vendredi 11 janvier 2013

Sainte-Chapelle


Au cœur de la Bible

Nous sommes en 1248. Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis (depuis sa canonisation en 1297), n’a que 34 ans : il est né le 25 avril 1214 à Poissy et mort le 25 août 1270 à Tunis pendant la huitième croisade. Il règne de 1226 à 1270, neuvième de la dynastie des Capétiens directs.


C’est le fils de Louis VIII (1187-1226), dit « Louis le Lion », roi de France, et de Blanche de Castille (1188-1252). Il n'a que douze ans quand il est sacré roi le 29 novembre 1226 à Reims par l'évêque de Soissons, Jacques de Bazoches. La régence est assurée par sa mère, Blanche de Castille, avec le titre de « baillistre ». En 1234, elle organise le mariage, qui aura lieu à Sens, avec Marguerite, la fille du comte Raimond Bérenger IV de Provence, espérant ainsi agréger le comté de Provence au royaume de France. Blanche de Castille gardera assez longtemps une grande influence sur le pouvoir, au-delà de la majorité du roi, à 21 ans.

C’est en 1239 qu’il acquiert pour des sommes colossales des reliques de la Passion du Christ notamment la couronne d'épines ; un fragment de la Sainte Croix ; et diverses reliques de la Passion comme le Saint Sang ; la pierre du sépulcre ; la lance et l’éponge. Il tombera gravement malade de la dysenterie en 1244, et fera le vœu de partir en croisade au cas où il guérirait. Rétabli, il organisera pendant quatre ans l’expédition, et fera construire le port d'Aigues-Mortes. Il part en 1248 pour la septième Croisade vers l’Egypte. Les critiques vont être ravis : le scorbut et la dysenterie déciment les soldats, et ces derniers et le Roi sont faits prisonniers le 6 avril 1250 à la bataille de Fariskur. Un mois plus tard, en mai 1250, ils seront libérés contre une forte rançon payée par l’ordre du Temple. Vous voyez que la prise d’otages ne date pas d’hier !


C’est la période 1240-1248 qui m’intéresse : où abriter les si précieuses reliques ? Il leur faut une châsse de pierre spéciale ! Une chapelle royale : ce sera la Sainte-Chapelle. Elle devra être construite dans le court laps de temps de huit ans. Les plans sont confiés à Pierre de Montreuil qui tient le pari, et édifie sans doute l’un des plus grands chef d’oeuvre de l’art gothique. Les reliques déposées temporairement à Notre Dame sont transférées deux mois avant le départ du Roi en croisade.
Elle superpose en réalité  deux chapelles : l’inférieure pour les gens du commun, la supérieure pour l’entourage du roi, selon un usage courant dans la construction des palais royaux du Moyen Âge. Dans les premiers temps, la chapelle haute n’était d’ailleurs accessible que par les galeries supérieures du palais, Saint Louis n’ayant pas fait construire d’escalier public.
Pour sa construction, Pierre de Montreuil apporte une véritable innovation technique, le chaînage métallique, très en avance pour l'époque puisqu’il ne fut redécouvert qu’au XXe siècle. D’où une dentelle de pierre aérienne, laissant une large place aux vitraux.

Imaginez-vous l’époque : pas de portable ; pas de télévision ni de cinéma. Pas de Bd non plus, comment imaginer vivre en direct les scènes de la Bible ? Sinon replonger les visiteurs du monument dans une atmosphère lumineuse en trois dimensions, faite quasiment de verrières illustrées de scènes peintes ! Des scènes religieuses ;  choisies en fonction de la place occupée par les personnages au cours des offices, les vitraux évoquant le roi David ou le roi Salomon étant placés près du roi. Ils constituent un ensemble extraordinaire, avec les dominantes rouge et bleue.


Les fenêtres de la nef, hautes de 15,35 m et larges de 4,70 m, sont divisées en quatre lancettes et surmontées d’une rose à six lobes et deux quadrilobes (éléments en forme de trèfle à quatre feuilles). Les fenêtres de l’abside, d’une hauteur de 13,45 m et d’une largeur de 2,10 m, ne comportent que deux lancettes et trois trilobes.


Les scènes représentent : la Genèse ; l’Exode ; le livre des Nombres ; le livre de Josué ; le livre des Juges ; le livre d’Isaïe ; Jean l’Évangéliste et l’enfance du Christ ; la Passion ; la vie de saint Jean Baptiste et le livre de Daniel ; le livre d'Ézéchiel ; les livres de Jérémie et de Tobit ; les livres de Judith et de Job ; le livre d'Esther ; les livres des Rois et l’histoire des reliques de la Passion.

La rose (côté Ouest), de 9 mètres de diamètre, représente l’Apocalypse.


Il faut absolument s’y rendre ! A l’intérieur, c’est immense, très haut il faut lever la tête et tordre le cou. C’est fabuleusement lumineux, coloré, une gigantesque fresque nous entoure, nous auréole d’une lumière céleste. C’est l’immense pouvoir de l’architecture : un Roi commande une Œuvre humaine, mais elle est si belle qu’elle élève l’esprit du visiteur, et lui donne une idée de la Création et des Ecritures. Une image de Dieu. La France est à l’époque la fille ainée de l’église, et Saint-Louis la souhaite chrétienne, à la recherche du Salut des âmes... !


C’est très réussi.

J’ai compris pourquoi, depuis lors, la décoration avait toujours tenté de reproduire cet effet : jouer sur la lumière, les proportions, les couleurs, leur variation au cours du jour, pour émouvoir le visiteur. L’enchanter !

Je vous montrerai plus tard des coupoles illustres.
Je parie que les réalisateurs avaient visité la Sainte-Chapelle,
et y avaient découvert le pouvoir
des vitraux.