samedi 9 mars 2013

Du Bien et du Mal


- Ca se passe en Iran (en Perse plutôt) il y a -2600 ans
- Avant la Génèse, le Zoorastre
- Pierre Benoit savait déjà
- Des bas-reliefs de l’église de Saint-Paul les Dax
- Papa est le plus fort

Touts ces titres me viennent simultanément à l’esprit, dans un désordre fort complexe, et je vais tenter (dans ce qui est la réponse à mon Père), de démêler cet énigmatique imbroglio !

L’allongement de la durée de la vie tout d’abord est un miracle de notre siècle, qui permet à un érudit de 95 ans (nos amis Belges disent nonante cinq ans ce qui est plus joli) d’avoir l’envie de poursuivre des études historiques, d’intervenir auprès de Sociétés Savantes (la Société de Borda dans le cas présent, dont le siège est à Bordeaux, capitale de la Région où se déroule notre petite histoire) (1), et d’apporter sa pierre à la compréhension des siècles passés, dans le cas présent le décryptage des hiéroglyphes illustrant une église, fort connue des spécialistes, celle de Saint-Paul-lès-Dax. C’est là qu’est né l’érudit en question, ancien instituteur (on dit aujourd’hui Professeur des Ecoles), et il reste donc très concerné par l’histoire de sa Ville natale. Il voudrait même démêler ce qui reste aujourd’hui un mystère pour les amateurs de vieilles pierres : manière d’apporter sa pierre, (c’est le cas de le dire) à l’édifice. Il est persuadé que le bas-relief que je vous montre plus bas représente le Bien opposé au Mal.



Etant fils de l’érudit en question, je manie un peu plus aisément que lui l’ordinateur, et viens d’être officiellement chargé (devoir moral et challenge à relever) de faire connaitre sa démarche en la transcrivant non plus en manuscrit-papier comme il a commencé de le faire, mais en la dactylographiant sur ordinateur, texte et images naturellement. Avec le quart de vision qui lui reste, l’érudit va lire ce modeste essai, va me téléphoner pour m’indiquer les fautes d’orthographe ayant résisté à mon propre examen critique (mais à part Bossuet, l’écrivain ne repère jamais ses propres fautes d’orthographe c’est pourquoi les éditeurs ont inventé les lectrices), et va me noter (probablement « peut mieux faire ») comme il le faisait à l’âge de sept ans (c’était dans les fifties), quand étant son élève, je l’appelais « Monsieur » (comme toujours, l’écriture sert de psy même plusieurs dizaines d’années après, il était temps que je résolve cette vieille affaire encore enfouie dans mon sub-conscient).

Quel est donc le problème ?



L’abside de l’église de Saint-Paul-lès-Dax est fort connue des amateurs pour ses bas-reliefs. Certains sont lisibles même par des mécréants comme je le suis : par exemple la Cène, (attention à l’orthographe) où Jésus est entouré des douze apôtres : ce n’est pas très difficile, on compte treize convives. Celui du milieu préside manifestement, et au lieu d’avoir la tête entourée d’une aura circulaire que les bouddhistes reconnaitraient comme un signe distinctif de leur rayonnement astral, a de très grandes oreilles un peu comme le Prince Charles d’Angleterre, ou comme une antenne, du genre de celles utilisées par la téléphonie mobile.




Lithographie L.Poujeau. Dessiné par M.H.Serres. Le nettoyage des personnages a fait disparaitre les aura !

D’autres sont bien plus difficiles à interpréter : on voit des créatures mi humaines, mi animales. Des démons, des pieds fourchus, comme ce panneau. L’interprétation classique, est que l’on voit un lion (certes !), des serpents (animal maléfique, le tentateur d’Eve par exemple), et j’ouvre les guillemets «… dans l’idée du salut, présentée par le bandeau formé de l’ensemble des bas-reliefs, ne trouve-t-on pas trois choses distinctes : le mal, la délivrance de ce mal, et l’état du délivré ? … Le grand mal est dans l’animal qui cherche à régner en nous, tandis que c’est la raison qui devrait avoir le dessus… ». J’interromps la citation, car comme cela arrive souvent chez les archéologues ou les galeries de peintures, voire les historiens, l’auteur brode et interprète les émotions que lui suggère le tableau. L’ingénieur préfère les faits, « le factuel », et c’est ce qui agite papa : selon lui, tout ce baratin est bidon : Il voit Ormuz et Arihman.

pas de chance ! Ormuz, le bien est dans l'ombre ; Ahriman, le mal, dans la lumière !...le mal est partout !

