Je me souviens de cette leçon de géographie corse : autrefois, la côte était inhabitée : pas d’eau douce ni de pâturages pour les troupeaux. Des miasmes liés aux étangs littoraux bloqués par les cordons dunaires, et donc des moustiques. Sans compter les envahisseurs. La solution : habiter la montagne proche, l’air y est plus pur, il fait moins chaud, il y a des sources, et on voit arriver l’étranger de loin. Alors nous décidons de quitter (provisoirement) la costa daurada, d’ailleurs il faut plus chaud 22°, et de partir pour l’intérieur : Mont-roig del Camp, le village du peintre Miro. Il paraît qu’au-dessus du village, il y a une chapelle de la "Vierge du Rocher" surprenante. Ca c’est la traduction française.
En pratique rien de signalé comme d’habitude, nous donnons à Paulette la route de Falset, pour en effet continuer dans la montagne. Et survient le miracle : un panneau dans le maquis indique à droite l’ermitage de la Mère de Dieu, donc la Ste Vierge. Probable qu’elle habite le rocher, espérons que ce sera différent de Lourdes ? Déjà le paysage change, la roche est ocre-rouge. Les allemands nomment cela le Bund sand stein, j’ai décomposé le nom en « construit » « sable » « pierre », ce qu’on peut traduire par « grès-rouge reconstitué ». Si vous trouvez mieux je prends naturellement. Voilà : les rochers sont de grès rouge tendre : celui-ci érodé par le vent violent provenant de la mer se creuse en alvéoles propices à la formation de grottes. D’ici à ce que des ermites les habitent, il n’y a qu’un pas. En plus la végétation forme un beau maquis, avec du Margallo, l’unique palmier endémique en Europe (Chamaerops humilis) ; des lichens ; et l’Alzina comme on le nomme ici, c’est à dire le chêne ilex.
Au bout du chemin, dont les marches rouges sont creusées dans le Bundsandstein, un pic, avec perché dessus une chapelle. C’est le gîte (ancien) de Sant Ramon, qui avait élu domicile ici. Un peu plus bas dans le monastère, une petite église ornée de Saints, avec St-Antoine de Padoue qui parlait aux truites vous vous souvenez j’espère ? Ouf, il y a un local nommé « restaurant », il faut bien manger dans ce désert. On dirait même qu’il y a de l’eau. Il y a là cinq employés municipaux revêtus de leur uniforme orange qui cassent la croûte en bavardant.(comme chez nous il n’y en avait qu’un qui travaillait un peu plus tôt à repeindre un bac à ordures, et il a fini).
Et dans un oratoire protégé par une grande vitre, la vierge (noire), la Mare de Deu de la Roca. Nous avons mis dans la fente une pièce de 2 Euros, et 2 petites bougies (électriques donc) se sont allumées, on imagine qu’il y a un programmateur pour les éteindre au bout d’un temps programmé. Fini les bougies, on n’arrête pas le progrès, et on supprime la noirceur due à la combustion : la Mare de Deu aime l’écologie.
Il n’y a pas d’autres touristes que nous en cette saison. La Mare de Deu nous a souri, et a promis de nous protéger de la crise de retour en Francia.
Il faut qu’on soit bien naïfs, mais ça nous a rassurés !