Toute vérité n'est pas bonne à dire ! Parlez-en à Fantin Latour ! Le peintre ! Sans doute ignorait-il la citation d'André Gide dans "les faux monnayeurs" :
" Dans un monde où chacun triche,
c'est l'homme vrai
qui fait figure de charlatan. "
Autour d’un portrait de Delacroix, de Manet à son chevalet,
d’une table ou d’un piano. S’inscrivant dans une longue tradition du portrait
collectif, ces austères et fictives assemblées masculines regroupent des
personnages indifférents les uns aux autres. « On peint les gens comme des pots
de fleurs », disait Fantin-Latour, maître incontesté de la nature morte. Au
regard des portraits collectifs que le peintre a réalisés entre 1864 et 1885,
la formule prend tout son sens. Il est l’homme des figures immobiles, des
regards fixes, celui qui avoue avoir « horreur des mouvements, des scènes
animées ». Ce qui est vrai pour certaines toiles intimistes comme La Lecture
(1877) ou La Leçon de dessin dans l’atelier (1879), peintes dans la veine d’un
James McNeill Whistler, l’est davantage encore dans les grandes compositions
que Fantin-Latour dédie à des groupes de peintres, d’écrivains, de poètes ou de
musiciens de son temps.
Ainsi de l’Hommage à Delacroix (1864) et d’Un atelier aux
Batignolles (1870), de Coin de table (1872) et d’Autour du piano (1885), quatre
tableaux qui comptent parmi les plus célèbres, mais aussi les plus intrigants
de l’artiste. Au nombre de cinq si l’on inclut Le Toast, une toile présentée au
Salon de 1865 et aujourd’hui disparue, "la vérité détruite", ces portraits d’hommes apparaissent
comme une parenthèse, une respiration dans la carrière de Fantin-Latour, entre
sa production de natures mortes – les bouquets de fleurs qui lui assurent de
confortables revenus mais dont il dit s’être lassé – et les œuvres «
d’imagination », ouvertes au rêve et à la poésie, qui occuperont l’essentiel de
son temps dans la dernière partie de sa vie.
Le premier de ces tableaux est un hommage à l’artiste qu’il
admire le plus, Eugène Delacroix. Décédé en 1863, le maître du romantisme n’a
pas bénéficié, à ses yeux, de funérailles et d’honneurs à la hauteur de son
importance. Autour d’un portrait du peintre réalisé d’après une photographie,
Fantin-Latour s’est lui-même représenté (reconnaissable à sa chemise blanche
qui contraste avec les habits noirs de ses camarades), aux côtés d’hommes de
lettres, écrivains et poètes (Jules Champfleury, Louis-Edmond Duranty, Charles
Baudelaire) et d’artistes, (Édouard Manet, James McNeill Whistler, Félix
Bracquemond, Louis Cordier, Alphonse Legros et Albert de Balleroy).
Le travail d'un peintre est toujours fascinant, il n'improvise pas du tout, il prépare des esquisses. certes le tableau est perdu, mais restent les esquisses :
les copains à la fin d'un repas seraient devant un tableau de Velasquez, et la Vérité arriverait nue...??? |
En 1905,
l’historien de l’art Léonce Bénédite écrira que cette œuvre représentait « pour
le jeune peintre, avec le labeur le plus consciencieux et la préparation la
plus réfléchie, l’expression la plus complète des rêves de sa jeunesse; c’était
l’aveu public de ses admirations, de ses ambitions et de ses affections; il y
étalait la plus belle part de sa vie sentimentale et de sa vie intellectuelle
». Mais à l’heure où le futur directeur du musée du Luxembourg rédige ces
lignes, le tableau n’existe déjà plus.
Fantin l'a détruit :
la vérité n'est pas de ce monde !
et Fantin n'aimait pas ce dicton :
"la vérité est le mensonge sur lequel tout le monde s'accorde"
la vérité n'est pas de ce monde !
et Fantin n'aimait pas ce dicton :
"la vérité est le mensonge sur lequel tout le monde s'accorde"
Il nous reste de belles toiles féminines, et je vous présente la soeur de la Vérité : la Nuit
toute vérité n'est pas bonne à dire...
encore moins à montrer !
Les modèles ont posé séparément
dans l’atelier du peintre, et leur réunion sur la toile est purement fictive.
Il y a quelque chose de très photographique dans ces compositions
volontairement figées. Une certaine froideur aussi, une distance, et
l’impression d’un silence pesant, que l’on perçoit aussi dans un autre portrait
collectif, cette fois-ci familial, que Fantin-Latour peindra en 1878, La
Famille Dubourg. Austère et mélancolique, ce tableau aux allures de scène de
deuil représente pourtant tout simplement ses beaux-parents et leurs deux
filles, Charlotte et Victoria, l’épouse de l’artiste. Alors pourquoi cette
gravité qui, a priori, n’est en rien justifiée par le sujet ? Dans ce portrait
comme dans les autres, Fantin-Latour juxtapose des solitudes. Et semble dresser
ce constat que le groupe, finalement, n’existe pas. L’homme, et plus encore
l’artiste, qu’il soit peintre, écrivain, poète ou musicien, est toujours seul.
Face à lui-même, face à son public. J'ai emprunté ces propos à Guillaume Morel, merci à lui !
PS : le thème de la vérité dans la peinture est éternel (j'ai tort, à la télé on dit récurrent)
http://babone5go2.blogspot.com/2020/04/verite-mensonge.html
https://babone5go2.blogspot.com/2015/08/connaissez-vous-courteille.html
http://babo-gazettedesarts.blogspot.com/2011/09/verite.html
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