Comme dans nombre de messages de ce blog, cela en fait l’intérêt et en agace beaucoup, j’adore les digressions, et vais me lancer dans un détour assez large, qui va débuter par Pierre Benoit. Pourquoi ?

Parce qu’il s’agit d’un écrivain lui aussi (mais beaucoup plus connu). Qu’il était manifestement érudit (lui aussi). Qu’il aimait l’ésotérisme. Et qu’il a vécu à Saint-Paul-lès Dax ! Dans certains coins de France, on dirait : « c’était un pays », voulant dire par là qu’il était  imprégné de la culture du coin : les pins ; la résine ; Notre Dame de Buglose ; l’Adour ; les aloses ; les courses de taureaux (ça c’est Dax) ; les Landes ; l’Art Roman ; le foie gras ; les ortolans …etc…



Le succès du roman « Mademoiselle de la Ferté », paru en 1923, tient à la fois de la description de la vie rurale dans la région de Dax (Landes), où donc Pierre Benoit a des racines et quelques souvenirs d'enfance, et au mystère de la relation entre deux femmes à une époque où le lecteur cherchait surtout le non-dit dans les romans, et ignorait forcément le mariage pour tous. (aujourd’hui on dit tout, ou plus que tout pour faire scandale et vendre quoiqu’il en coûte).


 Pour les personnages de la famille et les décors, Pierre Benoit s'est largement inspiré de la famille de ses cousins, les Lartigue de Saint-Geours-de-Maremne (Landes). La demeure des Lartigue s'appelait ainsi La Pelouse, nom de la maison de Galswinthe dans le roman. C'est plus récemment que la maison familiale de Pierre Benoit à Saint-Paul-les-Dax, propriété du groupe Gascogne et devenue un musée, a été à son tour rebaptisée « La Pelouse » en souvenir du roman.


Or quelles sont les premières lignes de Melle de la Ferté ? Je cite texto : « Que sont nos actes, nos pauvres actes ? Il est éternel, le subtil mythe des Persans. (nous y voilà). Ormuz et Ahriman continuent de se disputer les créatures humaines. Nous sommes les champs de bataille mystérieux où s’affrontent ces adversaires, sans qu’on puisse savoir lequel des deux aura été le vainqueur. Où est l’ombre ? Où est la blancheur ? …… »


Alors Papa me téléphone, et me dit : " ton boulot est de découvrir comment Pierre Benoit connaissait ces deux individus" (Ormuz que je prenais pour un détroit ; et Ahriman dont je n’avais jamais entendu parler). En effet, quel rapport entre tout ça  ?

Il faut que je vous explique qu’avant la Génèse dans la Bible, le Paradis terrestre ; le fruit défendu ; le serpent tentateur ; la pomme et Dieu le père expulsant Adam et Eve du Paradis terrestre pour avoir tenté de comprendre la différence entre le Bien et le Mal, il y avait en Perse la même légende, avec des protagonistes assez semblables. Sauf que c’était bien avant !


La première histoire connue sur la division entre Bien et Mal naît en effet dans la Perse antique, six cent ans avant Jésus-Christ : le dieu du Temps (Zervan), après avoir créé l’univers, constate l’harmonie autour de lui, mais il sent qu’il manque quelque chose de très important – une compagnie avec qui jouir de toute cette beauté.

 Pendant mille ans, il prie parce qu’il veut un fils. L’histoire ne dit pas à qui il adresse sa demande, puisqu’il est le tout-puissant seigneur unique et suprême ; pourtant il prie, et enfin se trouve enceint. A cette époque, vous avez observé que les mecs avaient dépassé la procréation pour autrui et savaient tout seuls fabriquer des BB. Mais après tout c’était Dieu lui-même !


Comprenant qu’il a obtenu ce qu’il voulait, le dieu du Temps regrette ; finalement, il s’était habitué à l’harmonie. Mais il est trop tard ; tout ce qu’il obtient avec ses pleurs, c’est que le fils qu’il portait dans son ventre se divise en deux.

La légende raconte que de la prière du dieu du Temps naît le Bien (Ormuz ou Ahura Mazdâ), de son regret naît le Mal (Ahriman) – des frères jumeaux.

Inquiet, il se débrouille pour qu’Ormuz sorte le premier de son ventre, pour contrôler son frère et éviter qu’Ahriman ne cause des problèmes à l’univers.

