mardi 3 mars 2020

Les cardamines de Charles Schneider

J'ai bien conscience d'être complètement décalé ! Les médias ne parlent que de corona-virus ! Même à Marseille, en pleine campagne des municipales, on ne se fait plus la bise ; ne serre plus la main d'un prochain, suspect de revenir de Chine ! La France découvre avec stupéfaction que les pharmacies ne disposent plus de masques de protection, au demeurant inutiles pour tout un chacun puisque réservés au Corps médical ! Plus de gel alcoolique pour se laver les mains ! On va devoir se contenter d'eau et de ... savon de Marseille ! ! Que les médicaments de base sont fabriqués en Chine ! Que nos super-laboratoires pharmaceutiques (qui faisaient notre fierté) ne savent plus (ne peuvent plus) fabriquer la si précieuse pénicilline ! Que nos super-usines assemblant les voitures manquent de pièces de base, fabriquées en Chine, ou bien en Italie, pays bloqués par le virus !

Une révolution : les parents ont tous vécu l'histoire typique à l'Education nationale, de la professeure d'Espagnol, atteinte de morosité-dépressive, disparue trois mois durant, impossible à remplacer par une vacataire inexistante ?  Voilà que le corona-virus crée une Révolution : la découverte de l'enseignement à distance ! Chaque élève resté chez lui pour éviter un contact nocif avec ses pairs va pouvoir suivre sur sa tablette une Carmen autochtone, lui dispensant la langue de Cervantes avec l'accent, le tout sans recours à une quelconque-professeure-réelle ! ! Tout cela au moment même où la réforme des retraites s'impose au Corps Enseignant sommé d'accepter l'augmentation imposée de ses salaires par le biais d'un 49.3 arbitraire, afin de pouvoir à la fin de sa carrière toucher une retraite décente !

Ce virus nous bouscule dans nos vieilles certitudes !

Ceci étant dit, je me sens totalement décalé 

en pleine naissance d'un printemps tempêtueux

de vous parler des cardamines de Schneider 

disparues de la circulation depuis les années 50

et que ni Roumains, ni Chinois, n'ont plus jamais su fabriquer depuis ! ! 


Avec le temps, il est possible de rassembler une belle collection. Y compris quand il s'agit d'objets rares. Toute ma vie j'ai collectionné les plus belles pièces de Charles Schneider, (1881-1953), créateur de la marque "le Verre Français" en 1913, aujourd'hui tombée dans le domaine public, et récupérée par un je-ne-sais-qui...j'y reviendrai un jour ! La marque était la plus grande verrerie d'art en Europe dans les années 1920-1930. Les amateurs chics préfèrent les créations de Gallé ou Daum, moi j'ai toujours été attiré par la stylisation des décors de Charles, et ses couleurs vives, presque criardes, mais si typées.


Les décors Art-nouveau sont innombrables, de plantes surtout de fleurs ; d'oiseaux ; chats ; insectes comme les scarabées ou poissons et papillons. L'un des décors qui m'a toujours attiré, est celui "aux cardamines", aucun rapport avec les cardamines qui vont surgir de terre ces prochains jours : les cardamines ont une couleur mauve, ici c'est un beau rouge saturé. On les voit plutôt sur un fonds de verdure, ici c'est un beau jaune. Gérard Bertrand ne s'y est pas trompé, en illustrant son bouquin par quatre pièces "aux cardamines" : deux vases, mais surtout une veilleuse, conçue à l'origine pour être éclairée de l'intérieur, même si elle servait à l'origine de brûle-parfum. Mieux encore, une lampe. Eclairée dans le socle, et le dôme que certains nomment "l'obus". L'éclairage en question porté par une ferrure martelée très caractéristique, réussissant à attacher deux douilles opposées, le fil torsadé caché dans la partie inférieure. On peut ce qui n'est pas prévu à l'origine éclairer les vases, mais gare si l'ampoule touche une paroi, créant un point chaud local, qui risque de provoquer un fêle dans le verre : alors, la pièce qui peut pourtant supporter cette fêlure toute une vie, est gâchée à la revente et perd toute sa valeur ! !

Exercez-vous à dessiner une forme de vase : elle doit être équilibrée, ample, ronde, lisse, pas évident qu'elle soit parfaitement belle :











Le must naturellement, sont les formes conçues pour être éclairées : cela va du lustre, à la lampe de table, en passant par les veilleuses ou brûle-parfums :








une collection permet de rassembler des formes diverses : chacune des pièces complète l'autre et prend son sens dans le collectif : plus il y en a, plus l'effet est spectaculaire


le risque est multiple : le fêle, la casse, et le vol : nous avons vendu tout cela à Lyon autrefois, en gardant cependant cette photographie : il me manquait la lampe de taille moyenne de Gérard Bertrand, et les lustres n'étaient pas présentables car perchés au plafond...


les collections sont faites pour être rassemblées

puis séparées

elles restent dans nos souvenirs ...!


en guise d'épilogue

vous allez me dire que rien n'est clair dans toute cette histoire ?

notre vieille France a su, grâce à des Artisans géniaux, se doter d'une Créativité
étonnante, et de savoir-faire aujourd'hui disparus

des malins ont cru astucieux, pour satisfaire le Commerce mondial
de transférer notre savoir-faire ailleurs
Ils vantent les mégapoles, où se rassemblent des millions d'humains
pour fabriquer des objets sans grand intérêt
ils se moquent assez des inconvénients de ce mode de délocalisation
et des effets négatifs ainsi engendrés
qui laissent vides des pans entiers de la planète
pourtant destinés à nourrir l'humanité

il suffit hier d'un virus sidaïque, aujourd'hui coronique
pour mettre à mal une organisation planétaire à vrai dire bien fragile

Tout cela me donne l'envie de vite retourner

cultiver mon jardin !




PS (1) : si vous aimez vous pouvez vous régaler :


PS (2) voilà ce que je trouve chez un antiquaire américain : ces verres ont été exportés, et revendus maintenant par des antiquaires US à des prix...dingues ! Je n'avais jamais vu ce décor : vous mettez le doigt dedans, et recherchez des décors identiques... et vous devenez accro !




PS 3 : Attention aux contre-façons contemporaines, fabriquées en Roumanie, et utilisant légalement la signature "le Verre Français". Mais la technique raffinée de Charles Schneider s'est perdue, elle était d'une sophistication inimitable, avec les couches de verres superposées, les inclusions, les bulles, la précision des dessins, la vivacité des couleurs...














ce n'est pas un faux, mais un "vrai contemporain" légalement signé. Pas si mal pour le prix, mais il manque des couches comparé à l'original "aux papillons"