matheux : accrochez-vous !
Je vous ai laissé la dernière fois sur une manipulation génétique toute simple : en croisant Apollo nivatus de race pure, avec l’aberration scandinave wiskotti, Henri Descimon a démontré que le gêne wiskotti était récessif, mais qu’un croisement entretenu plusieurs années de suite permettait, en respectant les lois de Mendel de faire ré-apparaître l’aberration jusque là masquée.
Cela mérite quelques explications. Vous en déduirez que faire un peu de mathématiques ne nuit pas à la recherche des espèces aberrantes de papillons, et que le recours à un professeur de maths peut même être indispensable !
Je vous ai déjà parlé de Robert Blanchard mon maître : http://mesamispapillons.blogspot.fr/2011/03/les-metis-de-blanchard.html. C’est le moment de ressortir un manuscrit pieusement conservé, de ses travaux entrepris en 1984, il y a presque trente ans ; dix avant les travaux de Descimon : il s’intéresse aux Zygènes, plus particulièrement à Zygaena ephialtes. La Zygène de la Coronille. Vous voyez qu’elle possède des signes distinctifs, à tel point qu’on peut en dresser un portrait robot : la couleur du fond des ailes. Des taches de nombre variable sur les antérieures. Des ailes postérieures rouges ou jaunes. Et ce magnifique anneau abdominal qu’on croirait être fait exprès comme un brassard de police : rouge ou jaune. On a toujours envie de celui qu’on n’a pas !
On devine qu’en croisant des formes différentes entre elles (au risque de consanguinité), on va obtenir des individus dont les signes qui précèdent apparaitront différemment, selon qu’ils sont dominants, ou récessifs.
Je suis obligé de vous livrer telles quelles les notes de Robert, avec son écriture penchée précise de professeur de mathématiques au Lycée technique de Cahors : il distingue les formes peucédanoïdes, et ephialtoïdes, qu’il va croiser entre elles pour obtenir des éphialtoïdes jaunes, tellement rares dans la nature qu’elles sont quasi introuvables statistiquement.
J’espère que vous n’avez pas zappé une démonstration certes compliquée, car il y a deux caractères dominants et deux récessifs.
Mais si vous avez suivi, l’émergence de wiskotti va vous paraître simplissime :
1ère année : croisement Apollo race pur avec wiskotti aberration caractère w masqué = hybrides Aw
2è année : le croisement des hybrides Aw entre eux donne :
Aw
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Aw
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Aw
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AA(race pure)
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Aw(hybride)
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Aw
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Aw(hybride)
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ww(aberrant)
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¼ des individus restants vont apparaître wiskotti puisque le caractère dominant A disparaît.
Les années suivantes cela se complique, mais on devine que quand seuls les gênes wiskotti se croisent entre eux, les individus correspondants apparaissent (à la grande joie de l’éleveur).
Voilà l’explication de ces collections cumulant des tas d’individus !
voilà pourquoi les (vrais) amateurs élèvent les papillons : pour faire apparaître les caractères masqués !