Dans la mythologie grecque, la
sibylle est une prêtresse d'Apollon qui personnifie la divination et
prophétise. Les sibylles exprimaient leurs oracles dans un langage énigmatique
permettant de nombreuses interprétations. Fameuse est la prophétie orale pour
un soldat « Ibis redibis non morieris in
bello ». Si une virgule est placée avant le « non », la phrase devient «Tu iras, tu reviendras, tu ne mourras pas
en guerre », mais si la virgule était placée après le « non », la phrase
est « Tu iras, tu ne reviendras pas, tu
mourras en guerre ».
L'obscurité et l'ambigüité de la
divination des sibylles a donné le qualificatif « sibyllin » qu'on attribue à des propos confus, énigmatiques,
mystérieux ou à double sens : on parle aujourd’hui de langue de bois, ce
qui revient au même !
La sibylle figure l'être humain
élevé à une dimension surnaturelle, lui permettant de communiquer avec le divin
et d'en livrer les messages. Les sibylles furent considérées comme des
incarnations de la sagesse divine, aussi vieilles que le monde, et dépositaires
de la révélation primitive. Aussi a-ton pu rapprocher le nombre des douze
sibylles et celui des douze apôtres et de peindre ou de sculpter leurs effigies
dans les églises : que ce soient les vitraux de Beauvais (1532) ;
Auch (1513) qui précède ainsi st Bertrand de Comminges (1535) ; les
stalles de Gaillon que je vous ai montrées ; St Ouen de Rouen ;
Brenillis dans le Finistère etc...
Avant de vous montrer les douze stalles de St Bertrand, (face Nord), il faut nous rendre à Auch, où avait été ordonné Jean de Mauléon : sans doute
est-ce dans les vitraux d’Arnaud de Molles dans la cathédrale dédiée là encore
à sainte Marie, qu’il a trouvé l’inspiration : Les vitraux d'Arnaud de
Moles furent réalisés entre 1507 et 1513 (le dernier vitrail, celui de la
Résurrection, indique dans son cartel la date de pose du 25 juin 1513 avec la
signature du maître verrier). Bien qu'encore imprégnés de l'art du Moyen Âge,
ils participent de la Renaissance et sont considérés comme les plus beaux de
cette période. Émile Mâle écrivait « pour
l'ampleur de la pensée aucun travail de cette époque n'égale les vitraux d'Auch
».
Les verrières sont présentes dans
toutes les chapelles du déambulatoire (à l'exception de la chapelle du Saint-Sépulcre,
alors adossée à l'archevêché). Après trois vitraux historiés, placés au
commencement, au centre et à la fin du parcours, représentant respectivement la
Création et le Péché, la Croix du Christ, et la Résurrection, les autres
présentent des personnages bibliques : patriarches, prophètes, apôtres,
auxquels viennent s'ajouter des personnages issus de la mythologie
gréco-romaine, les Sibylles. La série commence du côté de l'Évangile,
c'est-à-dire du côté droit de l'église en regardant l'ouest, avec la chute
originelle, et se termine du côté de l'Épître avec la Résurrection, en passant
par le vitrail situé dans l'axe, la Crucifixion du Christ. Les Sibylles prophétisent la vie de la Vierge, elles sont sept ; ou la passion de Jésus, les cinq autres.
— Vie de la Vierge :
1. La Persique tenant la lanterne
et foulant un serpent : annonce la Vierge
foulant le serpent. Immaculée
Conception : Incarnation : la Vierge donne naissance à celui qui se dira Lumière du Monde. A côté Eli.
2. La Libyque tenant un cierge : la Vierge et l'Enfant apportant cette Lumière que la naissance du Seigneur a apportée au monde.
entre Moïse et Enoch |
Noé, Ezéchiel, Pierre et Erythrée |
4. La Cuméenne tenant un bol (une
boule) : Virginité (ou Venue d'un enfant).
Naissance dans une crèche
Phrygienne ; Malachie ; Cuméenne ; Jean-baptiste |
si je n'ai pas trouvé la sibylle de Cumes à Auch, voici celle de Beauvais
à côté de celle d'Erythrée une rose à la main
5. La Samienne tenant un berceau : Nativité / Annonce aux
Bergers.
Abraham ; Melchisedech ; Paul et la Sibylle de Samos |
6. Cimmérienne tenant une corne (biberon) : allaitement de
l'Enfant par la Vierge
à côté de Daniel, Mathieu de l'autre côté |
lors de la dépose au musée des Augustins en 2018 |
entre Josué et Amos |
— Passion et Christologie :
8. La Tiburtine tenant une main : Passion (Jésus giflé par
les bourreaux). La main en question est celle du garde qui a souffleté le Christ au cours de la Passion : les policiers qui maltraitent les malfrats devraient en prendre de la graine ?
9. L'Agrippine tient un fouet : c'est la flagellation.
entre Jérémie et Nahum |
on voit beaucoup mieux la couronne d'épines à Beauvais, avec dans la main gauche les trois clous du Christ. A gauche Tibur et la main coupée de la n°8;
Je n'ai pas trouvé les illustrations pour les deux dernières :
11. L'Hellespontine tenant une croix : Crucifixion. Incarnation et Passion, parait absente d'Auch et Beauvais ; et la dernière et 12ème, la Phrygique ou Phrygienne tenant un étendard crucifère : Résurrection. La voici à Beauvais, à côté de la 9 Agrippa, qui ne tient pas un fouet, mais se tient à côté de la colonne de la flagellation :
comme je ne lâche rien, je dois me rendre à Etampes à Notre dame du Fort pour trouver l'Hellespontique, qui est l'Egéenne
je n'ai plus qu'à reprendre cette énumération à Saint-Bertrand de Comminges :
Nascetur Deus ... diebus novissimis de virgine hebrea : "Dans ces derniers temps un Dieu naîtra d'une vierge, juive."
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je n'ai plus qu'à reprendre cette énumération à Saint-Bertrand de Comminges :
... une prochaine fois !
PS : merci une fois encore à Jean-Yves Cordier, qui sait tout sur les Sibylles :