lundi 5 novembre 2012

Les muses de Torre de Palma


J’ai retrouvé une nouvelle (pour moi) mosaïque des Muses ! Au Portugal : me baladant à Toulouse, j’ai deux heures à perdre : je me réfugie donc rue du Périgord dans la (si belle et si) Grande Bibliothèque : il fait chaud, il fait bon, le silence, on est assis, on peut se servir librement d’un ordinateur, et contrairement à ce qui se passe dans les bars classiques, les toilettes sont propres ! Le pied ! A ma disposition, les Mazenot : «  l’Art en Espagne et au Portugal », je feuillette les rubriques par ordre chronologique, et débute par l’occupation romaine….pour  tomber sur le Musée archéologique de Lisbonne : la mosaïque des neuf muses ! J’ai pris goût aux langues ibériques et vous cite dans le texte :

Em 1947, Joaquim Inocêncio lavrava um terreno agrícola no monte de Torre de Palma. O arado bateu num capitel e deixou a descoberto um mosaico de pedrinhas. Nesse mesmo local, a uns 50 cm de profundidade, encontrou um pavimento de pedrinhas coloridas com figuras («mosaico das musas»).


En réalité, notre mosaïque est incluse dans un énorme pavement de 635 x 1024 cm : il comporte onze tableaux figurés, dont deux sont symétriques, dans un panneau rectangulaire : le tableau des Muses (en pied) et le triomphe dionysiaque (16 personnages) ; huit constituent un quadrillage de carrés, entre les deux panneaux précédents : cinq de ces carrés contiennent des sujets dionysiaques, le sixième illustre le mythe d’Apollon et Daphné, les deux derniers représentent une scène de deux tragédies célèbres dans l’Antiquité : Hercule furieux et Médée méditant le meurtre de ses enfants. Au fond de la pièce, un dernier tableau montre la lutte de Thésée contre le Minotaure, avec le Labyrinthe en toile de fond.

En bout, notre mosaïque (malheureusement découpée depuis pour la restaurer) mesure 257 x 146 cm. Les neuf muses sont représentées en position debout, certaines avec leurs attributs, dans l’ordre (officiel) suivant : Calliope, Euterpe, Érato, Thalia, Melpomène, Clio, Uranie, Polymnes, Terpsichore. Contrairement à l'habitude, Uranie ne tient pas dans sa main le globe terrestre ? Ou alors, la liste serait-elle erronée ? Ne bougez pas : je vais tenter de vérifier.





Vous vous demandez : et l’inscription ?

Il faut lire en latin :

SCOPA ASPRA TESSELLAM LEDERE NOLI. VTERI F(ELIX)


Je propose la traduction (j’ai bien lu les officielles qui ne me plaisent pas tellement) : « Ne pas ébrécher les tesselles avec un balai trop rêche, sois heureux ici »  !

Ce que je trouve extraordinaire, c’est que les mosaïstes savaient lire le latin ! Et surtout qu’ils attendaient des esclaves affectées au ménage qu’elles comprennent l’inscription ! … à moins que ce soient les proprio eux-mêmes qui balayaient par terre !

Ce  serait une révolution (portugaise) s’agissant du niveau d’éducation

femmes de ménage ? non ! femmes de lettres !

(ce n'est donc pas d'aujourd'hui si on peut avoir Bac+5 et faire le ménage)


P.S : je vous renvoie aux messages précédents : http://babo-gazettedesarts.blogspot.fr/2011/10/sala-de-las-musas.html

dimanche 4 novembre 2012

Vénus d’Italica

  
Il y a longtemps que je ne vous avais pas parlé de Romains, et de leur occupation de l’Espagne. Il y a longtemps que je ne vous ai pas montré de Vénus, et je viens d’en  trouver deux à la fois. A Séville. Enfin dans le coin. Les navires de mer, phéniciens et grecs, remontaient le fleuve Baetis (Guadalquivir) jusqu'à Ispal (Séville) pour venir échanger leurs marchandises. En 206 av. J.C., les romains s'emparent de l'antique Ispal et la rebaptisent Hispalis. A quelques kilomètres d'Hispalis, ville commerçante, Scipion l’Africain fonde Itálica, lieu de résidence. Les empereurs romains Trajan et Hadrien y naitront. Itálica devient la troisième plus grande ville romaine du monde, après Rome et Alexandrie, avec cinq cent mille d'habitants. Mais Hispalis continue de se développer et Itálica sera abandonnée, à cause d’un changement du cours du Guadalquivir. Donc démolie. Puis les reconstructions se développent sur les décombres, jusqu’à ce qu’au XIXè siècle des fouilles patiemment poursuivies dégagent peu à peu le théâtre de Santiponce ; le cirque romain ; et des villas somptueuses, et qui dit villa(e) dit mosaïques.


