Il faut dire qu’il y en a des souvenirs rue Beauvoisine : il suffisait dans les années 1955 de parcourir une rue depuis le Lycée Corneille pour y renifler l’odeur de la ville, l’odeur de la liberté : tout en haut, le Musée des Antiquités jouxte le Muséum d’Histoire Naturelle. Je vous ai montré quelques antiquités récentes, je vous montrerai plus tard quelques véritables antiquités des millénaires passés, au temps où l’on disait Rotomagus pour dire Rouen !
Un peu plus bas : une maison célèbre : le 172 : un escalier raide décoré de colombages. Vrai : on l’escaladait à quatre pattes, comme une échelle ! Une pièce par étage, les murs en colombage interdisant toute décoration, tout cadre, toute photo, ajouts superflus cachant les colombages, ici on ne badine pas avec l’architecture ! Adorable mais infernal à meubler (à cause des colombages) ; pas de place pour les utilitaires genre salle de bain et autre cuisine. A l’étage des mansardes adorables. Mais au rez-de-chaussée, le salon à la vue des passants obligeait à fermer les fenêtres pas marrant pour bénéficier d’un soleil déjà parcimonieux. Vendu, fini, le nom sur la sonnette est inconnu.
Un peu plus loin, des vieilles façades ; de belles pierres. Des artisans disparus ailleurs survivent : ici on fabrique encore des cartes de visite à la main en relief. Là un staffeur. Encore un ébéniste. Ce serait bien de vivre ici et de faire rénover un appartement (de prestige) : il y a encore des maitre-artisans, et j’ai même trouvé un doreur…faire dorer des lambris…dans chacun d’entre nous sommeille le rêve (en veilleuse) de vivre dans un Palais (national) de style !
C’est très joli tout cela, mais il faut bien manger. J’ai trouvé l’endroit : voici : « Au porcelet rose ». Le patron est Sylvain Martin, charcutier, prix d’honneur du meilleur boudin blanc en 2011. Il fait dans le porcelet, mais pas que : un jour je trouve un pâté genre tourte farci de saumon. Le surlendemain, le saumon est remplacé par la raie. J’ai la primeur de la photo, avant même que me soient découpées les deux premières tranches ! Et puis un pâté de poule (à l'ancienne c'est plus vendeur) noyée dans son porto. Et puis le hachis Parmentier est un régal. Ce midi de la tartiflette. Bref j’y vais et j’y retourne, ici nous vivons des produits achetés chez les traiteurs, cela facilite grandement la cuisine !
Pour être tout à fait franc, la rue voisine Armand Carrel proche de la rue du Ruissel n’est pas mal non plus. Le traiteur du cochon, c’est « Au cochon qui dort ». Vous avez pigé l'humour ? "qui dore". Et il y a dedans le mot or ! Le mot qui brille ! Pas mal non plus, un peu plus cossu même : on trouve par exemple une terrine de poisson farcie à la langouste ! Le top ! Des œufs norvégiens en gelée (que c’est bon). Ah j’oubliais : un mille feuille de crêpes : c’est délicieux (et très joli). D’ailleurs tout le quartier, qui parait un peu bobo, se presse dans les magasins, comme la Casitalia : figurez vous que pour la seconde fois de ma vie, après la rue Nivert à Paris, je trouve du jambon Rostello : rôti en Vénétie, farci aux herbes, je m’en fais couper six tranches pour deux : on le mange en chiffonnade avec les doigts, sur la baguette (tendre sur plaque) sortie du four du boulanger voisin : on s’en fait une cure, avec la pluie qui inonde les trottoirs, on se croit à Venise !
J’ignore si c’est le moment pour les coquilles Saint-Jacques, mais il y en a plein dans tous les étals. Elles sont énormes, avec des appendices (sexuels) adaptés à leur taille, et orange-vif. Pour faciliter le travail d’épluchage, le poissonnier les vend sorties de leur coquille, 39 Euros le kilog. Une poêlée est vite faite, sur un lit d’oignons frits, avec in fine un grand bol de crème (normande).
Avec le temps qu'il fait, il faut bien compenser
Je vous assure que si l’on fait bien les courses
(c'est mon job)
(c'est mon job)
On mange ici comme Dieu en Normandie
Flaubert n'est jamais bien loin ! |
je trouve très sympathiques les qualifications de Sylvain Martin |
Madame Martin me fait les honneurs du pâté de raie...un délice ! |