 Mais comme le Mal est rusé et habile, il parvient à pousser Ormuz à l’heure de l’accouchement, et il naît le premier. Une remarque en passant : le Mal a donc été créé par le Dieu d’origine, ce qui est embarrassant s’il l’a fait exprès. Encore pire s’il a été inconséquent, on ne peut donc plus se fier à Dieu ?

Désolé, on le serait à moins, le dieu du Temps décide de créer des compagnons pour Ormuz : il fait naître l’espèce humaine, qui luttera avec lui pour dominer Ahriman, et empêcher que le Mal s’empare de tout.

 Dans la légende perse, l’espèce humaine naît comme alliée du Bien, et selon la tradition, elle vaincra à la fin.

Mais une autre histoire au sujet de la Division apparaît des siècles plus tard, cette fois dans une version opposée : l’homme comme instrument du Mal : un homme et une femme sont dans le jardin du paradis, jouissant de tous les délices imaginables. Il n’y a qu’un seul interdit : le couple ne doit jamais connaître ce que signifient le Bien et le Mal.

Le Seigneur tout-puissant dit (Genèse 2,17) : « tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur ».

Et un beau jour survient le serpent, affirmant que cette connaissance est plus importante que le paradis, et qu’ils doivent la posséder. La femme refuse, disant que Dieu l’a menacée de mort, mais le serpent assure que rien de tel n’arrivera : bien au contraire, le jour où ils connaîtront ce qu’est le Bien et le Mal, ils seront pareils à Dieu.

Convaincue, Eve mord dans le fruit défendu et en donne une part à Adam. Dès lors, l’équilibre originel du paradis est défait, et ils sont tous les deux expulsés et maudits. Dans la tradition biblique, l’humanité est ainsi complice du malheur qui se répand sur la planète.


Je stoppe une seconde et me retourne : suivez vous toujours ? (j’en doute un peu … !)

Nous avons pourtant vu :

-ça se passe en Perse (en Iran aujourd’hui).
-avant la Génèse : Zarathoustra, le Bien et le Mal, Ormuz et Ahriman.
-Pierre Benoit (qui en avait vu d’autres dans l’Atlantide, et dans la Chatelaine du Liban), connaissait déjà.

-sur l’un des bas-reliefs de Saint-Paul les Dax, celui qui intéresse mon Père, on voit bien à droite Ahriman, qui crache un jet de feu ; qui « gerbe » dirait-on dans le langage d’aujourd’hui sur son interlocuteur Ormuz, représenté en Lion Assyrien. Lui c’est le Bien qui assure, devant le Mal qui insulte. Derrière Ahriman : des compères diables, le serpent, un masque de fou. Derrière Ormuz dont la queue se retourne en coq (gaulois) un (bon) dragon adepte de la non violence puisqu’il a le bec fermé (mais avec une petite veilleuse quand-même pour montrer qu’il est capable de lancer une attaque, au Mali par exemple) et l’allusion au Lys Royal (d’essence divine of course). Cette interprétation de papa transcende les lectures précédentes des soi-disant historiens et met les pieds dans le plat en nommant ce qui ne l’était pas.

dans la Flute enchantée...

Papa est donc le plus fort, ce que j’avais appris à mes propres enfants à répéter (à l’âge où ils en étaient convaincus, faute de comparaison, ce qui a du évoluer aujourd’hui qu’ils sont pères à leur tour). Mais je crois toujours à mon propre père, qui m’a ainsi permis de savoir qu’il y a eu un avant la Bible. Et une différence récurente (comme disent les journalistes) et ancestrale, entre le Bien et le Mal. Au moins, au Paradis, on interdisait de creuser le sujet. J’espère que vous comprenez mieux pourquoi ! C’est un sujet brûlant !

C Q F D

J’attends maintenant avec une certaine inquiétude le verdict de papa :

ai-je traduit correctement sa pensée ?

…quant aux fautes d’orthographe… !

P.S : quand j’ai besoin de bibliographie sur Pierre Benoit, je m’adresse à Jacques C. dont la bibliothèque regorge de vieux beaux livres : notamment de Pierre Benoit dont il est expert ; Jacques fait aussi bien la cuisine qu’il sait raconter de jolies histoires. Il possède un talent rare dans notre pays, il sait manier un tour à métaux, et me donne depuis des années le coup de main décisif pour créer des pièces spéciales. J’oubliais : Jacques habite…Saint-Paul-lès-Dax !

Créée en 1876, elle est fidèle à sa vocation : ancrée dans le terroir et ouverte sur l’extérieur, elle est la mémoire vivante des Landes, et réunit tous ceux qui s’intéressent aux pays landais et limitrophes.