En 1940 seulement, des fouilles dans le théâtre dégagent une magnifique statue de marbre, énorme puisque haute (je parle au féminin) de 2,11 m. Il manque malheureusement la tête. Et les bras sauf le gauche, plus exactement le bras et la main gauche. C’est aujourd’hui la gloire du Musée archéologique, et des jardins où a été érigé un moulage.











C’est toujours pareil avec les belles statues antiques…cassées. Il y a toujours un sculpteur célèbre, prêt à démontrer qu’il est meilleur que les anciens, et que lui sculpte des corps entiers, avec un visage et des membres. Antonio Canova se lance, et nous sort en 1819 une Vénus d’Italica aujourd’hui bien connue, même si elle n’est plus espagnole, mais italienne : on la trouve à la Galerie palatine de Florence. En pratique Napoléon est passé par là en 1802, et a pris la Vénus Médici pour l’exposer au Louvre. C’est une copie romaine de l’œuvre de Cleomenes d’Athènes, une pièce superbe ! Il faut bien la remplacer, d’où le travail de Canova qui s’en sort pas mal. Il y a donc deux Vénus d’Italica, l’originale sévillane, et celle de Canova, florentine.




















Je vous joins (pour la route) quelques autres vénus du même style, trouvées dans le pourtour méditerranéen, et qui nous montrent des variantes (avec la tête ou pas), et la position des mains qui peut être d’une grâce infinie !
























Comme la peinture a aussi souvent pris pour thème Vénus, voici  « la surprise » de 1827, peinte par Claude-Marie Dubufe, d’un modèle qui a la même coiffure à l'antique. Et qui paraît vivante, les joues roses et en pleine forme.


Mon histoire n’est pas finie car il y a l’autre Vénus d’Italica. Celle de la mosaïque. D’une villa dite du planetario, le Planétarium. Cette mosaïque nous montre des dieux (dont Vénus au centre) plus précisément six dieux entourant Vénus. Il y a dans l’ordre chronologique : Jupiter ; Vénus ; Saturne ; Hélios (le soleil) ; Selene (la lune) ; Mars et Mercure. En réalité ils illustrent les jours de la semaine qui sont au nombre de 7 comme nous. La semaine par exemple commence avec Jupiter le jeudi. Et les jours sont donc rattachés aux astres comme le rappelle l’étymologie de leur nom. De même il y a quatre semaines dans un mois, et douze mois, on n’a rien inventé. Sauf les jours fériés et les vacances scolaires, vous avez remarqué tous les ténors de la télé filent en vacances et sont remplacés par des second rôles qui eux ne partent pas, mais les remplaceront le jour où les vedettes seront licenciées, et remplacées par le numéro deux qui deviendra vedette… etc…





Allez donc quand vous pourrez à Séville …

(au Museo Arqueologic)

voir les Vénus !


Deux autres Vénus, dont la Vénus d’Arles, mais celle de Martres n’est pas mal du tout :

Villa Bernasconi

La villa du ver à soie


Nous sommes proches du lac de Côme, en Lombardie, plus précisément à Cernobbio. Ce pourrait être une représentation du Paradis : l’Italie, le lac, la montagne…Vous avez entendu parler de la Ville d’Este ? de la villa Erba ?














































C’est à côté. Je vous en parle pour plusieurs raisons : même architecte milanais qu’à la villa Campanini : Alfredo Campanini lui-même. On peut penser qu’il y aura des sculptures, des céramiques et des vitraux. Peut-être aussi des ferronneries ? Nous sommes en 1905, on élève le ver à soie, Bombyx mori. Davide Bernasconi est à la tête d’une grande fabrique de textile. Il veut se faire construire sa villa, avec une partie habitation et une travail : elle va être créée à sa gloire, en plein style liberty : rien de plus légitime que de vanter la protection de la nature ; les plantes…et les papillons, plus particulièrement le ver à soie. Les chenilles. Le papillon adulte que l'on ne voit jamais... la femelle qui pond les "graines" comme on dit à Alès.




















