de travail donc on fait ce qu’il faut pour maintenir une relation stable, de confiance.” 

L’ agrandissement de l’exploitation et l’ancrage de l’entreprise auprès de la population locale sont les objectifs annoncés par les dirigeants d’Agro KMR. Dans les mois à venir, des plantations de fraises devrait voir le jour. Cette production, qui demande beaucoup de main d’oeuvre, pourrait permettre de faire travailler les Ukrainiens. Une manière de créer de la richesse tout en intégrant un peu plus l’entreprise française dans la région. J'ai repris les propos de Victor Bergeon, ils restent d'actualité




J'écoute avec stupéfaction les commentaires à la télé sur l'inflation : je ne vois que des consommateurs victimes, jamais (à part Total bien entendu), les bénéficiaires de la hausse des cours des matières premières ne sont évoqués ! Et quand Michel Edouard Leclerc en parle, tout le monde lui tombe dessus, car il faut absolument envoyer aux Français combien ? 50 milliards qui vont manquer pour reconstruire le potentiel d'énergie électrique ! ! 

Sur Euronext, la tonne de blé meunier à échéance de mars évolue autour des 275 euros et celle du maïs à 260 euros. Si l'on est loin des records enregistrés à l'automne (environ 310 euros la tonne de blé), la nervosité est là. La volatilité va « rester de mise dans le contexte actuel, avec son lot d'incertitudes au gré des décisions en termes de sanctions économiques qui pourraient être prises envers la Russie ou encore les ruptures logistiques sur l'Ukraine », a souligné mardi le cabinet Agritel dans une note . Car les deux pays sont aujourd'hui deux acteurs majeurs du commerce international de matières premières agricoles.

voilà donc le combat actuel de Clément Coussens :

 comment exporter, les ports bloqués par les Russes, 145.000 tonnes en cours de récolte ?

par route ; par fer, cela représente une intendance énorme ! 

ensuite, comment protéger les salariés sur place ?

nous Français, devons nous protéger des compatriotes ? Quand nous envoyons des armes, cela sert au moins à conforter la résistance de l'armée Ukrainienne contre l'envahisseur

le but n'est pas seulement de protéger la survie d'Agro KMR

mais demain, on a besoin d'eux pour semer

c'est l'alimentation du monde qui est en cause

quand Poutine affirme que rien n'a commencé, et que le plus difficile va commencer
je crains bien des surprises dont le rationnement du gaz cet hiver
risque de n'être qu'un des épisodes ?



ce Lycée peut être fier de son ancien élève



PS (1) : j'ai agrandi la carte de Pavlohrad pour vous montrer le parcellaire énorme




PS (2) : pas facile de retrouver les ordres de grandeur des sommes engagées en ce moment : 

voyons : 100ha de blé produisent 700 tonnes ... en moyenne française. A raison de 400€/t en ce moment de pointe forte, cela donne 280.000€ de chiffre d'affaires. En Europe, s'ajoute (paradoxalement) à cette valeur le montant de la PAC, mais il est minuscule comparé au prix : environ 34000€, (que l'on pourrait sans danger donner au bio ou ailleurs mais on ne réforme pas la PAC comme cela) ! ! 

Quand on parle de 20.000 ha, l'enjeu passe à 200 fois plus soit €56 millions

on comprend que les Russes s'emparent de cette richesse, 

leur permettant ainsi de "nourrir le monde"