lundi 1 octobre 2012

La dure dent d’Odile (première partie)

ou la DURDANDODIL
qui se résume dans l’acronyme LDDdOd

Une belle énigme de chez nous !
On n’a pas peur du changement climatique : on a déjà donné….

Je vais vous engager dans une histoire typique de mes goûts (compliqués), qui commence il y a un million d’années (au moins), et va forcément exiger plusieurs épisodes pour pouvoir être simplement résumée. Il va falloir suivre, mais je suis certain que vous allez vous accrocher.

Voici le premier épisode de mon feuilleton.

Nous sommes le 13 novembre 1715, Louis XIV vient de mourir le 1er septembre !  En attendant que le dauphin, futur Louis XV, devienne majeur pour régner, Louis XIV désigne son fils le duc du Maine, bâtard légitimé, pour exercer le pouvoir réel, la Régence, tandis qu’au duc d’Orléans neveu et gendre du roi (il a dû épouser en 1692 une fille légitimée, sœur du duc du Maine, que le feu roi avait également eu de Madame de Montespan) revient la charge, purement honorifique, de « président du conseil de régence ».

Le 2 septembre 1715 : Cassation partielle du Testament :  Philippe d’Orléans obtient le soutien des parlementaires et est proclamé Régent du royaume (1715-1723) et détenteur effectif du pouvoir (durant la minorité du jeune Louis XV). Désormais nommé « monseigneur le régent », le duc d’Orléans procède à bon nombre de changements politiques, et s’installe pour huit ans.

La France a pendant ce temps, entamé des recherches, visant à identifier ses richesses minières, surtout, celles qui seraient aptes à produire des bijoux. Rare ; beau et très cher. Pas uniquement des diamants ; des pierres gemmes ; mais le bleu des turquoises fascine la Cour, et on fait donc l’inventaire des gisements de turquoises. C’est parfait, parce que les résultats sont infimes. On lit donc dans l'assemblée publique de l'Académie Royale le mémoire de M. de Réaumur contenant ses observations sur les mines de Turquoises du royaume. Il y indique que : "les mines du royaume qui donnent des turquoises sont dans le bas Languedoc proche de la ville de Simorre, aux environs, comme à Baillasbatz et à Laymont " et qu'il a travaillé sur des échantillons provenant de ces mines mais qu'il n'a pu se rendre sur place.

Vous avez peu entendu parler de Simorre. En guise de Bas Languedoc, c’est dans le Gers, pas loin de chez nous. Il y a une abbatiale en briques fameuse pour son architecture et son trésor. Des foires à la brocante réputées. Nous on connaît mais pas vous. Dommage !


Ce mémoire relate que ces minerais ont des formes de dents, c’est quand même un peu bizarre. Que les parties qui ne sont  pas recouverte d'émail, mises au feu deviennent turquoise en prenant la couleur bleue. Et notre Réaumur se demande " Mais de quels animaux sont ces dents ? C'est ce que je ne sais point encore. Il pense à des " animaux de mer car on n'en connaît point de terrestres qui en ont de pareilles ". On trouve aussi des morceaux longs et ronds que G de la Brosse (1628) a nommé " licorne minérale ". L'exposé se poursuit par la description du four et de sa chauffe. A la fin il y est montré des gravures de dents et la coupe d'un four avec ses éléments.

Les archives du Parlement de Toulouse contiennent l'enregistrement de lettres patentes données par le roi en 1674 pour l'exploitation par Martin Maréchal d'une mine de turquoises à Simorre ( Arrêt de la cour d'avril 1676). On trouve toujours sur place à Baillasbats des fondations de murs, susceptibles d’abriter des feux de bois, sur lesquels au lieu d’un barbecue on mettait les fossiles à cuire, jusqu’à ce que, cuits à point, ils changent de couleur et deviennent bleu. On a conservé le terme d’ailleurs pour la cuisson des côtes de bœuf en disant de la viande : « je la veux bleue ». Je dispose (naturellement) d’un échantillon de ce minéral extraordinaire donné par René Larrieu dont je vous parlerai plus tard, qui ressemble à ceci :

vue en coupe des deux racines

Les pierres bleues obtenues ainsi  servaient entre autres à l'ornement des reliquaires, des livres religieux et joyaux de tous genres. Mais cette couleur bleu turquoise s'altérait au contact de l'air et la pierre devenait fragile. Les joailliers ne voulurent plus les travailler. Ce fut la fin de cette industrie simorrainne.

Réaumur ignorait en réalité que les minerais étaient bien des dents d'animaux. Ceux-ci étaient des mastodontes dont les restes étaient fossilisés. Les " licornes minérales " n'étaient autre que les défenses de ces proboscidiens. Avec des mastodontes, il y avait des rhinocéros, de grands cervidés etc...La paléontologie était née. Les géants qu’on retrouvait en fouillant n'étaient que des animaux préhistoriques. La préhistoire était née.


dent de Rhinocéros de Simorre, quelques millions d'années
donnée par René Larrieu, une dizaine d'années !

Le drame est qu’ainsi, si l’on découvrait des singes, on risquait de les confondre avec les premiers hommes. Donc que les hommes avaient une origine terriblement ancienne confondue plus ou moins avec des chimpanzés. Donc qu’ils avaient été créés bien avant la Génèse. Donc que la religion chrétienne nous avait raconté des histoires, pas tout à fait conformes à la réalité paléontologique.

Ca allait être une sacrée remise en cause de la Bible…..


…aïe ! on n’en avait pas fini avec l’évolution

(à suivre...)