Le circuit européen de l’Art Nouveau a repéré cette villa, et voici ses commentaires : “an interesting example of this trend is the villa owned by the silk magnate Bernasconi at Cernobbio, where he also set up his modern factory, currently being restored by local initiative. In this villa, built in 1905, the architect, Campanini, makes use of a leit motiv inspired by the textile industry, the silkworm amongst mulberry leaves, for the bas-reliefs which adorn the facades, thus weaving into the decoration symbols from the world of work”.







































































































































Quand on va sur place, on a vraiment le choix car il existe plein d’autres villas : “at Lanzo d'Intelvi, above Lago di Como, there are two villas, Poletti (1913) and Cirla (1915), designed by the architect Sommaruga, built very much in spirit of the “Liberty" movement, blurring volumes and structures with flowing decorative designs . and in Brunate we find Villa Maria (1904) and Villa Chiara (1906), still wavering between eclecticism and modernism, and finally the purest expressions of floral design: Villa Cantaluppi (1908), Villa Marinoni (1910), Villa Rebuschini (1910) and Villa Franceschini (1911-12)”.


Beaucoup de noms célèbres sont comme toujours associés à la decoration : Ernesto Bazzaro (Milano 1859 – 1937) sculpteur ; l’Officina Beltrami à Milano de Giovanni Beltrami (Milan 1860 – 1926) production de vitraux ; Carlo Bugatti (Milano 1856 – Molsheim 1940) ; Alessandro Mazzucotelli (Lodi 1865 – Milano 1938) le ferronnier de la villa Campanini ; Società Ceramica di Laveno, fabricant de céramiques etc… On retrouve le verrier de Milan à l'intérieur :




























Avec une pareille histoire, comment voudriez-vous que Milan

ne soit pas un grand centre du design ?

Bombyx mori est légèrement transposé !
le céramiste avait des carreaux en trop...il en a posé quelques uns
villa Campanini !


Restauration du Musée de la Villa Bernasconi (villa Art Nouveau à Cernobbio sur le lac de Côme) pour préserver et améliorer les caractéristiques artistiques et architecturales existantes, en réalisant des intégrations contemporaines à travers un design minimal. Une nouvelle idée de musée qui implique activement et émotionnellement le visiteur et le transforme en invité. Tous les meubles et machines d'exposition ont été conçus spécifiquement pour la structure du musée.



PS : (ajout du 17 juin 2024) : depuis la rédaction de cet article en 2012, 12 ans ont passé ! La restauration du Musée de la Villa Bernasconi (Villa Art Nouveau construite en 1905-1906 à Cernobbio, sur le lac de Côme), a été men,ée à terme, pour préserver et mettre en valeur les éléments artistiques et architecturaux préexistants avec la réalisation d'intégrations contemporaines à travers un design minimal. Une nouvelle idée de musée qui implique le visiteur de manière active et émotionnelle, le transformant en hôte. Tous les meubles et machines d'exposition ont été spécialement conçus pour l'aménagement du musée.

un lieu de ballade pour les amoureux de la viodiversité, 

et du luxe à l'Italienne ! 










vendredi 2 novembre 2012

Casa Campanini


Nous faisons un grand saut vers l’Italie, à Milan exactement, 11, via Bellini, pour retrouver Milano Liberty, l’Art Nouveau à Milan. J’aurais pu nommer ce palais, « le palais des cariatides de Milan » pour faire pendant à la façade de Lluis Domenech i Montaner à Olot. Nous sommes cependant très loin, ceci pour illustrer l’étendue du mouvement architectural des années 1900, là-bas : moderniste, ici, liberty.


Deux figures fémines sculptées par Michele Vedani encadrent l’entrée. Vous voyez que je sais apprécier les sculpteurs italiens aussi ! Michele Vedani est né à Milan en 1874 et mort en 1969. Elève d’Enrico Butti à l'Accademia di Brera, il a réalisé des monuments, bustes, et bronzes,  comme le dernier baiser (c’est plus joli de dire ultimo bacio). Attention, les deux statues ne sont pas n’importe quelles figures : La Pittura e La Scultura, tout ce que j’aime !

L’ architecte, c’est Alfredo Campanini (1873-1926), accompagné du ferronnier Alessandro Mazzucotelli. C’est lui qui a inventé le système de porte d’entrée extraordinaire, puisqu’en position fermée, les portillons remontent dans la partie supérieure pour laisser place en bas à une fermeture pleine. La Casa Campanini fut construite entre 1903 et 1906.



















Frisos, frescos, cristales de colores,(ce sont mes vitraux préférés)  todo en estilo Art Noveau, eso es lo que se ve dentro del edificio y de todas las habitaciones donde se conservan los puebles y objetos de decoración originales. Es un sitio precioso. On aimerait entrer davantage à l’intérieur pour admirer les meubles !



Dès franchi le premier sas, les portes sont décorées de vitraux, comme plus haut les fenêtres.




La prochaine fois, on va à Milan !

Bellissimo !


et voici l'ultimo bacio, sur la tombe de Bonelli...quelle tombe !